Victoire de Trump : les enseignants français répondent aux peurs de leurs élèves
Donald Trump va-t-il "virer" les Mexicains et les musulmans des Etats-Unis ? Est-ce que ça va être "la Troisième Guerre mondiale"? Après l'élection surprise du milliardaire à la présidence des Etats-Unis, des professeurs français répondent aux interrogations voire aux "peurs" de leurs élèves.
Mercredi 9, jour du résultat du scrutin, "je n'avais rien préparé vu la fraîcheur de l'information", raconte Brigitte Fossé, professeur d'histoire-géographie dans le Val-de-Marne. Constatant "l'anxiété" de ses élèves de 5ème, elle décide "d'y consacrer une bonne partie" du cours d'enseignement moral et civique (EMC). "Rappel du mode d'élection, information sur un Etat fédéral où les décisions n'appartiennent pas toutes au président, séparation des pouvoirs, j'ai tout convoqué pour les rassurer", explique-t-elle. Elle les a "laissés beaucoup s'exprimer" et leur a conseillé d'éviter "les chaînes d'information en continu", qui "risquent de développer leur anxiété". Dans la cour du lycée Pasteur à Strasbourg, "les élèves ne parlaient que de ça", selon Elisabeth Jacquet, professeur d'histoire-géographie, qui a répondu à leurs questions en classe et leur a exposé le système électoral américain.
Ses Secondes, pour deux tiers issus de l'immigration, ont une "très mauvaise image" de Donald Trump. "Ils avaient tous entendu parler de sa politique anti-immigrés", du projet de "mur avec le Mexique" ou de déclarations disant qu'il n'autoriserait plus les musulmans à entrer aux Etats-Unis. "C'est ça qui les touche beaucoup", dit-elle. "Ils ont fait le lien avec le Front national en France", estimant que "ça ressemble beaucoup au programme de Marine Le Pen".
A Saint-Ouen, "un élève qui fait souvent un peu de provocation gentille est arrivé en criant +Trump!+", raconte Sophie Mazet, professeur d'anglais, qui décide de "faire une pause" et répondre aux questions. Ses Terminales étaient d'autant plus intéressées qu'une partie d'entre eux voteront en 2017. Paradoxalement, cette élection va être intéressante, car "Trump est très conspirationniste", souligne l'enseignante, connue pour ses cours "d'auto-défense intellectuelle".
Les élèves de Première technologique de Renaud Paput, près de Lille, "s'attendaient à ce qu'on en parle, pas pour esquiver un cours", mais pour exprimer des "peurs". Ce prof d'histoire et géo qui "aime rebondir sur l'actualité" avait préparé le terrain en leur expliquant le système électoral américain avant les vacances. Leur première interrogation: "est-ce qu'on va vers une Troisième Guerre mondiale?". L'enseignant a notamment souligné "la différence entre ce qu'on dit dans une élection et ce qu'on fait". Il a relié son intervention à des éléments du programme, comme le droit de vote.
Les historiens ne sont pas "Madame Soleil, nous ne pouvons pas prédire l'avenir", a dit Patrice Arnaud, professeur en lycée. Répondre aux questions permet de montrer "l'utilité de nos matières pour appréhender plus sereinement l'actualité, sans en rajouter sur leurs peurs, mais en dédramatisant", dans "le strict respect de notre neutralité", juge-t-il. "On est des +profs d'actualité+, on est souvent sollicités pour réagir aux questions des élèves", indique Amélie Hart-Hutasse, co-responsable histoire-géographie au Snes-FSU, premier syndicat du secondaire.
Elle pense dire à ses élèves "qu'il y a des gens qui votent pour des raisons locales, qu'il y a des choses à comprendre sur les Etats-Unis dont on ne leur parle jamais". Car dans les programmes scolaires, les Etats-Unis sont analysés "en tant que puissance internationale. On étudie peu l'histoire intérieure, les aspects sociaux". Comme "beaucoup d'enseignants", elle constitue sur internet des dossiers auxquels les élèves peuvent se référer. Philippe Watrelot, professeur de sciences économiques et sociales à Savigny-sur-Orge et ancien président des Cahiers pédagogiques, va lui probablement puiser dans son expérience d'enseignement à New York pour parler avec ses élèves, qui tantôt expriment de l'admiration pour la réussite matérielle de Trump, tantôt lui reprochent de jouer sur les peurs.
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