Chronique Covid N°36 – « Confinement : Ils avaient pourtant juré que jamais plus ils ne remettraient le couvert »
Jean-Christophe RUFIN, Médecin, écrivain et diplomate français (ici), interviewé le 17 juin 2020 par Laurent BIGNOLAS sur Télématin « Il ne faut pas croire que c’est une recette miracle, et qu’il faut l’appliquer à chaque fois. Donc, je crois qu’il faudra tout faire pour se préparer à une autre crise sans avoir recours à ce genre de méthode. Par ce que c’est quand même un peu médiéval, d’aller boucler tout le monde comme ça, et en plus indifférencié, qu’on soit à Mulhouse ou en Lozère [1], tout le monde a été mis au même régime catastrophique, on va payer une ardoise économique terrible, et on ne peut pas se permettre de réagir une autre fois de la même façon. Il faut vraiment tout préparer pour que jamais plus de confinement. Ça, c’est certain, c’est une arme beaucoup trop lourde par rapport aux enjeux et on ne l’a utilisée que par ce qu’on n’avait rien d’autre ».
[1] : On s’en souvient, le Haut-Rhin avait été particulièrement touché lors de la 1ère vague, à la suite d’un rassemblement évangéliste, alors que la Lozère n’avait toujours pas déploré un premier décès covid…
D’ailleurs, même Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique, a fini par se ranger, un peu tardivement, à mon avis initial (ici), déclarant le 18 juin 2020 devant les députés de la commission d’enquête parlementaire, je cite « Un confinement généralisé tel qu’il a été mis en place le 12 mars ne sera pas ni possible ni ne sera souhaitable et pour aller au fond des choses, ne serait accepté par la population française ».
Il ajoutait : « Il faudra tenter d’expliquer à nos populations, qu’il va y avoir une population jeune, qui a peu de risque, qui peut travailler, qui peut aller à l’école pour les plus jeunes, qui peut continuer à travailler en prenant l’ensemble des précautions, et en étant évidemment extrêmement strict, mais qui, où on laisse finalement une forme de vie qui s’installe, et de l’autre côté, des populations plus âgées, plus à risque, qu’il va falloir protéger. Alors, pas les protéger malgré-elles, mais en étant quand même, même si de nouveau on m’accuse, je dirais, de vouloir ostraciser [2] cette population, dont je fais partie, donc je suis assez à l’aise. Eh bien, si ça devait se produire, il faudrait conseiller, toujours avec leur acceptation, à cette population plus fragile, eh bien, d’avoir un confinement partiel, mais qui serait évidemment plus important ».
[2] Ostraciser : « isoler, exclure d’un groupe, tenir à l’écart »
Macron, le 14 juillet 2020, lors de son interview par Léa Salamé et Gilles Bouleau :
Gilles Bouleau « Une question qui intéresse tous les français, s’il y a reconfinement, ce n’est pas une hypothèse d’école, est-ce que ce sera un reconfinement global, 67 millions de français, un reconfinement par canton, par ville, on a vu plusieurs quartiers de Lisbonne, on a vu Melbourne, 5 millions d’habitants, est-ce que ce serait comme ça ou est-ce que ce serait par exemple un reconfinement des personnes dont vous disiez qu’elles étaient les plus fragiles, les plus de 70 ans, on les isole, quitte à les déprimer et à les déprécier. Alors qu’est-ce que vous allez faire ? »
EM « On a pris la mesure la plus radicale, la plus dure qui était le confinement. C’est aussi la plus basique si je puis dire. Avec des tas de conséquences, vous l’avez rappelé en creux, sur les autres maladies, avec des gens qui ne sont pas allés se faire soigner, sur le plan psychologique et psychiatrique, avec beaucoup de gens qui ont souffert, sur le plan des injustices sociales, par ce que, être confiné dans une maison qui a un jardin, ce n’est pas pareil qu’être confiné dans un appartement à plusieurs, être confiné dans une maison où il n’y a pas internet, c’est pas pareil que d’être connecté en permanence. Et donc, le confinement a été un révélateur d'inégalités, je ne veux pas de cela à nouveau pour le pays »
Le MEDEF aussi était fortement opposé à tout nouveau confinement général, Le 28 juillet Dominique Carlac’h qui en est son porte-parole et sa vice-présidente, était interviewée sur France Info par Nicolas Teillard :
Le journaliste « Les entreprises françaises vivent avec une épée de Damoclès, au-dessus de la tête, cet été, ça risque de continuer à la rentrée. Le spectre d’une reprise de l’épidémie vous inquiète ? »
DC « On est prêt. On est prêt à l’affronter. C’est-à-dire qu’on ne peut pas se permettre un deuxième confinement sur le plan économique. De ce fait, il faut que l’on prépare les protocoles sanitaires qui nous protègent. Donc on suit les recommandations du gouvernement, jour après jour, semaine après semaine. La semaine dernière nous avons eu des informations sur la reprise de quelques cas en France. Le dialogue social a repris immédiatement. On a remis en place des protocoles, on les a actualisé… » Retrouvez l’intégralité de l’interview de Dominique Carlac’h (ici)
Olivier Véran le 23 août 2020 dans le JDD et sur France Info :
« Un reconfinement général en France n’est pas à l’ordre du jour, c’est ce qu’assure Olivier Véran dans le Journal du Dimanche (JDD). Le Ministre de la Santé met toutefois en garde, nous sommes dans une situation à risque affirme-t-il face au nombre de contaminations qui augmentent, plus de 3.600 nouveaux cas hier en France » (ici)
Éric Fregona, Directeur adjoint de l’association des Directeurs au service des personnes âgée (AD-PA), devant la commission d’enquête de l’assemblée nationale, le 28 juillet 2020 « Le confinement a été très durement vécu par beaucoup de personnes âgées et on a tenu dès le début de l’épidémie à dire qu’il fallait évidemment s’attacher à la santé physique des personnes âgées, mais également à leur santé psychique. Et que c’est essentiel, par ce que l’un ne va pas sans l’autre, surtout chez les personnes en situation de vulnérabilité. »
Le 28 août, France Info TV, dans une courte vidéo « Covid-19 : Le retour de l’épidémie ? », pose la question au Ministre Olivier Véran « Alors pourquoi ne pas reconfiner ? ». Ce dernier écarte l’hypothèse d’un reconfinement car la situation n’est pas la même qu’au mois de mars « C’était guidé par un indicateur majeur, très général, mais fondamental, la montée des hospitalisations, la montée des réanimations, ce que nous ne constatons pas. En tous cas dans des proportions qui justifieraient aujourd’hui de poser cette question ! ».
Et le commentateur de poursuivre « On est aujourd’hui très loin d’un pic épidémique, mais pour autant, impossible d’exclure une deuxième vague en automne, d’autant que pour l’heure aucun vaccin ni traitement vraiment efficace n’est disponible ».
Mais, il est démenti 2 jours plus tard par Emmanuel Macron
Le 30 août 2020 sur le Portail Orange « actualités », « Devant l'Association de presse de l'Elysée, Emmanuel Macron a assuré tout mettre en œuvre pour éviter un reconfinement total. Mais devant la remontée exponentielle de l'épidémie, il a reconnu qu'il ne pouvait l'exclure.
Martin Blachier sur C-News expliquait le 5 septembre que finalement c’est le confinement qui est à l’origine de la deuxième vague : « Le problème qu’on a eu sur cette épidémie c’est qu’on a fait quelque chose qui n’est jamais arrivé qu’on n’a jamais observé, c’est qu’on s’est tous enfermés. Donc effectivement, ça a cassé cette cinétique virale qui n’a pas pu aller jusqu’au bout de son histoire. Après on s’attendait à ce quelle veuille finir finalement son histoire naturelle… »
Dr Brigitte Milhau « En fait, on l’a contrarié avec le confinement et elle est en train de finir sa courbe… »
MB « Elle ne repart pas de la même manière qu’elle était partie en mars-avril puisqu’on la contraint quand même. On a eu les gestes barrières, on a isolé la population générale, donc forcément, au lieu d’avoir cette espèce de pic extrêmement pointu qu’on a eu en mars-avril, on a plutôt une épidémie qui redémarre lentement, et c’est ce redémarrage lent de l’épidémie que l’on veut freiner, mais ce n’est pas une vague épidémique grippale, c’est le redémarrage d’un phénomène qui n’a pas pu aller jusqu’à son terme en mars-avril… »
BM « Donc c’est cette évolution naturelle qui a été contrariée par le confinement et qui poursuit… »
MB « Et qui repart ».
Contrairement à ce qu’a affirmé Emmanuel Macron jeudi soir, le confinement (en mars) n’a pas arrêté le virus !
Nous avions vu dans ma 5ème chronique que le confinement lors de la 1ère vague n’était pas une bonne idée (ici). Nous essaierons de comprendre pourquoi lors d’une prochaine chronique, en décryptant les propos de notre exécutif, ce n’est toujours pas une bonne idée. Confiner toute la population, c’est continuer à tourner le dos à l’immunité collective qui n’est pas uniquement humorale, contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire…
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.