Garantir l'anonymat des forces de l'ordre : une idée bien accueillie, mais difficile à appliquer
Le double assassinat perpétré lundi soir, au domicile même des victimes à Magnanville (Yvelines), par un homme se revendiquant de l'organisation État islamique (EI), "doit nous amener à donner aux policiers et aux gendarmes les moyens de se défendre lorsqu'ils ne sont pas en service", a déclaré le chef de l’État lors de l'hommage organisé ce vendredi 17 à Versailles.
Il s'agit de leur permettre de conserver "leurs armes à tout moment, comme cela a été admis pour les policiers dans le cadre de l'état d'urgence". Mais "il nous faut aussi éviter (...) que les policiers et les gendarmes soient identifiés" et "pris pour cibles par les malfaiteurs qu'ils ont mis hors d'état de nuire", a-t-il ajouté.
Interrogés par l'AFP, de nombreux membres des forces de l'ordre ont applaudi, relayés par les puissants syndicats de police qui l'avaient expressément demandé dès mardi soir au ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve. Ils avaient été reçus au lendemain du drame qui a suscité une très grande émotion parmi les forces de l'ordre.
Le ministre avait annoncé, pour les policiers, la pérennisation du port d'arme hors service après la fin de l'état d'urgence en vigueur jusqu'au 26 juillet. Au-delà du drame de Magnanvillle qui a visé un policier ciblé en tant que tel selon les autorités, l'anonymat des forces de l'ordre est un problème récurrent.
Elles se plaignent souvent que les noms des fonctionnaires apparaissent dans les procédures, ce qui permet de les identifier et fait d'eux des "cibles", selon leur expression. "Maintenant, avec toutes ces graines d'islamistes radicaux qu'on trouve au coin des rues et qui tuent, c'est encore pire", résume Patrice Ribeiro, du syndicat Synergie-Officiers. Les cas d'enquêteurs menacés car identifiés à la suite d'enquêtes sont minoritaires, mais frappent les esprits.
Jeudi, un policier rentrant chez lui près de Paris a déposé plainte après avoir été agressé par un homme porteur d'un bracelet électronique et sous contrôle judiciaire. Une vieille connaissance: "T'es flic, je vais te fumer, je t'avais prévenu qu'on allait se retrouver", a dit le suspect, selon le procès-verbal dont l'AFP a eu connaissance.
"Il faut que nos collègues apparaissent dans les procédures sous leurs matricules", ont indiqué à l'AFP les responsables de Synergie, du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI-CFDT), d'Alliance et d'Unité-police-SGP-FO, tous à l'unisson. "Cela se fait dans des services antiterroristes", selon Christophe Rouget du SCSI. "Ce n'est pas difficile à mettre en oeuvre", renchérit Jean-Claude Delage pour Alliance. "Il faut se faire domicilier au commissariat pour tous les actes même les plus courants", dit Nicolas Comte de FO.
Mais cela pose plusieurs problèmes, selon les autorités qui doivent mettre en oeuvre les annonces présidentielles: techniques, de changement de procédures, etc. Et quid des témoignages d'enquêteurs, en personne, lors des procès?
Autre écueil: les multiples reportages télévisés montrant des forces de l'ordre en action, notamment sur la TNT. "Le droit à l'image, c'est un vrai casse-tête. Si tout le monde veut être flouté, que fait-on?" dit un haut responsable policier, "fini la TNT!" Mercredi, un journaliste de l'AFP a constaté que des policiers, lors de l'inauguration d'un état-major place Beauvau, ont demandé à être filmés de dos. "On a peur", a avoué l'un d'eux, qui n'est pourtant plus sur le terrain.
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