La révision constitutionnelle dans l'impasse
Le président du Sénat Gérard Larcher (LR) a demandé ce mardi 28 à François Hollande de prendre "rapidement une décision". Dans un courrier, il lui a suggéré "deux orientations": "suspendre le processus de révision" en raison "des divisions qu'il suscite" et de la "priorité" à donner aux dispositifs concrets de "lutte contre le terrorisme", ou renvoyer en deuxième lecture à l'Assemblée le texte désormais modifié par la chambre haute.
Le chef de l'Etat pourrait livrer son verdict dans les prochaines heures, ou jours.
L'article 1er, qui vise à inscrire le régime de l'état d'urgence dans la loi fondamentale, fait l'objet d'un relatif consensus entre les deux chambres, contrairement au controversé article 2 sur la déchéance de nationalité pour les terroristes.
Mais, pour le patron des sénateurs LR, "une demi-réforme ne fait pas une réforme". "On ne va pas emmener le Parlement (au Congrès, NDLR) pour la constitutionnalisation de l'état d'urgence, alors (...) que l'état d'urgence fonctionne" sans, a affirmé Bruno Retailleau mardi après une réunion de son groupe.
Son homologue à l'Assemblée, Christian Jacob, a lancé à la presse: "un Congrès a minima" ne "présente aucun intérêt" et "si le président de la République en est à vouloir un Congrès pour un Congrès", c'est "choquant".
Assemblée nationale puis Sénat ont voté le projet de révision annoncé par François Hollande après les attentats du 13 novembre, mais chacun en réécrivant le volet sur la déchéance. Or les deux chambres doivent parvenir à une version identique avant toute réunion du Congrès, où le texte doit être approuvé à une majorité des 3/5e.
Juste après le vote du Sénat, le jour des attentats de Bruxelles, le chef de l'Etat a reçu Gérard Larcher puis le président de l'Assemblée nationale Claude Bartolone (PS), alors que droite et gauche ne cessent de se renvoyer la responsabilité d'un possible échec. "On va voir si on peut trouver des convergences, mais dans un délai qui sera rapide", avait assuré jeudi le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll.
Or le ton à droite semble durcir depuis le week-end pascal. Les présidents des groupes LR ont eu des échanges sur un scénario qu'ils voient venir de l'Elysée "comme le nez au milieu du visage", selon un député. L'hypothèse d'une révision constitutionnelle réduite à l'état d'urgence, complétée éventuellement par une réforme du Conseil supérieur de la magistrature, est d'avance critiquée comme du "bidouillage" ou de la "petite cuisine élyséenne", par les chefs de file des députés UDI et Front de Gauche.
"Le président de la République veut absolument son jouet, un Congrès pour ne pas perdre la face", s'exclame le député LR Philippe Gosselin.
Jugeant que des "tactiques politiciennes à courte vue ont repris le dessus à droite au Sénat", à l'approche de la primaire, une porte-parole du PS, Corinne Narassiguin a elle, qualifié la sortie Retailleau-Jacob de "manœuvre minable pour cacher leur incapacité à s'entendre sur l'article 2".
Et de souligner que la déchéance "n'a été proposée par le président Hollande que pour répondre aux exigences de la droite au nom de l'union nationale face au terrorisme". "Ce serait fort de café que la droite bloque la révision et que ce soit la faute du PS", pestait la semaine dernière un ténor du parti.
"Je pense que (le processus) va s'arrêter", a lâché mardi le député PS Patrick Mennucci (PS) dans les couloirs. Même pronostic de son collègue Malek Boutih: le président "va être contraint de renoncer à la réforme", mais "lui-même finalement ne l'a pas beaucoup aidée" en ne la défendant pas suffisamment.
Cependant, glissent des sources parlementaires, même sur cette réforme "en soins palliatifs", "la décision est aussi imprévisible que celui qui la prendra".
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