Loi Travail : la manifestation de jeudi au centre des tensions
Les opposants à la loi Travail et le gouvernement sont en plein marchandage depuis lundi pour savoir si la manifestation prévue jeudi 23 à Paris sera autorisée ou non, et sous quelle forme, après les violences qui ont émaillé celle du 14 juin. Une réunion entre les syndicats et le préfet de police était annoncée en fin de matinée.
Invoquant des raisons de sécurité, la préfecture a demandé aux sept syndicats contestataires d'organiser un "rassemblement statique" place de la Nation jeudi, plutôt qu'un défilé comme ils le demandaient, entre Bastille et Nation - trajet volontairement raccourci pour "tenir compte", assurent les syndicats, des conditions de sécurité.
S'ils renoncent à ce rassemblement statique, la manifestation sera interdite, a averti la préfecture, une mesure exceptionnelle.
Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a même écrit au numéro un de la CGT, Philippe Martinez, pour lui dire que "dans ce contexte de tension et de heurts récurrents (...), le renouvellement à l'identique d'une manifestation itinérante le 23 juin n'apparaît pas envisageable". Ce mardi 21, il en a appelé "à la responsabilité" des syndicats.
Alliance, le premier syndicat de gardiens de la paix, a demandé le report du défilé parisien de jeudi "comme d'ailleurs de tout rassemblement statique car nos collègues sont sur tous les fronts et sont épuisés", a déclaré Frédéric Lagache, secrétaire général adjoint du syndicat de police, faisant référence notamment à l'Euro de football et à la lutte contre le terrorisme.
Mais les syndicats (CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, UNL et Fidl) ont maintenu leur demande de défiler, demandant au ministre de "faire une nouvelle proposition de manifestation". Selon une source syndicale, un autre trajet serait "dans les tuyaux".
Une nouvelle journée de mobilisation est déjà programmée le 28 juin, avec un appel à manifester de Nation à place d'Italie, selon le communiqué intersyndical publié la semaine dernière.
"La balle est dans le camp du gouvernement, il lui appartient d'écouter les propositions d'un parcours alternatif", a affirmé Fabrice Angéi, membre du bureau confédéral de la CGT, lundi soir sur BFMTV.
Pour les syndicats, un rassemblement statique constitue une "remise en cause de la liberté de manifester", d'autant que de nombreuses manifestations sont prévues ailleurs jeudi en France, sans menaces d'interdiction, dans le cadre d'une journée de mobilisation. "Et pourquoi pas un pique-nique aussi?!" s'est agacé M. Angéi.
Faire du surplace serait de surcroît dangereux pour la sécurité des manifestants, disent-ils. "Le rassemblement statique peut être source de tous les dangers car je rappelle que c'est en fin de manif que les exactions les plus violentes sont commises", a dit le responsable cégétiste.
"Je ne suis pas sûr qu'une +fan zone+ syndicale sur la (place de la) Nation soit plus sécurisée qu'une manifestation", a estimé pour sa part Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO.
"Franchement, vous voyez la place de la Nation, comme toute autre place, entourée par les forces de l'ordre? Donc ça devient quoi, c'est une arène?", a-t-il demandé.
Le leader de FO a souligné qu'au départ, les syndicats "n'avaient pas prévu de faire de manifestation" jeudi. "Qu'est-ce qui génère la manif le 23 ? Les interventions la semaine dernière du Premier ministre".
Au lendemain des violences ayant émaillé la manifestation nationale du 14 juin à Paris, avec d'importantes dégradations et 28 policiers blessés, Manuel Valls avait pointé la "responsabilité" de la CGT, critiquant son attitude "ambiguë" vis-à-vis des casseurs. Dimanche, il a estimé que "les organisateurs devraient annuler eux-mêmes ces rassemblements".
Ces propos ont déclenché un tollé chez les syndicats et une partie de la gauche. La CGT "ne porte aucune responsabilité sur ce qui se passe en marge des manifestations", a insisté Philippe Martinez, qui s'est interrogé, comme M. Mailly, sur des ordres de non intervention qui seraient donnés aux forces de police.
Même Laurent Berger, leader de la CFDT, qui soutient la loi Travail, estime qu'interdire de manifester n'est "pas du tout souhaitable".
Le projet de loi Travail est actuellement examiné au Sénat où le vote solennel doit avoir lieu le 29 juin, avant un retour à l'Assemblée nationale le 5 juillet.
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