Polémique sur les vêtements islamiques développés par des marques occidentales

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 30 mars 2016 - 22:13
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Laurence Rossignol a jugé que c'était "irresponsable de la part de ces marques".
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Les marques occidentales peuvent-elles développer des vêtements islamiques? Le débat a enflammé les esprits mercredi, la ministre des Droits des femmes qualifiant d'"irresponsable" cette stratégie, tandis que des musulmans jugeaient "stigmatisante" cette polémique, commentée jusque dans les milieux de la mode.

Laurence Rossignol, interrogée sur le développement par plusieurs enseignes, telles Uniqlo et Marks&Spencer, de vêtements recherchés par des musulmanes pratiquantes, comme le hijab (foulard encadrant le visage sans le dissimuler) ou le "burkini" (maillot de bain couvrant aussi les cheveux), a jugé que c'était "irresponsable de la part de ces marques".

"Lorsque des marques investissent ce marché (...) parce qu'il est lucratif, un marché pour les pays d'Europe, pas un marché pour les pays du Golfe (...), elles se mettent en retrait de leur responsabilité sociale, et d'un certain point de vue font la promotion de l'enfermement du corps des femmes", a fait valoir la ministre des Droits des femmes sur RMC et RMC Découverte.

Le sujet n'a pas laissé les stars du luxe indifférents. "Je suis scandalisé. Moi qui ai été près de 40 ans au côté de Yves Saint Laurent, j'ai toujours cru qu'un créateur de mode était là pour embellir les femmes, pour leur donner la liberté, pas pour être le complice de cette dictature qui impose cette chose abominable qui fait qu'on cache les femmes, qu'on leur fait vivre une vie dissimulée", s'est emporté Pierre Bergé sur Europe-1. "Renoncez au fric, ayez des convictions!", a lancé l'homme d'affaires aux enseignes tentées par l'"islamic fashion".

"On ne doit pas banaliser un vêtement qui, quoi qu'on en pense, n'est pas anodin pour l'image de la femme", a confié la créatrice Agnès b. au Parisien. "La mode est laïque et universelle, porteuse de liberté et d'espoir. (...) Parler de mode et de religion me paraît discriminant", a réagi auprès de l'AFP Jean-Charles de Castelbajac, qui a de son côté dessiné des vêtements liturgiques catholiques.

L'enseigne londonienne Marks&Spencer a pourtant défendu son "burkini". "M&S fournit une large gamme de maillots de bain de qualité offrant à nos clients un large choix. Nous commercialisons cet article depuis quelques années et il est populaire auprès de nos clients à l'international", a justifié un porte-parole.

Des voix musulmanes se sont étonnées de ce débat, électrique comme souvent sur l'islam ces derniers mois, sur fond de développement d'un islam identitaire, voire fondamentaliste.

"Est-ce que la France n'a pas d'autre souci, alors qu'elle combat le terrorisme, que de stigmatiser les femmes musulmanes? Y en a ras-le-bol!", s'est irrité auprès de l'AFP Abdallah Zekri, président de l'Observatoire contre l'islamophobie et secrétaire général du Conseil français du culte musulman (CFCM). "Est-ce qu'un ministre a le droit de s'ingérer dans la manière dont une femme souhaite s'habiller, dans la mesure où elle respecte les lois de la République et qu'elle ne cache pas son visage ?"

Seul le voile dissimulant le visage, de type niqab ou burqa, est proscrit dans l'espace public depuis 2011, l'interdiction de tout signe religieux ostentatoire (dont le hijab) devant en outre être respectée par les agents publics et les élèves des établissements scolaires laïcs depuis 2004.

Dans sa "convention citoyenne" de juin 2014, le CFCM voyait dans le foulard simple une "prescription" coranique tout en affirmant son "opposition" au voile intégral.

"Il s'agit d'une polémique misérable", a réagi à l'AFP le blogueur musulman "orthodoxe" Fateh Kimouche, spécialiste de l'économie islamique. Selon lui, ces articles proposés par des marques généralistes "répondent tout simplement à un marché, y'a pas de gros barbu derrière. Il y a des milliers d'emplois à la clé, il faudrait peut-être faire preuve de pragmatisme".

"La France accuse un retard sur la mode islamique", estime Hélène Agesilas, cocréatrice de la marque Fringadine, qui vend des vêtements longs typiques de la "modest fashion" (mode pudique). "Il y a une réelle demande des femmes", souligne-t-elle, citant une étude selon laquelle le marché mondial de la mode islamique, évalué par un cabinet à 230 milliards de dollars en 2014, pourrait atteindre plus de 320 milliards en 2020.

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