Taïwan face à la Chine : l'impossible relation diplomatique avec l'Europe

Auteur(s)
Damien Durand (Taipei, envoyé spécial)
Publié le 10 novembre 2016 - 14:41
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Le siège de la commission européenne à Bruxelles.
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© Gérard Colombat/Flickr Creative Commons
Aucun des 28 Etats membres de l'Union européenne ne reconnaît Taïwan.
© Gérard Colombat/Flickr Creative Commons
Taïwan essaie de développer des relations diplomatiques avec des pays qui refusent de reconnaître le territoire pour ne pas froisser Pékin. La Chine continentale agirait d'ailleurs activement -du moins selon Taipei- pour éviter que la "province rebelle" ne trouve des relais sur le Vieux Continent.

(De notre envoyé spécial) Si Taïwan n'est pas officiellement invitée à participer à la COP22 pour ne pas froisser la sensibilité chinoise, c'est bien là le moindre de ses problèmes diplomatiques. Car au-delà de l'impossibilité de peser lors de ses grands rendez-vous internationaux, le pays souffre surtout d'une reconnaissance de plus en plus réduite (seulement 22 pays admettent encore que Taïwan est un Etat légitime) ce qui pose des problèmes quotidien à la diplomatie de Taipei. Et la liste des nations acceptant des relations diplomatiques officielles en dit long sur les difficultés diplomatiques taïwanaises : le Burkina Faso, Haïti, la République dominicaine et le Paraguay restent les dernier pays d'importance à reconnaître Taipei comme le gouvernement légitime de la Chine. Derrière eux? Une liste improbable de micro-Etats du Pacifique et quelques îles indépendantes des Caraïbes. Autant de pays qui comptent peu dans les relations inernationales, mais qui ont cependant leur siège à l'ONU et peuvent faire entendre la voix de Taïwan, qui elle a perdu sa place en 1971.

Mais sur cette carte des pays reconnaissant encore Taïwan, une "zone blanche" ressort: l'Europe. Sur le Vieux continent, seul le Vatican est resté fidèle au pouvoir exilé par la révolution chinoise en 1949. Tous les autres pays sont officiellement calqués sur la position de Pékin. Et alors que Taïwan est, pour certains, un partenaire économique majeur, aucune relation diplomatique officielle n'existe, aucune visite mutuelle entre chefs d'Etat n'est envisageable, et, bien entendu, aucune ambassade n'est présente sur le territoire des différents pays européens. Taïwan doit ainsi se contenter en France d'un "Bureau de représentation", dirigé par un fonctionnaire taïwanais qui n'a pas le statut d'ambassadeur et ne bénéficie d'aucune immunité diplomatique.

Et Pékin est très attentive à ne laisser aucune chance à la diplomatie taïwanaise de poser le pied en Europe. Taipei fait pourtant le maximum. "Nous invitons fréquemment des représentants de l'Union européenne. Nous avons reçu en octobre un groupe de députés européens membres de partis conservateurs pour leux exprimer notre position, et essayer de faire inscrire à l'agenda des institutions européennes l'étude des questions diplomatiques relatives à Taïwan. Je vous avouerai que c'est très difficile" explique à FranceSoir Kevin Lin, directeur-adjoint en charge de "l'information internationale" au ministère des Affaires étrangères du territoire. En sortant de son bureau, nous croisons d'ailleurs une délégation du parlement finlandais, visiblement peu encline à répondre à nos questions, et portant à la boutonnière un pin's représentant les drapeaux taïwanais et finlandais entrecroisés. Reste à savoir s'il pourront répandre "la bonne parole" des intérêts taïwanais, que l'on ne manquera pas de leur expliquer en détails durant leur séjour, quand ils rentreront à Helsinki. Rien n'est moins sûr.

Une source diplomatique explique en effet qu'exprimer un soutien pour Taïwan à Taipei est une chose, mais pouvoir le faire à son retour, notamment Bruxelles, en est une autre... "Nous invitons un maximum de députés européens à participer aux réceptions que nous organisons dans la capitale européenne pour notre fête nationale, le 10 octobre. Mais les élus reçoivent des pressions de Pékin les +désincitant fortement+ à s'y rendre". Une affirmation difficile à vérifier mais la réception donnée à Paris à l'occasion de la fête nationale -la France est le vingtième fournisseur du territoire en plus de recevoir de nombreux touristes taïwanais- ne déplace effectivement pas les hommes politiques de premier plan. Plus haut représentant officiellement invité à s'exprimer cette année: François de Rugy, l'un des six vice-présidents de l'Assemblée nationale. Au Palais Bourbon, alors que le groupe d'amitié France-Chine compte 99 députés membres, celui dédié à Taïwan -qui, diplomatie oblige, s'appelle officiellement "groupe d'études à vocation internationale sur les questions liées à l'expansion de l'économie taïwanaise"- n'en compte pas la moitié. Se fâcher avec Pékin pour les beaux yeux de Taipei n'apparaît pas encore comme une bonne affaire, diplomatiquement parlant.

 

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