"Jungle" de Calais : début de la construction d'un mur loin de faire l'unanimité
Malgré des oppositions tous azimuts et la promesse gouvernementale d'une fermeture rapide de la "Jungle", mardi a débuté la construction d'un mur "anti-intrusions" censé protéger les accès au port de Calais des assauts répétés de migrants pour passer en Grande-Bretagne.
A quelques centaines de mètres du camp de la lande (son nom officiel), où vivent 6.900 migrants, selon les autorités - 10.000 selon deux associations -, le béton a commencé d'être coulé, sur 50 mètres de long et un de profondeur, à deux mètres de la rocade portuaire, derrière la barrière de sécurité.
Le mur, qui sera "végétalisé", fera un kilomètre de long, pour 4 mètres de haut. S'il revêt une forte charge symbolique, il ne fera que prolonger les quelque 30 kilomètres de grillage, surmontés ici ou là de barbelés, installés depuis l'été 2015 pour protéger le port et la rocade portuaire. Le mur sera constitué de panneaux en béton armé encastrés dans des supports métalliques, permettant "un éventuel démontage" de l'ouvrage, entièrement financé par les Britanniques, pour un coût estimé à 2,7 millions d'euros.
Les travaux doivent se terminer "avant la fin de l'année", d'après la préfecture du Pas-de-Calais. La construction doit encore durer huit à douze semaines, la végétalisation prendra six semaines et la pose du système de vidéosurveillance et d’éclairage huit semaines, selon la calendrier prévisionnel.
Malgré l'engagement du ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, de démanteler "rapidement" la "Jungle", le gouvernement veut envoyer un signal dissuasif aux futurs candidats à l'émigration clandestine et aux passeurs, défendant une "stratégie globale de long terme pour diminuer l’attractivité du Calaisis". Et ce à quelques jours de la venue de François Hollande, annoncée pour "fin septembre" à Calais par M. Cazeneuve.
Ce mur, qui est aussi un mur anti-bruit, est censé empêcher les migrants de la "Jungle" de se rendre sur la rocade portuaire qu'ils prennent régulièrement d'assaut. Ils y érigent des barrages de fortune et ralentissent les camions se rendant en Grande-Bretagne, pour tenter de s'y cacher.
Cependant, seuls les milieux économiques applaudissent. Dès la nuit tombée, Les migrants "placent des troncs d'arbre, des branchages, des bonbonnes de gaz... On ne peut plus continuer à subir ces assauts répétés", avait expliqué le PDG du port Jean-Marc Puissesseau.
Face à lui, responsables d'ONG et élus locaux opposés au gouvernement s'accordent sur le fait "qu'il ne résoudra en rien les problèmes".
"Symboliquement et psychologiquement, ce mur marque profondément. Mais c'est une très mauvaise façon d'utiliser l'argent des Britanniques. Les incidents ont lieu sur la rocade mais aussi déjà un peu plus loin sur l'A16. Si on veut éviter qu'ils y accèdent, il faudrait poursuivre sa construction jusqu'à Dunkerque, Saint-Omer, voire Lille", ironise François Guennoc, de l'Auberge des migrants.
Pour la maire de Calais Natacha Bouchart (LR), "ce mur n'a plus lieu d'être" depuis que Bernard Cazeneuve est venu sur place annoncer le 2 septembre la fermeture "le plus rapidement possible" du plus grand bidonville de France. Son voisin, le maire de Marck-en-Calaisis Pierre-Henri Dumont (LR), devait faire voter ce mardi soir par son conseil municipal une motion d'opposition, à la construction du mur, refusant que "la Côte d'Opale soit défigurée par des murs érigés un peu partout".
Même le député PS de Calais Yann Capet est circonspect. "La seule chose qui améliorera durablement le situation (...) c'est le démantèlement du camp", a-t-il affirmé à l'AFP.
Paradoxalement, les riverains non plus ne sont pas enthousiastes. "Le côté anti-bruit, ce n'est que des bêtises", s'énerve Bernard, dont la maison se situe à moins de 100 mètres du futur mur. "Quant au visuel, ajoute-t-il, ça va être une cochonnerie".
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