Pédophilie : l'Eglise de France empêtrée dans le scandale Barbarin
Sonnée par le scandale de pédophilie qui plombe le cardinal Philippe Barbarin, l'Eglise de France défend le travail qu'elle a mené sur ce sujet depuis 15 ans, mais admet des failles dans sa réaction aux faits anciens et l'écoute des victimes. Les plaintes visant l'archevêque de Lyon sont très embarrassantes pour l'épiscopat catholique, qui pensait s'être mis au clair depuis la condamnation - inédite - d'un évêque en 2001.
Mgr Pierre Pican avait été condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis pour non-dénonciation des faits de pédophilie commis par un prêtre de son diocèse de Bayeux, l'abbé René Bissey, auquel la cour d'assises du Calvados avait infligé 18 ans de réclusion en octobre 2000. "Il y a eu un énorme travail fait depuis 15 ans. L'année 2000 a été un tournant décisif. Il y a eu une prise de conscience des évêques sur ces crimes, ces affaires sexuelles et leurs conséquences durables", a redit Mgr Stanislas Lalanne, chargé d'une "cellule de veille" sur ces questions, mardi 15 mars devant la presse à Lourdes.
C'est ici, dans le sanctuaire marial pyrénéen où il se réunit en assemblée plénière deux fois par an, que l'épiscopat avait adopté une déclaration remarquée en novembre 2000. Le texte était sans ambiguïté sur le sort des "prêtres coupables d'actes à caractère pédophile", qui "doivent répondre de ces actes devant la justice". Il n'éludait pas la responsabilité de l'évêque de tutelle, qui "ne peut ni ne veut rester passif, encore moins couvrir des actes délictueux". Puis la Conférence des évêques de France (CEF) avait publié en 2002 un "document de référence" à l'usage de ses éducateurs, Lutter contre la pédophilie, réédité en 2010.
Le sujet a aussi été remis à l'ordre du jour des deux assemblées plénières de 2015: une piqûre de rappel aux 120 évêques en activité, dont 80% ne l'étaient pas il y a quinze ans. "Ces travaux vont donner lieu à l'édition de fiches, espèce de vademecum à destination des évêques et de tous ceux qui ont à travailler ces questions de la pédophilie", a expliqué ce mercredi à l'AFP le porte-parole de la CEF, Mgr Olivier Ribadeau Dumas. Pour ce prélat, "aujourd'hui il y a un système très clair quand un évêque est au courant de faits pédophiles". "Il incite la famille à porter plainte; si la famille ne veut pas porter plainte, nous incitons le prêtre à se dénoncer à la justice si les faits sont vraisemblables; s'il ne le fait pas, l'évêque lui-même fait un signalement au procureur", détaille-t-il.
Le cardinal Barbarin affirme agir ainsi, soulignant qu'il a suspendu deux prêtres, en 2007 et 2014, pour des actes récents. Mais sa mise en cause dans deux affaires, pour des faits commis par des prêtres au plus tard au début des années 1990, jette une lumière crue sur la réponse que peuvent apporter les évêques à des actes anciens, parfois prescrits en droit français. Aujourd'hui, l'épiscopat reconnaît que si prescription juridique il y a, aucune prescription morale ne tient face à la pédophilie. Et il promet d'"adapter (ses) processus".
"Nous n'avons pas autant travaillé les cas très anciens", reconnaît le président de la CEF, Mgr Georges Pontier. "La blessure des victimes reste un cri très fort à nos oreilles, à notre cœur, et c'est ce cri-là qui nous fait un devoir de réparation en quelque sorte imprescriptible", ajoute-t-il. "Il faudra préciser les conditions de cette absence de prescription pour être sûr qu'elle soit effective", commente le Père Cédric Burgun, maître de conférences en droit canonique, pour qui, sur cette question, "la volonté des évêques est bien plus forte que celle du législateur".
Reste la question de l'accueil et de l'écoute des victimes, sur laquelle les évêques reconnaissent une marge de progression. "Dans certains diocèses, des cellules d'écoute ont été mises en place, dans lesquelles il y a un prêtre, un psychologue, un juriste, pour venir en aide aux personnes qui viennent. C'est une piste importante qui est à creuser", estime Mgr Ribadeau Dumas.
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