Chronique Covid N°7 : « Nos aînés, les plus de 75 ans, ont été massivement exclus des réanimations »
CHRONIQUE : Le 16 juin 2020, le Pr Jérôme Salomon, Directeur général de la santé, était auditionné par la Commission d’enquête parlementaire sur l’impact, la gestion, et les conséquences de l’épidémie du Covid-19. Il lui fut demandé de bien vouloir avec son adjoint Maurice-Pierre Planel, ancien Président du Comité Économique des Produits de Santé, de prêter serment devant les députés. Il faut savoir qu’en cas de mensonges, ils risquent 5 ans d’emprisonnement et 75.000 € d’amendes.
Le député Damien ABAD, Président du groupe « Les Républicains » de l’Assemblée nationale, pose une question embarrassante, qu’il reformule pour être certain qu’une réponse lui sera donnée
« En clair, est-ce que oui ou non, on a fermé les portes des réanimations aux résidents d’EHPADs ? »
Jérôme SALOMON niera toute décision prise nationalement, assurant que « c’est une décision difficile qui est prise avec la famille, avec les proches, avec le médecin traitant, et qui est prise par un médecin de l’autre côté qui décide si oui ou non il y a un bénéfice pour la personne d’une prise en charge aux urgences médicales, chirurgicales, voire de réanimation, et donc cette décision, elle est éminemment individuelle, éminemment médicale, et à chaque fois basée sur un bénéfice risque pour le patient. Et nous avons des données qui sont évidemment publiques, rendues publiques chaque semaine dans le « Point épidémiologique Santé Publique France », qui démontre bien la répartition par âge des personnes hospitalisées… Et on voit bien qu’il y a aujourd’hui encore des personnes hospitalisées pour Covid, qui ont plus de 70 ans, plus de 80 ans, voire un âge encore plus avancé, et qui le sont selon les hôpitaux, selon les pathologies, soit en médecine conventionnelle, soit en soins de suite et de réadaptation (SSR), soit en réanimation si c’est nécessaire… »
Puis, quelques minutes avant la fin de l’audition, qui aura duré plus de 4 heures, le député Éric CIOTTI, Président de la commission d’enquête, revient sur cette question des EHPADs. « Des médecins coordonnateurs d’établissements médicaux sociaux (lui) ont fait part de difficultés de la régulation pour la prise en charge de leurs malades qui se sont vus opposer des refus. Ces refus relevaient-ils de la décision du régulateur du 15, ou était-ce une consigne ? ». Le député poursuit en demandant qu’on lui précise le pourcentage de personnes de plus de 75 ans qui se trouvaient en réanimation avant la crise du Covid, donc au dernier trimestre 2019, et après le 1er mars.
Parce qu’il y a intuitivement l’idée qu’une forme de régulation a été effectuée en fonction de l’âge. Cette question est grave et essentielle ».
Le DGS, lui répond « c’est une question majeure, et on vous donnera tous les résultats, mais… l’âge médian de réanimation n’a pas évolué, mais je vous donnerai tous ces chiffres, car ils sont publiés dans le bilan »
Peu convaincu par les réponses du Directeur Général de la Santé, je me disais qu’il serait probablement intéressant de rechercher et d’analyser les données de répartition selon l’âge des patients en réanimation, mentionnées par Jérôme Salomon, et ce, à deux reprises…
Méthodologie de l’analyse : Les 16 « Points épidémiologiques hebdomadaires » couvrant la période du 15 mars au 2 juillet 2020 ont été téléchargés et les données extraites et saisies dans un tableur.
Les graphiques suivants présentent l’évolution par classes d’âges des hospitalisations pour covid-19 entre le 15 mars et le 30 juin 2020.
Le premier graphique concerne nos aînés les plus âgés, à savoir la classe d’âges suivie à l’hôpital par Santé Publique France des personnes de 75 ans et plus. La courbe continue présente les données d’hospitalisation, tous services confondus (réanimations et unités de soins intensifs compris). La courbe en pointillés est celle des hospitalisations des plus de 75 ans en réanimation.
Alors que cette classe d’âges rassemblait le plus grand nombre des patients hospitalisés (tous services), nous observons un effondrement de la proportion des plus de 75 ans hospitalisés en réanimation, passée de 37% le 15 mars à 14% au pic de mortalité à l’hôpital (6 avril 2020). Une présence réduite qui n’a que très peu évolué par la suite (maintenue entre 15% et 19,5%).
Il apparaît clairement que cet effet de ciseaux ne peut s’expliquer que par une exclusion brutale des plus de 75 ans refusés à être admis en réanimation.
Difficile de croire dans ces conditions brutales de changement que l’âge médian des patients en réanimation n’a pas évolué, comme l’a affirmé le Directeur général de la santé.
En réexaminant les données issues des fichiers nominatifs de décès toutes causes confondues de l’INSEE, présentées dans la chronique précédente, et en les remettant en perspective avec le seuil de 75 ans et +, retenu à l’hôpital par Santé Publique France, le tableau suivant nous indique qu’au moins 70% (69,4% à 73,6%) des décès toutes causes pendant les pics de mortalité des 5 dernières épidémies à virus respiratoires (les syndromes grippaux en 2017, 2018, 2019, 2020 et le SARS-COV-2 en 2020) s’observent dans cette classe d’âges.
Le graphique suivant qui prend en compte les 5 classes d’âge retenues par Santé Publique France pour son suivi hospitalier, permet d’observer que mécaniquement, les classes d’âges plus jeunes ont profité de cette exclusion des plus de 75 ans pour accroître leur présence en réanimation. Dans l’ordre, les 45-64 ans (jaune pointillé), les 65-74 ans (rouge pointillé), les 15-44 ans (bleu pointillé).
Le suivi d’un autre indicateur rapporté dans les « points épidémiologiques hebdomadaires » de Santé Publique France », à savoir l’évolution du poids de chaque classe d’âges dans le cumul des décès à l’hôpital depuis le 1er mars, observée entre le 15 mars et le 30 juin 2020, objective une diminution des plus de 75 ans, qui passe de 80% à 70% du total des décès.
Alors bien évidemment, ces plus de 75 ans qui étaient refusés en réanimation, ont pu mourir non pas seulement à l’hôpital, dans d’autres services, mais aussi à leur domicile, dans les EHPADs où ils sont retournés, dans les établissements de SSR, échappant ainsi au décompte officiel…
Ces deux indicateurs d’analyse de niveau national, sont des arguments robustes pour affirmer que contrairement à ce qui a été dit, les hôpitaux (publics) ont bel et bien été submergés par la vague et que l’objectif hospitalo-centré de « l’aplatissement de la courbe » a été un échec retentissant (nous en reparlerons).
Mon opinion est qu’ils permettent de réfuter la pertinence de la décision de confiner toute la population.
Le Pr Jérôme SALOMON, Directeur général de la santé, qui a prêté serment, n’a vraisemblablement pas dit toute la vérité, rien que la vérité.
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