Mediator : 50 malades exposés attaquent Servier pour "préjudice d'anxiété"
Une "épée de Damoclès" au-dessus de leur tête? Cinquante personnes qui craignent de tomber malades après avoir pris du Mediator, médicament au cœur d'un scandale sanitaire, ont demandé réparation ce mardi devant la justice au titre de leur préjudice d'anxiété.
Représentés par trois avocats, les demandeurs, qui réclament chacun 15.000 euros de provisions en procédure accélérée devant le juge des référés du tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre, seront fixés sur leur sort le 28 janvier.
Utilisé par cinq millions de personnes, cet antidiabétique, largement détourné comme coupe-faim pendant plus de 30 ans et retiré du marché français en novembre 2009, est à l'origine de graves lésions des valves cardiaques (valvulopathies) et de l'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), une pathologie rare et actuellement incurable.
Les 50 personnes qui ont saisi la justice ne sont pas malades à cause du Mediator, mais depuis 2009, "elles ont comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête": cette "angoisse" induite par l'exposition au risque, mais aussi par la médiatisation du scandale sanitaire est "permanente, réactivée par les contrôles médicaux auxquels elles doivent se soumettre", a fait valoir Charles Joseph-Oudin, un de leurs avocats.
Si la littérature médicale a établi que le risque de valvulopathie disparaissait deux ans après l'arrêt du traitement, "l'incertitude" subsiste pour les HTAP, selon la défense des demandeurs: "il n'y aucune donnée scientifique disponible pour dire combien de temps après l'arrêt du traitement on est sauvé", a relevé maître Joseph-Oudin.
Un risque "infinitésimal" au bout de deux ans, a relativisé la défense des laboratoires Servier, soulignant qu'un seul malade engagé dans un processus d'indemnisation s'était vu diagnostiquer une HTAP quatre ans après l'arrêt de son traitement au Mediator.
Le "préjudice d'anxiété" a été consacré en 2010 par la Cour de cassation et a donné lieu depuis à de nombreuses indemnisations, notamment dans le scandale de l'amiante.
A l'audience, Servier a âprement contesté le bien-fondé de l'action des 50 demandeurs, en opposant que le délai de trois ans pour saisir le juge était prescrit et que certaines parties s'étaient vu notifier une fin de non-recevoir devant d'autres tribunaux.
Sur le fond, c'est la réalité du préjudice qui a été mise en doute, faute de "preuves": "la quasi-totalité des demandeurs n'ont pas eu de suivi psychologique, seulement cinq ont consulté (...). Une simple crainte ou inquiétude ne suffit pas à caractériser une angoisse indemnisable", a argumenté l'avocat des laboratoires, Jacques-Antoine Robert, avant de demander une expertise à titre subsidiaire.
Le scandale du Mediator, mis au jour en 2007 par le docteur Irène Frachon, fait l'objet de plusieurs procédures judiciaires civiles, pénales et administratives.
Le TGI de Nanterre a reconnu pour la première fois le 22 octobre la responsabilité civile de Servier sur le fondement de la défectuosité du médicament, mais l'affaire doit encore être tranchée en appel le 3 mars à Versailles (Yvelines). Le Mediator pourrait être responsable à long terme de 2.100 décès, selon une expertise judiciaire.
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