Vaccin prometteur contre le sida : il est bien trop tôt pour se réjouir
Il y a quelques jours, relayant un article de La Provence, la presse s'enthousiasmait des résultats encourageants d'un vaccin contre le sida testé à Marseille par la start up française BioSantech. A tord, s'est insurgé mercredi 16 mars le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l'Agence nationale de recherches sur le SIDA et les hépatites virales (ANRS), selon qui il est encore beaucoup trop tôt pour se prononcer.
Coordonné par le chercheur au CNRS Erwan Loret, l'essai est mené depuis 2013 sur un vaccin curatif expérimental nommé Tat OYI qui cible la protéine Tat du Sida. Il a porté sur 48 personnes atteintes du sida depuis au moins dix ans et suivant une tritérapie. Pendant un an, ces dernières ont reçu trois injections du vaccin à des doses différentes. Douze mois après, chez neuf patients, la charge virale est devenue indétectable, assure BioSantech qui a présenté ces résultats préliminaires en début de semaine, en compagnie du Dr Erwan Loret.
"Cette construction sur Tat, c’est une histoire ancienne, mais BioSantech est extrêmement active au niveau de la communication... En effet, il n’existe aucune donnée en faveur de ce candidat vaccin", s'énerve le Pr Jean-François Delfraissy dans la revue Le Généraliste. "Quelle que soit la dose administrée, aucune différence significative entre les doses de vaccin n’apparaît, notamment en matière de résultats sur la charge plasmatique virale. De plus, il n’existe aucune donnée solide sur l’effet de ce vaccin sur les cellules infectées et le DNA proviral. Il est de notre responsabilité à nous chercheurs de ne pas provoquer de faux espoirs en matière de sida. Je suis donc furieux de la présentation qui a été faite de ce qui n’est qu’une hypothèse qui reste à démontrer", poursuit-il.
"Il faut attendre un certain recul parce que les résultats sont à six mois et c'est un peu court", renchérit-il, invité chez LCI. "En tout cas, on est pas du tout avec un vaccin un peu miracle comme on est en train d'essayer de nous le faire croire depuis 24 heures". Et de conclure: "Moi je dis aux patients+ il faut que vous continuiez à prendre votre traitement antirétroviral, il s'agissait des premiers résultats d'un essai thérapeutique. Il y a d'autres essais qui sont en cours, c'est une stratégie qui demeure intéressante mais elle est en cours d'évaluation et elle n'est pas du tout validée+".
"Cela fait 17 ans que certains des chercheurs qui sont aujourd’hui chez BioSantech font de telles annonces", déplore quant à lui Vincent Pelletier, directeur général de l'association Aides, interrogé par la rédaction d'Allodocteurs.fr ce jeudi.
Preuve en est: en octobre 2015, un laboratoire marseillais de BioSantech avait convoqué la presse pour présenter des résultats plus ou moins similaires. Lors d'un essai mené sur 48 patients atteints du sida, un vaccin expérimental aurait permis de diminuer la charge à une dose "quasi indétectable". Le laboratoire avait alors promis de publier les données sous peu, mais seul un dossier de presse était paru, révèle France TV Info selon qui BioSantech multiplie les effets d'annonces afin de mobiliser des financements.
Des annonces dont il faut se méfier sous peine de favoriser des comportements irresponsables, met en garde France TV Info. Car à l'heure actuelle, aucun vaccin n'a été trouvé et le sida ne se guérit pas.
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