UberPOP : un million d'euros d'amende requis contre Uber France
Une amende d'un million d'euros contre la société et une interdiction de gérer pendant cinq ans pour deux responsables: le parquet a demandé ce vendredi 12 février au tribunal de lourdes sanctions contre Uber France pour son application controversée de transports entre particuliers UberPOP, suspendue depuis juillet. Respectivement 50.000 et 70.000 euros d'amende ont en outre été requis contre ces deux responsables, le directeur général d'Uber France Thibaud Simphal et le directeur d'Uber pour l'Europe de l'Ouest à l'époque des faits, Pierre-Dimitri Gore-Coty. Uber encourt une peine maximale de 1,5 million d'euros d'amende.
La société et les deux dirigeants sont poursuivis devant le tribunal correctionnel de Paris notamment pour "organisation illégale d'un système de mise en relation de clients avec des personnes qui se livrent au transport routier de personnes à titre onéreux" sans être une entreprise de transport, un taxi ou un véhicule de tourisme avec chauffeur (VTC), infraction prévue par la loi Thévenoud du 1er octobre 2014. Dans son réquisitoire, la représentante du ministère public s'est attachée à démonter point par point l'argumentation de la défense, qui plaide la relaxe. Elle a également fait part de sa frustration et de son agacement face aux "réponses standard" des prévenus.
Il leur est, entre autres, reproché d'avoir mis en relation des clients avec des particuliers qui, moyennant finances, utilisaient leur véhicule privé pour les transporter sans payer de charges. Autres chefs de poursuites: pratique commerciale trompeuse, Uber se voyant reprocher des publicités qui présentaient à tort UberPOP comme étant licite, et complicité d'exercice illégal de la profession de taxi. Mais aussi traitement et conservation illégaux de données informatiques, ainsi qu'enregistrement de données à caractère personnel. En cause, des fichiers des cartes d'identité et permis de conduire des chauffeurs, leurs extraits de casiers judiciaires, ou encore une base de données sur les interpellations des chauffeurs. Ces dernières infractions ne visent pas uniquement UberPOP, mais aussi les VTC de chez Uber.
Parmi les avocats des syndicats de taxis parties civiles, Me Jean-Paul Lévy a dénoncé un "modèle économique prédateur", qui prospère sur "la ruine des taxis". Pour la CGT-Taxis, Me Luc Brossolet a décrit Uber comme "un système qui fait tout pour échapper au droit", une "anguille" qui se livre à une "concurrence sauvage".
Le 3 juillet, quelques jours après la garde à vue de MM. Simphal et Gore-Coty, Uber avait annoncé la suspension d'UberPOP, à la grande satisfaction des taxis, qui n'ont eu de cesse de dénoncer une concurrence déloyale.
Du côté des animateurs d'Uber, "tous ont en commun le refus de l'assistanat", a déclaré l'un des avocats de la défense, Me Hugues Calvet, dans une plaidoirie aux airs de querelle entre les anciens et les modernes. Il a souligné que la loi Thévenoud avait subi "trois annulations" de ses mesures par le Conseil constitutionnel. Mais ce dernier avait en revanche validé le 22 septembre la disposition qui interdit de fait UberPOP, même si, selon Me Calvet, ce "moyen de mobilité (...) reviendra un jour où l'autre". Pour lui, cette affaire "ne relève pas du juge pénal" mais du législateur. A l'issue des plaidoiries de la défense, le tribunal devrait mettre son jugement en délibéré.
Uber a déjà été condamné à Paris à cause d'UberPOP: le 7 décembre, la cour d'appel a condamné la filiale française du géant américain à 150.000 euros d'amende pour "pratique commerciale trompeuse", car elle présentait cette offre payante de transport comme du covoiturage.
La concurrence n'est pas épargnée. La jeune entreprise française Heetch et ses deux dirigeants, Teddy Pellerin et Mathieu Jacob, doivent comparaître le 22 juin devant le tribunal correctionnel de Paris.
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