Accident d'hélicoptères de l'émission "Dropped" : la société de production condamnée

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Par Céline AGNIEL - Nanterre (AFP)
Publié le 25 avril 2018 - 15:16
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Photo prise le 10 mars 2015 des hélicoptères détruits dans la collision qui a coûté le vie à dix personnes sur le tournage de l'émission "Dropped" près de Villa Castelli, dans la province de La Rioja,
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© Juan MABROMATA / AFP/Archives
Photo prise le 10 mars 2015 des hélicoptères détruits dans la collision qui a coûté le vie à dix personnes sur le tournage de l'émission "Dropped" près de Villa Castelli, dans la p
© Juan MABROMATA / AFP/Archives

C'est la première décision de la justice française dans l'accident mortel d'hélicoptères survenu lors d'un tournage en Argentine en 2015: la société de production de l'émission de télé-réalité "Dropped" a été condamnée au civil pour "faute inexcusable" et devra indemniser la famille d'une victime.

Le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) des Hauts-de-Seine a condamné la semaine dernière la société SAS Adventure Line Productions (ALP) à verser à la veuve, à la mère et aux deux jeunes enfants du caméraman Laurent Sbasnik un total de 120.000 euros de dommages et intérêts. ALP devra en outre rembourser à la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine près de 400.000 euros de majorations de rente, selon la décision dont l'AFP a obtenu copie mercredi.

Le 9 mars 2015, la collision accidentelle dans une région reculée d'Argentine entre deux hélicoptères avait coûté la vie à dix personnes, dont trois vedettes du sport français: la navigatrice Florence Arthaud, le boxeur médaillé olympique Alexis Vastine et la championne olympique de natation Camille Muffat. Le drame avait provoqué une vive émotion en France.

L'émission devait être diffusée durant l'été 2015 sur TF1. Les sportifs français devaient être largués dans des zones isolées et mis au défi de retrouver la "civilisation" en moins de 72 heures.

Laurent Sbasnik, mort à l'âge de 40 ans, était chargé de filmer "portes ouvertes, harnaché et dans une configuration de vol dangereuse" ces deux hélicoptères évoluant "en formation rapprochée", précise le tribunal dans sa décision. Cela comportait donc "des risques particuliers pour sa santé et sa sécurité" sans qu'il ait "obtenu l'information et/ou la formation appropriée", souligne le TASS, rappelant qu'"un accident d'hélicoptère avait déjà eu lieu quelques jours auparavant au cours de la même production, sans faire de victime".

Se fondant notamment sur les conclusions du rapport d'enquête administrative rendu en décembre 2015 par le Jiaac argentin (équivalent du BEA français, le Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile), le tribunal a donc estimé "que l'accident du travail dont a été victime" le caméraman était "dû à une faute inexcusable de la SAS Adventure Line Productions".

- "Manoeuvre interdite" -

Me Solenn Le Tutour, qui défend les intérêts de la famille de Laurent Sbasnik, a salué "une première décision de condamnation" qui "rappelle vigoureusement" à ALP qu'en tant qu'employeur, elle "devait tout mettre en œuvre pour assurer la sécurité de ses salariés".

L'avocate a ajouté que le tribunal avait retenu, comme elle l'avait pointé à l'audience le 27 novembre 2017, le fait "que le vol rapproché avec des passagers à bord est une manœuvre interdite par la réglementation argentine".

L'Association des familles des victimes (françaises) de Dropped, qui revendique "plus de 150 membres", s'est réjouie de la décision du TASS. C'est "un premier pas essentiel vers la reconnaissance de la culpabilité d’ALP", a-t-elle estimé dans un communiqué.

De son côté, ALP "s’étonne" de cette décision et "n'exclut pas" de faire appel, ont précisé les avocats de la société dans un communiqué.

La condamnation "se fonde sur un système de présomption de responsabilité attachée à l'obligation dite +de sécurité de résultat+ due par tout employeur à ses salariés, ce qui est très différent de la reconnaissance d’une faute intentionnelle", soulignent-ils, regrettant que le tribunal n'ait eu accès qu'à "des éléments parcellaires" pour se prononcer.

ALP avait demandé au tribunal de remettre à plus tard sa décision en raison de l'instruction, toujours en cours à Paris, pour "homicide involontaire par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence". Mais le tribunal de Nanterre n'y a pas fait droit.

Saisi également au civil, dans le cadre de ce même accident, pour la mort de la journaliste Lucie Mei-Dalby, le TASS de Paris a, à l'inverse, reporté sa décision, dans l'attente de l'issue de la procédure pénale.

Deux procédures sont en effet toujours en cours d'instruction en Argentine et en France.

En Argentine, les juridictions pénales saisies "n'ont pas retenu (...) de faute à l'encontre d'ALP, excluant de fait sa responsabilité", assurent ses avocats. Et à Paris, ALP et son directeur de production ont été placés sous le statut de témoin assisté, échappant pour l'heure à des poursuites.

"Preuve qu'après trois ans d'investigation, aucun +indice grave ou concordant+ d'une quelconque infraction n'a été retenu contre la production ou ses collaborateurs", souligne la défense d'ALP.

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