Laurence Cottet, une sobriété heureuse malgré la douleur

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Par Isabel MALSANG - Paris (AFP)
Publié le 30 janvier 2020 - 15:00
Mis à jour le 31 janvier 2020 - 10:14
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Ex-cadre de direction chez un géant de la construction, Laurence Cottet, qui revendique l'initiative en France de l'opération "janvier sobre", pose le 3 janvier 2020 à Paris
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© BERTRAND GUAY / AFP
Ex-cadre de direction chez un géant de la construction, Laurence Cottet, qui revendique l'initiative en France de l'opération "janvier sobre", pose le 3 janvier 2020 à Paris
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La première vie de Laurence Cottet s'est arrêtée dans une coupe de champagne de trop. En pleine séance de voeux, le 24 janvier 2009, cette juriste, cadre de direction d'un géant international de la construction, s'écroule, "raide, ivre", devant tout l'état-major du groupe.

"Virée le surlendemain", elle dit avoir "tout perdu" de son statut social en quelques secondes. Mais au final, cette chute spectaculaire l'a "sauvée": "Mon alcoolisme, ma maladie apparente, durait depuis longtemps (...) Cela m'a obligée à me soigner", raconte-t-elle à l'AFP devant un verre d'eau pétillante.

Aujourd'hui abstinente, cette femme de 58 ans, coupe courte, blonde et élancée, revendique l'initiative en France de l'opération "janvier sobre" appelant à se passer d'alcool un mois par an.

Dans le but d'inciter chacun à s'interroger sur sa propre relation à l'alcool, elle bat la campagne lors de "débats citoyens" ou sur les réseaux sociaux. En répétant les références officielles de consommation de l'organisme Santé publique France: "Maximum deux verres par jour, pas tous les jours, et pas plus de dix verres par semaine".

Devenue "patiente-experte" loin de Paris, au CHU de Grenoble, elle se reconstruit et épaule d'autres malades et leurs soignants.

Fin janvier, Mme Cottet a témoigné devant un congrès de psychiatres à Paris, à la demande de Fatma Bouvet De La Maisonneuve, fondatrice de l'association Addict'elles qui lutte contre les addictions féminines.

- "Aucun psy ne m'avait tendu la main" -

Le regard droit, le verbe précis, elle a expliqué devant un parterre de professionnels du secteur de la santé que l'alcool lui a servi de "psychotrope" pour faire face à un "amoncellement de problèmes personnels", dont la mort de son mari.

Mais surtout elle détaille les dépressions et souffrances anciennes qui peuvent se cacher derrière un alcoolisme sévère.

Ce n'est qu'à force de travail sur elle-même qu'elle a fini par comprendre qu'un traumatisme enfoui et occulté, un viol subi dans sa jeunesse de la part d'un proche, était l'une des causes de sa noyade alcoolique à l'âge adulte.

Plus jeune, aucun psy consulté "ne m'avait tendu la main, ne m'avait aidée à parler", leur a-t-elle dit.

A la fin de son exposé, elle n'en revient pas d'être applaudie. A Paris et par des psychiatres.

De sa première vie, elle se souvient du stress permanent de son poste de direction et d'avoir organisé "de grands colloques comme celui-ci". Aujourd'hui, après avoir "réduit par quatre" son standing, elle dit vivre avec son indemnité d'invalidité et ses livres, et n'avoir "jamais été aussi heureuse".

Dans sa croisade, Laurence Cottet n'avait pas prévu de se retrouver attaquée sur les réseaux sociaux par des addictologues qui l'accusent d'être "vendue au lobby des alcooliers et du vin", parce qu'elle prône une responsabilisation des buveurs plutôt qu'un renoncement à tout alcool.

- "Consommation raisonnable ?" -

"Je ne crois pas au +janvier totalement sec+ du jour au lendemain pour quelqu'un qui a l'habitude de boire", ajoute-t-elle. "Je le sais, j'ai passé des années à me cacher pour boire".

Et "ni la vigne ni le vigneron n'étaient responsables de mon alcoolisme", souligne cette fille de bonne famille du Nord, jurant n'avoir aucun lien financier avec le milieu du vin.

Un langage qui ne passe pas auprès de spécialistes luttant au quotidien contre les ravages de l'excès d'alcool, jugé responsable de la majorité des accidents, d'un cancer sur six et première cause d'hospitalisation en France.

"Elle a choisi un camp, celui de la viticulture et du lobby du vin", lâche un de ses détracteurs contacté par l'AFP, un médecin qui a requis l'anonymat.

"Parler de janvier +sobre+ plutôt que de janvier +sec+, permet de continuer à parler de consommation d'alcool: c'est tout ce que veulent les alcooliers", affirme-t-il. "Ils ne veulent pas qu'on puisse penser qu'on peut ne pas boire, ne pas consommer".

Pour lui, "ce n'est pas la consommation raisonnable de 80% des Français qui pose problème, c'est celle de ceux qui achètent en volume, à bas prix, et dont l'industrie du vin a absolument besoin pour continuer d'exister".

Mme Cottet a néanmoins su mobiliser des soutiens. Annie Pinault, déléguée générale de la mutuelle du Bâtiment et des Travaux publics, l'a ainsi choisie pour être la marraine des actions de prévention dans un secteur où l'alcoolisme fait (encore) de gros dégâts.

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