Alain Finkielkraut fait son entrée à l'Académie française
"Héritier des Lumières" comme il aime se définir ou "néo-réac" arc-bouté sur l'identité nationale comme le décrivent ses nombreux détracteurs, Alain Finkielkraut, élu non sans grincements de dents en 2014 à l'Académie française, sera reçu ce jeudi sous la coupole. Il se réjouit de rejoindre l'Académie française. "Face à une nouvelle élite arrogante et barbare, elle incarne, avec son respect des formes et son amour de la belle langue, la résistance de la civilisation", a-t-il affirmé lundi 25 sur France Inter.
Son élection dans cette institution fondée par le cardinal de Richelieu n'est pourtant pas allée de soi. Il a certes été élu au premier tour par 16 voix sur 28 mais son nom avait été barré d'une croix, en signe de désaveu, sur huit bulletins. Car l'essayiste de 66 ans, habitué des plateaux de télévision et animateur d'une émission de philosophie sur France Culture, est une personnalité "clivante" et donne des coups autant qu'il en reçoit.
Jeudi dernier, l'auteur de La défaite de la pensée (ed.Gallimard) a ainsi été violemment mis en cause lors de l'émission télévisée Des paroles et des actes par une enseignante musulmane qui a accusé le philosophe "d'obscurcir nos pensées avec tout un tas de théories vaseuses et très approximatives". Récemment, l'ex-maoïste était accusé d'être un "allié objectif" du Front national.
Le philosophe, le cheveu toujours en bataille, dédaigne ces critiques qu'il attribue à "la paresse de la pensée", un mal endémique selon lui, et aux "collabos de la modernité". L'accusation de "néo-réac" lui colle à la peau parce qu'il critique "la culture de masse et l'effondrement de l'école républicaine", explique l'agrégé de lettres.
Au fil de ses livres édités chez Stock, Au nom de l'autre (2003) où il dénonce le nouvel antisémitisme, Qu'est-ce que la France? (2007), L'identité malheureuse (2013) et La seule exactitude (2015), le philosophe, ami du romancier Milan Kundera, s'échine à décrire comme des épouvantails l'égalitarisme, le multiculturalisme et tout l'héritage de Mai 68.
"Une France post nationale, post littéraire et post culturelle est un pays dans lequel je n'ai pas envie de vivre", dit l'essayiste qui affirme que "la France se désagrège" et suscite plus de pitié que d'envie. "La France est en train de changer et ce changement n'est pas pour le meilleur", met-il en garde. Il n'hésite à forcer le trait, voire à sombrer dans l'outrance, lorsqu'il déclare que sa "tête est mise à prix sur tous les murs de la ville, par Libération et dans la presse Pigasse".
Matthieu Pigasse est copropriétaire du Monde avec Pierre Bergé et Xavier Niel, et également propriétaire des Inrockuptibles, un magazine qui ne l'épargne pas. "J'en prends plein la figure tous les quatre matins", se plaint-il. "Il y a une pensée qui était en état d'hégémonie, qui ne l'est plus et qui ne le supporte pas".
Comme le veut la tradition, Alain Finkielkraut, enfant unique de juifs polonais rescapés de la Shoah, fera ce jeudi l'éloge de son prédécesseur sous la coupole, le dramaturge d'origine belge, Félicien Marceau. Reporter à Radio Bruxelles entre 1940 et 1942, Félicien Marceau fut condamné par contumace à la Libération à 15 ans de prison pour collaboration avant que le général de Gaulle ne lui accorde la nationalité française.
"Félicien Marceau était un auteur très prolifique et admiré dans de nombreux cercles", dit de lui Alain Finkielkraut, qui sait qu'il sera "attendu au tournant". "Un certain nombre de gens se frottent les mains, se lèchent les babines et se disent un néo-réac qui fait l'éloge d'un collabo, bien fait pour lui", commente-t-il. "Eh bien", ajoute-t-il, "nous verrons, j'en parlerai sans dérobade possible".
Avant la cérémonie, ses amis lui ont remis son épée d'académicien. Sur cette arme symbolique, le philosophe a demandé que soit gravée: une vache normande, un Aleph, première lettre de l'alphabet hébraïque, et cette phrase de Charles Péguy qui résume son engagement: "La République Une et indivisible, notre royaume de France".
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