Frais de mandat : plainte contre Jean-Jacques Urvoas
Une association anticorruption du Finistère a déposé une plainte contre l'ancien député Jean-Jacques Urvoas, lui reprochant l'acquisition de sa permanence parlementaire avec des fonds publics, comme ont reconnu l'avoir fait 32 autres anciens députés dans une enquête du site franceinfo.fr publiée jeudi.
"Je vous confirme le dépôt d'une plainte de cette association (Cicero 29)", a indiqué à l'AFP le procureur de la République de Quimper, Thierry Lescouarc'h, disant ne pas avoir "d'autre commentaire" à faire.
Selon la plainte, datée de mercredi et dont l'AFP s'est procuré copie, Jean-Jacques Urvoas aurait contracté en 2008 deux emprunts bonifiés auprès de l'Assemblée nationale pour un montant total de 203.206 euros. Ces emprunts, sur dix ans, auraient été remboursés sur les frais de mission parlementaires mensuels, à hauteur de 1.950 euros les cinq premières années, puis 1.607,98 euros les cinq suivantes.
En juillet 2017, l'ancien garde des Sceaux aurait offert à la location le bien, évalué en 2013 à 210.000 euros, pour un loyer mensuel de 1.650 euros.
"Cet enrichissement personnel par un mécanisme d'acquisition et de translation de propriété" est constitutif "d'une infraction à la Loi pénale", est-il indiqué dans la plainte.
L'ancien député PS du Finistère, battu aux dernières élections législatives, n'était pas joignable dans l'immédiat.
Selon une enquête de Franceinfo, auprès de 250 députés sortants de juin dernier, à laquelle 152 anciens députés ont accepté de répondre et d'autres n'ont pas répondu, 32 ont reconnu avoir de la même manière financé l'achat d'une permanence via leur enveloppe pour frais de mandat.
L'indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), actuellement de 5.373 euros net mensuels pour les députés et de 6.110 euros pour les sénateurs, sert en principe à régler la location d'une permanence, les frais de déplacements ou de correspondance. Elle n'était pas contrôlée jusqu'à présent.
Mais les lois de moralisation adoptées l'été dernier par la nouvelle Assemblée ont prévu un nouveau régime pour ces frais à compter du 1er janvier prochain, avec des remboursements sur justificatifs.
- "Bon calcul économique" -
Les noms de François Sauvadet (UDI), Geneviève Fioraso (PS), Alain Gest ou encore Guy Geoffroy (LR) sont cités, certains ayant revendu leur permanence depuis, avec une plus-value à la clé.
Certains n'ont pas répondu, mais seraient également propriétaires grâce à leur IRFM.
L'association Pour une démocratie directe avait déjà dénoncé en 2015 le fait que nombre de parlementaires, au moins une vingtaine, aient utilisé leur IRFM pour acquérir leur local de permanence. Plusieurs élus de tous bords avaient assuré y avoir été "encouragés" et avaient plaidé le "bon calcul économique", l'achat étant plus intéressant que la location selon eux.
Assemblée puis Sénat avaient alors édicté une liste - très générale - des dépenses autorisées et interdites (dont l'acquisition d'un bien immobilier), et imposé le versement de l'IRFM sur un compte bancaire dédié. Les députés doivent en outre certifier sur l'honneur du bon usage de leur indemnité.
Au grand dam d'associations militant pour la transparence et l'exemplarité, les biens acquis antérieurement à cette réforme par les députés peuvent continuer d'être financés par l'IRFM. Cette pratique a été proscrite pour les sénateurs à compter du 1er janvier 2016.
Lors de sa prochaine réunion mercredi, le bureau de l'Assemblée, sa plus haute instance collégiale, devrait arrêter une liste détaillée des frais de mandat désormais autorisés et interdits, ainsi que les modalités de contrôle.
Les questeurs, chargés de la gestion de l'Assemblée, ont suggéré d'écrire noir sur blanc que les dépenses "de nature à enrichir le patrimoine personnel du député ou de ses collaborateurs" sont interdites: achat d'un bien immobilier, d'un véhicule ou encore travaux réalisés dans la permanence dont le député serait déjà propriétaire.
Mais à ce stade de leur réflexion, les dépenses pour l'acquisition d'un bien immobilier avant février 2015 pourront continuer d'être prises en charge.
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.