Johnny Hallyday, une des facettes de l'identité française
Le chanteur Johnny Hallyday a accompagné la France pendant 50 ans, épousant les courbes, les virages de sa société, au point de fusionner avec l'inconscient national, faisant chair avec un pays qui lui rendra samedi un "hommage populaire" exceptionnel.
"Johnny est devenu un monument national, qui trimbalait malgré lui l'histoire d'un pays et des émotions très particulières", résume Amanda Sthers, une des biographes de la star nationale, décédée mercredi à 74 ans d'un cancer du poumon.
Dans la France de l'après-guerre, qui se redresse économiquement notamment grâce à l'argent américain du plan Marshall, la musique française garde elle une saveur d'avant-guerre et la jeunesse voit débarquer Johnny Hallyday, qui va dynamiter le paysage en important le rock, en français.
"Il y a un avant et un après Johnny Hallyday", explique Michka Assyas, auteur du "Nouveau dictionnaire du rock".
A ce titre, "il représente énormément pour les Français", affirme Didier Varrod, journaliste à la radio France Inter. "Il est arrivé imprégné de la culture américaine, avec James Dean puis Elvis Presley pour héros. On l'a tôt surnommé +l'Elvis Presley français+, mais dans les nombreux foyers qui n'avaient pas la télévision, la figure emblématique de cette musique américaine qu'on ne connaît pas encore, c'est Johnny Hallyday."
- Tous les Français connaissent Johnny -
Pour autant, il serait simpliste de résumer Johnny à l'idole d'une génération de baby-boomers qui a du mal à tourner la page de sa jeunesse dorée dans la France insouciante des 30 glorieuses. Au fil des décennies, surpassant les modes, s'adaptant constamment, le chanteur aux origines modestes, sans le vouloir, a endossé un costume bien plus grand que celui de simple rockstar.
Aujourd'hui, qu'ils soient sexagénaires se souvenant de ses débuts, qu'ils soient quadragénaires ayant grandi au rythme de ses succès, des Unes de la presse sur sa vie amoureuse ou ayant ri de sa marionnette à la télévision aux "Guignols de l'info", qu'ils soient plus jeunes encore, tous les Français connaissent Johnny.
Il était devenu une de ces "personnes de chair et de sang qui avaient réussi le tour de force de parvenir à incarner une identité culturelle singulière (...) à donner corps à cette abstraction qui se veut universelle, la culture française", selon le philosophe et ancien ministre Luc Ferry, dans une tribune dans Le Figaro.
C'est ce qui peut expliquer par exemple qu'un jeune footballeur international de 31 ans, Adil Rami, défenseur du prestigieux club de l'Olympique de Marseille explique en conférence de presse: "j'ai des musiques de lui dans mon téléphone et souvent dans les douches je chante ses chansons", avant d'entonner le refrain de "Toute la musique que j'aime".
Johnny Hallyday a accompagné les Français depuis 50 ans. Fans ou pas, dans les moments fastes ou tragiques, ils ont vu, entendu Johnny, devenu le chanteur quasi-officiel d'un pays dirigé par ces baby-boomers qu'il avait ensorcelés.
L'année où la France est championne du monde de football, en 1998, la star organise des concerts monstres dans la glorieuse enceinte du stade de France et personne dans le pays ne peut échapper à "Allumer le feu".
Après les attentats de 2015, Johnny, qui a déclaré que s'il n'était pas chanteur, il prendrait les armes contre Daech, chante "un dimanche de janvier".
- 'Résistance culturelle' -
Bien sûr, celui qui a vendu environ 100 millions de disques en près de 60 ans de carrière, n'est plus "l'idole des jeunes" d'aujourd'hui, biberonnés à d'autres musiques pour assouvir leur propre soif de transgression, mais même la génération Z, les natifs de l'an 2000, connaissent le phénomène.
"Je ne suis pas spécialement fan, mais il était incontournable", explique Grégory, un collégien de 14 ans.
"On ne peut pas dire qu'on ne le connaît pas" explique Naoelle, 18 ans et étudiante à Paris-Descartes, qui l'écoute de temps en temps. "C'est pas de notre génération, ça ne nous parle pas vraiment", estime son ami Zineddine, 18 ans. Mais il connaît quand même "Allumer le feu" et "Marie".
Comme le résume le correspondant en France du journal britannique The Guardian, qui à l'instar de ses confrères, a eu la tâche ardue d'expliquer aux Anglo-Saxons qui était cet homme dont le nom sonnait américain mais qui était relativement inconnu hors de la Francophonie: "Il a débuté comme un demi-Belge +corrupteur de la jeunesse de France+ et terminé en totem national, symbole de la résistance culturelle française".
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