Le centre éducatif fermé, les "hauts et bas" d'un placement coercitif pour mineurs délinquants
Son placement pendant dix mois au centre éducatif fermé (CEF) pour mineurs délinquants d'Allonnes, dans la Sarthe, a connu "des hauts et des bas". Mais Paul a saisi cette "seconde chance" et en est sorti avec un logement et un apprentissage en poche.
"Le plus dur, c'est la première semaine, même si ici ça n'a rien à voir avec la prison. Au début, honnêtement, ça me cassait les cacahouètes d'être enfermé du coup je foutais un peu le bazar, mais après je me suis plié aux règles et j'ai appris à avancer", confie l'adolescent lors de son "pot de départ" du CEF.
Bientôt majeur, Paul s'apprête à franchir la double grille du centre éducatif fermé, une grande demeure dans la campagne sarthoise et son parc exposant fièrement les sculptures en métal réalisées par les jeunes placés.
"Le juge a estimé que j'avais grandi. Ce soir, je dors chez moi, dans mon appartement", s'enthousiasme Paul, en partageant un dernier repas avec ses co-pensionnaires et l'équipe éducative. "Tu peux faire le top comme le moins top. Tu es capable de faire un travail sur toi et les raisons qui t'ont amené ici", l'encourage un éducateur.
Ouvert fin 2005, mixte depuis un an, le centre d'Allonnes est l'un des 51 CEF actuellement en activité.
La garde des Sceaux Nicole Belloubet prévoit d'en ouvrir vingt nouveaux, malgré la mise en garde d'une mission d'information sénatoriale et les récurrentes critiques faites à ces structures, "d'une exceptionnelle fragilité" notait récemment la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) Adeline Hazan, qui demandait "leur reprise en main".
Alternatives à l'incarcération, les centres éducatifs fermés reçoivent jusqu'à douze jeunes multirécidivistes, pour une période de six mois renouvelable une fois, en application d'un contrôle judiciaire, d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'un aménagement de peine.
Plus de 12.800 jeunes y ont été placés depuis 2002, selon la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).
- "Pas des super-héros" -
A Allonnes comme ailleurs, les CEF n'ont ni murs barbelés ni miradors, mais des caméras de vidéosurveillance et de hauts grillages facilement franchissables. Mais une fugue équivaut à une incarcération.
Ces établissements sont aussi vilipendés pour la qualité insuffisante des projets éducatifs, l'instabilité des équipes et leur coût de fonctionnement: 660 euros environ par jour et par jeune.
Ils représentent "seulement 5% du budget" de la PJJ et une faible part de la palette de mesures éducatives, insiste à la direction de la justice des mineurs.
Créés "dans un contexte d'augmentation du nombre de mineurs détenus", les nouveaux CEF seront plus proches des centre-villes et proposeront un "accompagnement renforcé du mineur en fin de placement" pour éviter les sorties +sèches+, explique la PJJ.
A Allonnes, le "gros travail fait" avec les familles a conduit l'an dernier au retour chez eux de 70% des jeunes placés, se félicite la directrice du centre, Hayat Hariri.
Les "gamins" qui lui sont envoyés sont des "adolescents en mal-être, aux parcours chaotiques. Une fois qu'on se dit ça, on travaille autrement avec eux. C'est un milieu contraint mais éducatif qui permet à ces jeunes destructurés de réapprendre à faire confiance aux adultes et de se reconstruire", défend-elle.
"Les éducateurs sont énormément derrière notre cul mais c'est pour notre bien", abonde Paul en souriant.
Chaque jeune doit se plier aux règles: lever à 08H00 et couvre-feu à 22H00, "faire sa chambre, se brosser les dents". L'enseignement et les ateliers artistiques pour travailler "l'estime de soi" y sont obligatoires, tout comme un rendez-vous hebdomadaire avec la psychologue. Après deux mois, s'ils se comportent bien, ils peuvent sortir pour une scolarisation à l'extérieur, un apprentissage ou un stage en entreprise.
"Un jeune qui est arrivé en ne disant pas bonjour, en insultant et qui part en disant au revoir et merci, c'est une réussite éducative", estime la directrice.
"En six mois, on peut changer des choses mais pas le monde, on n'a pas de cape de super-héros. Si on arrive à valoriser le jeune, lui redonner confiance, c'est déjà un pari gagné", renchérit Agathe, éducatrice spécialisée.
(Tous les prénoms ont été modifiés)
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