L'observatoire météo du Mont Aigoual, grand témoin du changement climatique
Dernier observatoire météorologique de montagne habité en France, l'emblématique forteresse du Mont Aigoual, qui culmine à 1.567 m d'altitude dans les Cévennes, dispose d'un trésor à valoriser: une des plus longues séries de relevés climatologiques au monde, remontant au XIXe siècle.
"La mémoire du climat local extrême sur plus de 120 ans représente un patrimoine scientifique exceptionnel pour comprendre le changement climatique", souligne la chef de centre Chantal Vimpère, 61 ans.
Dans son bureau, au coeur de la tour crénelée de granit qui domine une marée de nuages remontant de la Méditerranée, cette passionnée montre des relevés de novembre 1917, minutieusement consignés dans de grands registres. L'Aigoual a obtenu en 2017 le label délivré par l'Organisation météorologique mondiale (OMM) aux stations dont les observations portent sur plus de 100 ans.
Un projet de réhabilitation porté par la communauté de communes et Météo France vise à réhabiliter le site d'ici à 2020 et à y créer un "centre français d'interprétation du changement climatique". "Un projet d'une grande actualité sur le plan scientifique et qui peut faire vivre ce territoire, notamment en terme d'emplois", se félicite Mme Vimpère.
Première femme "météo" arrivée en 2003 dans ce lieu isolé, elle s'attache depuis à poursuivre l'oeuvre du créateur de l'observatoire, le forestier George Fabre (1844-1911), "un visionnaire", qui avec le botaniste Charles Flahaut, conduisit l'épopée du reboisement du Mont Aigoual, victime d'une déforestation massive favorisant des crues dévastatrices dans les vallées environnantes.
Rudesse du climat oblige, l'observatoire ne fut achevé qu'en 1894, sept ans après le lancement des travaux.
Par temps clair, le sommet de l'Aigoual, à cheval entre Gard et Lozère, offre un panorama d'exception à 360 degrés --les Alpes, le Mont Ventoux, la Méditerranée, les Pyrénées. Mais il reste le théâtre de redoutables excès climatiques provoqués par la rencontre de cette barrière montagneuse avec des vents chauds venus de la Méditerranée.
- 240 jours de brouillard par an -
"L'Aigoual est un phénomène météorologique à lui tout seul", explique Rémy Marguet, l'un des quatre "météos" vivant sur le site nuit et jour. "Ici les épisodes cévenols, on les a en direct, mais quel site!"
Le massif est un des lieux les plus arrosés et les plus ventés de France avec 164 jours de pluie par an, des vents supérieurs à 60 km/h 265 jours par an et des rafales à plus de 300 km/h. Un épais brouillard y est présent environ 240 jours par an tandis que la neige couvre le sol pendant environ 120 jours, le givre formant de somptueuses sculptures.
Ces conditions climatiques mettent à rude épreuve le vénérable bâtiment de 1.200 m2 mais aussi les capteurs qui sur le toit mesurent température, humidité, pression atmosphérique, précipitations, direction et vitesse du vent. A tel point que des industriels viennent y tester la résistance de leurs matériaux et produits: béton, panneaux photovoltaïques ou éoliennes.
Vivre à l'observatoire est avant tout un défi pour les "météos" qui, en hiver, doivent aussi bien se débrouiller pour déneiger les accès, dégivrer les instruments, couper du bois, faire des réparations d'urgence ou encore recueillir des promeneurs égarés.
Cette présence humaine et scientifique, déjà non assurée les week-ends d'hiver, est "essentielle" pour l'avenir du lieu, soulignent les météorologues, qui effectuent au quotidien, veille, observation et prévisions sur le massif. Ils accueillent aussi chaque année, à la belle saison, quelque 70.000 touristes dans une exposition et un musée gratuits consacrés à la météorologie et au climat.
"Les gens qui viennent ici veulent rencontrer des météorologues", assure Delphine Bourrié, 45 ans, "amoureuse du lieu" où elle travaille depuis 25 ans, aujourd'hui employée par la Communauté de Commune Causses Aigoual Cévennes à l'accueil touristique. "Il faut que ça reste un lieu humain, habité toute l'année", plaide-t-elle.
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