Confinement : surprise et colère

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Xavier Azalbert - Directeur de la publication
Publié le 02 novembre 2020 - 17:23
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Depuis 48 heures le confinement acte II est de mise, avec son lot de décisions qui laissent pantois plus d’un Français.  Difficile de comprendre l’émotion qui ressort de ce second confinement.

Acte I

Retour du travail le 16 mars 2020, un programme simple comme pour beaucoup de Français : faire à dîner et regarder le dernier épisode de la série du moment. La clé dans la serrure pour ouvrir la porte et là dans l’entrée, mes proches me crient : « surprise » !  Comme pour beaucoup d’entre nous lors de l’annonce du président, ce 16 mars à 20h, la décision de confiner les Français fut une surprise. Difficile de savoir à ce moment si l’émotion déclenchée fut bonne ou mauvaise. Nous étions assignés à résidence pour une période dite exceptionnelle, assortie de privations de libertés dans l’optique de défendre la nation contre l’épidémie de Covid-19.  Ce confinement a pris fin le 11 mai après deux prolongations. Les Français sont passés par de multiples phases d’émotions, rivés à leur télévision, non plus pour regarder leur émission habituelle du débat politique ou des infos, mais pour y voir s’égrener le nombre de morts chaque jour.  La science et la médecine sortirent des livres pour prendre la lumière sur les plateaux télé mettant à jour ces vieilles querelles opposant les divers types de médecins ou d’approches de la science.

La surprise, une émotion provoquée par une information ou un évènement inattendu, est souvent de courte durée et s’estompe pour laisser place à l’interrogation. Passé ce premier moment d’étonnement, certains ont dû apprendre à télétravailler alors qu’ils s’y étaient opposés pendant des années, pendant que d’autres soignaient ou servaient les Français assignés à résidence.

Cette phase a duré 55 jours pour se terminer début mai. La vie reprit son cours malgré les gestes barrières répétés et martelés à des Français déjà ébahis psychologiquement par ce premier confinement unique.  Il devient de plus en plus apparent que les effets délétères du confinement et la perte de lien social et physique avec les gens ont fait plus de mal que le virus.  L’apéro zoom ne remplacera jamais la mousse ou le Ricard sur le zinc d’un café ; Amazon ne remplacera pas l’expérience du shopping. Un rire derrière un écran ne s’interprètera pas de la même manière.

 

La surprise est bipolaire et fonction de l’individu

Elle peut être soit positive soit négative en fonction de son contenu, contrairement à la tristesse ou la joie. Le confinement acte I fut pour certain une bonne surprise, car il a permis de vaquer à des activités remises aux calendes grecques depuis longtemps. Pour d’autres, le réveil fut plutôt dur car beaucoup durent fermer boutique, au risque de perdre leur affaire qu’ils avaient mis si longtemps à construire.

Cependant, le caractère négatif ou positif de la surprise dépend aussi de l’individu. Certaines personnes sautent de joie, face à une soirée imprévue, d’autres détestent être prises de court et même face à la plus belle des surprises peuvent ressentir de la peur et de la colère.

 

La théorie psycho évolutionniste des émotions de Robert Plutchnik

Ce psychologue décrit les huit émotions de base. Il s’agit de  la joie, la peur, le dégoût, la colère, la tristesse, la surprise, la confiance et l'anticipation. Selon lui, ces émotions sont le reflet d'un mécanisme purement biologique qui a évolué pour faciliter l'adaptation de l'animal sur le plan de la reproduction.

Il défend la primauté de ces émotions car chacune d’elle entraîne un comportement ayant des liens importants avec la « survivance ». Par exemple, la peur inspire la réaction de fuite ou de combat, la colère inspire la défense de ses acquis. La roue des émotions de Plutchnik illustre et décrit les relations entre les émotions dont nous pouvons nous servir pour interpréter la réaction des Français.

Les 4 émotions fondamentales primaires (la peur, la colère, la joie, la tristesse), qui s'associent à des mécanismes de mémoire et de réflexion pour donner 4 autres émotions fondamentales secondaires (la confiance (liée à la joie), le dégoût (lié à la tristesse), l'anticipation (liée à la colère) et la surprise (liée à la peur)), dont les fonctions respectives seraient la préservation, la protection des acquis, la reproduction, la réintégration, l'incorporation, le rejet, l'orientation et l'exploration).

Il a poussé son analyse plus loin en regroupant ces émotions en paires primaires (deux émotions de bases adjacentes) ou secondaires (combinaisons d'émotions de base voisines à une émotion près) et tertiaires (combinaisons d'émotions de base voisines à deux émotions près) qui suivent :

Ces émotions s'expriment non seulement au travers du comportement, mais aussi de l'expression faciale qui permet d'en partager et faire ressentir la majorité. Dans la crise actuelle, on identifie bien le "masque" des mauvais jours qui vient défigurer l'expression de plus en plus de citoyens. 

Les masques ont fait beaucoup parler d’eux récemment, attirant des positions radicales des uns et des autres. Un article récent des professeurs de médecine de la célèbre Université de Harvard (Etats-Unis) paru dans New England Journal of Medecine de mai 2020 sur les masques conclut que « les masques remplissent des rôles symboliques.  Les masques ne sont pas seulement des outils, ce sont aussi des talismans qui peuvent contribuer à accroître le sentiment de sécurité, de bien-être et de confiance des travailleurs de la santé dans leurs hôpitaux.  Bien que de telles réactions ne soient pas strictement logiques, nous sommes tous sujets à la peur et à l'anxiété, en particulier en période de crise. On pourrait soutenir que la peur et l'anxiété sont mieux combattues par des données et par l'éducation qu'avec un masque marginalement bénéfique, en particulier à la lumière de la pénurie mondiale de masques, mais il est difficile d'amener les cliniciens à entendre ce message dans le feu de la crise actuelle.  La plus grande contribution des protocoles de masquage étendus pourrait être de réduire la transmission de l’anxiété, au-delà du rôle qu’ils pourraient jouer dans la réduction de la transmission du Covid-19.  La valeur potentielle du masquage universel en donnant aux agents de santé la confiance nécessaire pour absorber et mettre en œuvre les pratiques de prévention des infections les plus fondamentales décrites ci-dessus peut être sa plus grande contribution. »

 

Acte II du confinement, le masque de la colère

Après la réaction initiale de surprise, l’acte II du confinement s’est vite transformé en un sentiment négatif tendant vers la colère. Deux voies permettent d’arriver à cette conclusion. 

  • La première est l’observation empirique en regardant la manière dont les Français réagissent et se comportent, inquiets quant à l’avenir, à la rupture d’égalité entre eux, à la consternation de voir l’Etat qui s’invite dans la relation parents-enfants, après s’être immiscé dans la relation médecin-patient. 
  • La seconde est l’analyse. Qu’a-t-on appris depuis mars ?  On pourrait penser que le gouvernement - ayant professé la peur du virus pendant plusieurs mois ajouté à la surprise du second confinement - aurait pu déclencher la crainte chez les Français.  Cependant si c’est l’indignation qui en résulte, le tableau ci-dessus nous en explique les causes. Ce serait bien la surprise et la colère qui priment.

 

Surprise et colère à l’égard des décisions récentes qui entraînent cette seconde privation de liberté loin d’une approche rationnelle.  Au-delà de ces dryades, la combinaison de la peur et de l’anticipation génère de l’anxiété.  Pas étonnant que la consommation de médicament contre l’anxiété ait explosée au cours des six derniers mois (+1.1 million de traitements en plus comparé au nombre attendu) et que les médecins préviennent contre l’effet toxique sur la santé mentale du confinement.

Toujours est-il que comme dit le dicton : ‘on ne récolte que ce que l’on sème’, au-delà de la surprise c’est l’aspect négatif qui prévaut de ce second confinement et la colère qui gronde. Seul fruit des décisions du gouvernement.

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