La justice est la même pour tous. Le fait d'être l'élu du Puy du « Fou » peut-il être considéré par la justice comme de la démence ?

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Xavier Azalbert, France-Soir
Publié le 30 décembre 2024 - 12:30
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Philippe de villiers
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La justice est la même pour tous. Le fait d'être l'élu du Puy du « Fou » peut-il être considéré par la justice comme de la démence ?
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La cause d'irresponsabilité pénale

La question mérite d'être posée. Je m’explique.

Dans la chronique hebdomadaire qu'il tient sur CNEWS (« La semaine de Philippe de Villiers »), l'ex-ministre ainsi dénommé se prend souvent pour le Chevalier Bayard. Un redresseur de tort qui, néanmoins, ne s'emploie pas uniquement à défendre la veuve et l'orphelin. Non. Dernièrement, il s'est également employé à le faire au bénéfice d'un délinquant : Nicolas Sarkozy. Un repris de justice « repris de justesse » (Coluche), car effectivement, il a failli passer entre les mailles du filet.

Cependant, néanmoins, plus exactement (1), heureusement pour l'équité et la morale, tel n'a pas été le cas. Nicolas Sarkozy, qui, en d’autres temps, employât le terme de « racaille » pour désigner un délinquant, a été reconnu coupable et condamné par la justice à trois ans de prison dont un ferme. Le caractère définitif, et donc effectif de cette décision de justice résulte de l'arrêt par lequel la Cour de cassation, chambre criminelle, a rejeté le pourvoi en cassation que Nicolas Sarkozy avait formé contre elle.

Voilà le commentaire public qu'a fait Philippe de Villiers, ce jeudi 26 décembre 2024, sur CNEWS, de cette autre décision de justice qu'est donc cet arrêt de la Cour de cassation :

« Nicolas Sarkozy condamné : Le « Mur des cons » a gagné ! » (2) L’arrêt de la Cour de cassation est partial, inéquitable, disproportionné et infamant. »

 

Ses propos caractérisent à 100 % l'élément matériel et l'élément intellectuel du délit de discrédit public jeté sur une décision de justice défini et puni par l'article 434-25 du Code pénal. En effet, l'article 434-25 du Code pénal est ainsi rédigé :

« Le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. »

On est en plein dedans. (3) A fortiori avec ce que Philippe de Villiers a jouté immédiatement après : « Cette décision illustre une prise de pouvoir inquiétante par la République des juges. »

Et ceci d'autant plus qu'en indiquant cela pour justifier ses propos : « On ne met pas un bracelet électronique à un ancien président de la République. »

Philippe de Villiers soutiendrait-il que la justice ne doit pas être la même pour tous ? Qu'elle devrait être moins sévère dans la détermination de la peine quand c'est un ex-président de la République que, dans leur intime conviction, les magistrats qui la rendent, la justice, jugent coupable !

Diable ! C'est là dénier la préséance suprême de l'article 1er de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen, préambule de la Constitution française : 

« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. »

La particule présente dans son patronyme y est certainement pour quelque chose. Pour Philippe « de » Villiers, royaliste chevronné sous perfusion de longue date par le système de « la République », il y a donc deux catégories de justiciables : les gueux, et les nobles. Les hauts nobles, plus précisément.

Donc « Morbleu ! », dites-moi si je me trompe, le procureur de la République ne devrait-il pas déjà s'être saisi du dossier ? Et envisager de diligenter des poursuites pénales contre Philippe de Villiers, du chef du délit de discrédit publiquement jeté sur une décision de justice ? Évidemment, oui !

Or, il ne le fait pas.

La justice étant impartiale (j'y reviens immédiatement après), la seule explication à cela est donc que, selon le procureur de la République, Philippe de Villiers bénéficie en l'espèce d'une des six causes d'exonération de la responsabilité pénale prévues par le Code pénal. À savoir si Philippe de Villiers était dans une de ces six situations :

  • s'il était en état de démence (abolition du discernement) ;
  • s'il était sous l'emprise d'une force ou d'une contrainte à laquelle il n'a pas pu résister ;
  • s'il était victime d'erreur de droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter ;
  • s'il accomplissait commandement de la loi ; (4)
  • s'il était en état de légitime défense ;
  • s'il était dans un état de nécessité. (5)

L'erreur de droit, le commandement de la loi, la légitime défense et l'état de nécessité, semblent à l’évidence devoir être obligatoirement écartés. Ainsi potentiellement, il reste, soit la démence, soit l'emprise d'une force à laquelle Philippe de Villiers n'a pas pu résister. Et, sauf erreur de ma part, nul sorcier vaudou ou autre chaman malfaisant était présent sur le plateau (« à part Pascal Praud » diront certains). Dès lors, l'emprise doit aussi être écartée. Aussi, il ne resterait que la démence.

En conséquence, si le procureur de la République a décidé de ne pas poursuivre Philippe de Villiers, cela serait, en l’absence d'autres motifs, et parce qu’il considèrerait que l'élu du Puy du Fou est fou ? Aurait-il été atteint de démence au moment des faits ?

Et s'il ne peut en être autrement, c'est parce que, en France, la justice est impartiale.

Si-si. Ne riez pas !

En France, la justice est la même pour tous.

Prenez par exemple, Louis Sarkozy, fils de Nicolas. Il a déclaré en direct sur LCI, le 29 septembre 2024, à propos des milliers de victimes civiles gazouies causées par les bombardements Israéliens : « Je pense que je parle pour beaucoup de Français quand je dis : « Qu'ils crèvent ! » Israël fait ici le travail de l'humanité. Qu'ils crèvent tous ! »

Ne faut-il pas être complètement fou pour dire cela ? Surtout en public. En direct à la télévision et à une heure de grande écoute. Et bien qu'importe le fait que son père, Nicolas Sarkozy, soit un délinquant mondialement connu, la justice doit être la même pour tous. Exactement comme il l'a fait pour Philippe de Villiers, le procureur de la République a décidé de ne pas diligenter de poursuites pénales contre Louis Sarkozy. Et, à l'inverse, si son père avait été un ex-président de la République, il aurait probablement fait pareil : là aussi le procureur de la République aurait accordé à Louis Sarkozy la cause d'irresponsabilité pénale de l'état de démence (au moment des faits ou permanente).

Et d'ailleurs, en appliquant la même logique, ne fait-il pareillement aucun doute, que si Louis Sarkozy avait dit exactement la même chose, mais cette fois à propos des Israéliens victimes des bombardements du Hamas, à savoir ceci : « Je pense que je parle pour beaucoup de Français quand je dis « Qu'ils crèvent ! » Le Hamas fait ici  le travail de l'humanité. Qu'ils crèvent tous ! » Là aussi le procureur de la République lui aurait accordé la cause d'irresponsabilité pénale de l'état de démence ? Ou alors, allez, cadeau ! L'emprise d'une force ou d'une contrainte à laquelle il n'aurait pas pu résister. Aucun exemple ne me vient en tête à l’instant présent, mais je suis sûr que vous, lecteurs attentifs et attentionnés saurez en trouver.

Néanmoins, Il vaut mieux ne pas se livrer à ce genre d'invective publique à l'endroit des Israéliens, fût-ce pour un citoyen lambda qui serait pourtant rabbin ultraorthodoxe et muni d'une ordonnance en bonne et due forme établie par un psychiatre, attestant qu'il est atteint de démence. Car si certes, avec un peu de chance, et un excellent avocat, l'individu en question éviterait la prison, il en serait quitte pour un séjour en hôpital psychiatrique, d'une longue durée, très longue.

Bin quoi ? Si la justice a déclaré non-coupable son ministre, un certain Éric X., pour des faits délictuels qu'il a reconnu avoir accomplis en pleine et entière conscience de leur caractère délictuel, c'est parce que, selon la justice, il n'avait pas également, en sus, et indispensable à ce que l'élément intellectuel de l'infraction lui aussi soit rapporté, la pleine et entière volonté de se rendre coupable du délit concerné. C'était donc bien qu'il était, Mr Dupont-Moretti, au moment des faits, sous l'emprise d'une force insurmontable. Une force qui l'a obligé à commettre ses faits que lui, sinon, jamais ô grand jamais, il n'aurait commis. À moins que, ministre qu'il était, Riton, au moment des faits, il a accompli là le commandement que la loi semble faire, visiblement, à tous les membres du Gouvernement, sous l'ère Macron, de nous prendre pour des cons.

Cela expliquerait le leur, de « Mur des cons » : celui où, de fait, Emmanuel Macron et François Bayrou ont accroché les portraits des 68 millions de Français, dindons de la farce que nous sommes avec le Gouvernement qu'ils nous ont offert en guise de cadeau de Noël. 

Et bien sûr, dans un juste concours de circonstances, avant que le président ne nous invite à écouter ses vœux pour 2025, l'information tombe que dans le cadre de l'enquête sur la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement français, il n'y aurait pas de mise en examen !  L'enquête serait close et un cadeau de Noël offert à posteriori aux ministres Buzyn, Véran et Philippe (6). Ce qui tombe à pic pour le président qui pourra, dès lors, vanter les mérites de la performance de ses choix lors de la grande messe qu'il appelle de ses voeux, une version moderne du diner de ….  Ce jour-là, qui aura piscine ? La justice est vraiment équitable pour tous.

 

1) l'adverbe « cependant » » est inapproprié en l'espèce, puisque définitive qu'est sa condamnation, « ce » dossier n'est plus « pendant » devant la justice, mais clos.

2) Le « Mur des Cons » est une affaire médiatique et judiciaire française. Elle est liée à la présence, dans les locaux du Syndicat de la magistrature, courant 2013, d'un panneau d'affichage intitulé « Mur des cons » dans un lieu public (en l'occurrence un bureau qu'ils occupent au Palais de justice dans l'exercice de leurs fonctions) et sur lequel étaient affichées des photographies de diverses personnes signalées comme étant des « cons », dont des victimes d'affaires sordides. L'affaire a fait grand bruit, mais finalement, elle s'est conclue, après huit ans de procédure, par la condamnation simplement symbolique de Françoise Martres, la présidente dudit syndicat, à 500 euros d'amende, pour injures publiques. Et c'est vrai que si cela avait été l'inverse, à savoir si les justiciables présents sur ce « Mur des Cons », en avait un pareillement dans un lieu public, eux avec cette fois les photos de ces magistrats-là, il est hautement possible que leur condamnation pour outrage serait intervenue beaucoup plus rapidement (quelques mois grand maximum), et surtout, elle aurait été très nettement plus importante qu'une simple amende qui plus est uniquement symbolique. Une peine d'emprisonnement aurait été sans doute prononcée, dont une partie au moins aurait été de la prison ferme, et non pas avec sursis.

3) ceci parce que ces propos de Philippe de Villiers ne correspondent pas du tout à la circonstance de non matérialisation de ce délit définie par le deuxième alinéa de l'article 434-25 du Code pénal : « Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas aux commentaires techniques ni aux actes, aux paroles, écrits ou images de toute nature tendant à la réformation, la cassation ou la révision d'une décision. »

4) le commandement de la loi : c'est quand un texte normatif fait obligation de commettre les faits concernés, bien qu'il s'agisse d'une infraction pénale ou quand un fonctionnaire exécute un donné par un supérieur, à condition que cet ordre ne soit pas manifestement illégal. Comme par exemple faire feu sur une personne qui force un barrage de police.

5) l'état de nécessité : c'est quand on est face un danger actuel ou imminent qui menace soi-même, autrui ou un bien. On peut alors accomplir un acte qui est interdit par la loi, si cet acte est nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, et s'il n'est pas disproportionné par rapport à la menace.

6) je reviendrai plus en détail sur ce point dans un prochain edito.

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