Abstention : vers un nouvel ordre démocratique ?

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Xavier Brunschvicg pour FranceSoir
Publié le 01 juillet 2020 - 17:35
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Démocratie
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Miguel Bruna on Unsplash
Abstention : vers un nouvel ordre démocratique ?
Miguel Bruna on Unsplash

POINT DE VUE : L’abstention massive lors des élections municipales de 2020 met en cause la légitimité des élus. Plus fondamentalement, elle nous interpelle quant à la diversité des fondements de la légitimité et à leur articulation. Un nouvel ordre démocratique ? 

58,4% d’abstention au 2ème tour des élections municipales du 28 juin 2020 ! Un véritable séisme…

Cette montée de l’abstention, quelle que soit la nature du scrutin, s’inscrit dans une tendance historique lourde et continue. 

Les causes en sont multiples : manque d’enjeu, sécession démocratique, paresse citoyenne, consumérisme électoral, perte de confiance, voire défiance, en les institutions et les élus, désaffiliation partisane…

Il en résulte un affaiblissement de la légitimité des élus. Rappelons qu’Emmanuel Macron, élu en 2017 avec 66% des suffrages exprimés au second tour, n’a réuni sur son nom que 8,7 millions de suffrages au premier tour, soit 18% des inscrits sur les listes électorales. Il est aujourd’hui Président de la République… Pierre Hurmic, tout juste élu Maire EELV de Bordeaux avec 46,5% des voix au second tour et 62% d’abstention, n’a en réalité été désigné que par 17,5% des citoyens inscrits sur les listes électorales. Pire, au premier tour, il n’a réuni que 12,5% de ces mêmes électeurs potentiels. Emmanuel Macron et Pierre Hurmic n’en sont pas moins légitimes au sens institutionnel du terme. Pour autant, ces chiffres sont spectaculaires et inquiétants et posent la question de leur légitimité au sens démocratique du terme. 

Doit-on opposer légitimité institutionnelle et légitimité démocratique ? La réponse n’est pas simple;

En réalité, il existe de multiples sources de légitimité. Elles ne s’opposent pas, mais se complètent, se concurrencent, s’entremêlent, se potentialisent ou s’annulent. 

Les sources de légitimité sont multiples et concurrentielles : démocratie représentative (élections), référendum, Conventions citoyennes, démocratie sociale (syndicats), tirage au sort, démocratie d’opinion (médias et réseaux sociaux), démocratie participative, mobilisations citoyennes, démocratie directe, pétitions, légitimité judiciaire (pouvoir des juges) ou scientifique (pouvoir des experts)… 

Historiquement et institutionnellement, la démocratie représentative, qui s’exprime par le vote et l’élection de représentants est considérée, à juste titre, comme étant à la fois la plus légitime et la plus opérante du point de vue de la gouvernance de nos institutions. 

Elle ne doit cependant pas se considérer comme étant la seule et mépriser ou ostraciser les autres formes d’expression démocratique. Bien au contraire ! L’enjeu aujourd’hui, tout en réaffirmant la préséance de la démocratie représentative, c’est de parvenir à articuler l’ensemble des sources de légitimité démocratique. Ces dernières vont se compléter, se concurrencer, se nourrir mutuellement.

C’est cette diversité qu’il est fondamental à la fois de préserver, mais aussi et surtout d’articuler pour les renforcer et les potentialiser. 

Pour les élus « classiques », qu’ils soient locaux ou nationaux, c’est un sacré exercice et une sacrée difficulté. Mais ils n’ont pas le choix ! Bien au contraire, cette capacité à se régénérer, à se nourrir et à se confronter à ces autres formes d’expression démocratique constitue le meilleur moyen de réaffirmer et de consolider leur légitimité entachée par l’abstention. 

L’historien et sociologue Pierre Rosanvallon l’a bien compris. Il distingue ainsi et fort justement, dans le processus démocratique, le temps de l’engagement et le temps du gouvernement, ce dernier étant souvent celui de la confrontation au réel et donc de la désillusion. En apprivoisant et en intégrant les différentes sources de légitimité démocratique dans leur gouvernance, les élus issus de la démocratie représentative peuvent y trouver un moyen de préserver leur rôle et leur légitimité. 

Rappelons à ce sujet deux points fondamentaux : 

1. La démocratie n’est ni une parenthèse ni une délégation. Elle ne s’exerce pas uniquement à l’occasion d’élections lors desquelles on confierait « les clés du camion » à des élus sans aucune forme de contrôle. C’est un processus, un continuum et un dialogue permanent.

2. La démocratie n’est pas non plus un simple mécanisme. Vous pouvez avoir, « sur le papier », les institutions les plus démocratiques du monde, cela ne suffit pas. La démocratie, ce sont aussi des valeurs, des pratiques, des cultures et des attitudes. 

Vive la démocratie !

 

Xavier Brunschvicg est expert en communication. Fondateur de www.clashman-corp.com

 

 

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