Arestovitch un futur président pour l'Ukraine ?
Alors que l’Ukraine continue de perdre du terrain dans une guerre ingagnable et que le monde entier attend l’arrivée de l’administration Trump pour savoir si enfin une issue à cette guerre avec la Russie pourra se dessiner, Oleksei Arestovitch, ancien conseiller de Zelensky, a décidé de mettre en avant sa candidature à la présidence du pays, avec un programme de rupture radicale avec le régime actuel.
Dans une longue interview sur PBD Podcast, une chaine YouTube américaine de plus de 2 millions d’abonnés, Arestovicth a présenté ses vues au public américain. Il sait que c’est autant outre-Atlantique qu’à Kiev que son avenir, comme celui de l’Ukraine, se jouera.
Rappelons qu’Arestovicth est l’homme qui avait prévu et même souhaité la guerre avec la Russie dans une interview de février 2019, arguant que c’était le seul moyen d’intégrer l’OTAN et d’échapper ainsi à la sphère russe. Le même homme fut ensuite poussé à la démission de son poste de conseiller du pouvoir en janvier 2023.
Depuis le dernier article que nous lui avions consacré, on apprend ainsi qu’Arestovicth est en exil hors d’Ukraine depuis septembre 2023, après qu’un contact américain lui aurait fermement recommandé de ne pas rentrer en Ukraine. Peu de temps après, deux procédures judiciaires furent entamées contre lui à Kiev, avec une troisième en préparation.
La continuation de la guerre : « une énorme erreur »
Parmi les déclarations les plus marquantes de l’interview, Arestovitch a déclaré que le fait pour l’Ukraine d’avoir rejeté les négociations d’Istanbul et continué la guerre après avril 2022 avait été une énorme erreur.
Il souligne que la plupart des gens en Ukraine souffrent d’un grave traumatisme émotionnel en raison de la guerre, ce qui les empêche de penser librement et les rend vulnérable à toutes les propagandes. Se basant sur les résultats de l’élection présidentielle de 2019, il estime que 25% des Ukrainiens, ceux qui avaient voté Porochenko, sont des nationalistes radicaux, quand les 73% qui avaient voté Zelensky voulaient la paix. Mais ce dernier les a trahis pour finalement appliquer le programme intégral de son rival qui se résumait en un slogan : « Une armée, une seule langue, une seule fois ! »
L’ancien conseiller qui dit avoir toujours ses sources auprès du pouvoir prétend que la corruption du régime actuel dépasse toutes les mesures, atteignant un niveau « catastrophique ».
Quand on lui demande qui a fait exploser Nord-Stream, il se garde bien d’accuser qui que ce soit, mais précise qu’il n’y aucune chance que cela soit les Russes, qui étaient les derniers à y avoir intérêt.
Concernant Poutine, il affirme que ce dernier dit la vérité 99% du temps et que de son point de vue russe, il mène une guerre défensive. Il ajoute que le président russe n’a pas varié dans ses revendications principales depuis mars 2022. Mais en face, il n’y a plus personne pour négocier.
Il fait ensuite montre d’humilité, disant qu’il continue d’apprendre en politique, ajoutant qu’il devait faire très attention à son expression publique, car ses ennemis guettent ses moindres faux pas.
Le candidat qui se définit comme de centre-droit prétend cependant avoir de nombreux soutiens au sein de l’armée et des milieux d’affaires, sans compter le soutien des quelque 2 millions de personnes qui suivent ses interventions sur les réseaux sociaux.
Trump, le nouveau paramètre !
Quand on lui demande si l’atmosphère du monde va se calmer avec l’arrivée de Trump, Arestovitch s’en dit persuadé. Puis, il ajoute que Trump vient pour détruire le système globaliste qui a été mis en place pendant des décennies, et que cela ne sera pas une mince affaire.
Rappelons que le mandat présidentiel de Zelensky a expiré depuis le mois de mai 2024 et que, en raison de l’état de guerre, aucune élection présidentielle n’est encore programmée. Mais on s’attend à ce que l’arrivée de Trump débloque la situation d’une manière ou d’une autre, ce qui reste à confirmer étant donné les réticences au sein même du camp républicain à donner gain de cause aux Russes. La plupart des pseudo-plans de paix qui ont fuité dans la presse jusqu’ici ne font que proposer de retarder l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN, ce qui revient à ignorer la principale revendication des Russes qui est pourtant claire depuis des décennies « pas d’Ukraine dans l’OTAN » !
En attendant l’hypothétique élection, Arestovitch annonce trois mesures principales de son programme :
En politique extérieure, il veut mettre en place un système de sécurité collective entre la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine, prenant en compte les besoins sécuritaires de tous les pays concernés, soulignant que 10 millions d’Ukrainiens (dont lui-même) ont des parents en Russie. Dans ce cadre, il précise que
« L’Ukraine devra rester un pays neutre et renoncer à entrer dans l’OTAN. »
En politique intérieure, Arestovicch souhaite l’abandon du projet nationaliste actuel pour un système où chacun pourra parler la langue qu’il souhaite et aller à l’église de son choix, faisant ainsi allusion à l’interdiction pure et simple de la principale branche de l’église orthodoxe ukrainienne historiquement liée à Moscou. L’ancien communicant veut introduire en Ukraine une liberté d’expression que le pays n’a jamais vraiment connue.
Enfin, il propose une nouvelle industrialisation de l’Ukraine.
Il déclare être le seul politicien qui reconnait que la Russie a des intérêts légitimes en tant que pays. Il ajoute « nous faisions partie du même Etat, nous avons les mêmes racines et nous sommes prédestinés à vivre avec la Russie. Nous avons besoin de normaliser nos relations. Et le facteur irritant principal pour la Russie est que nous rejoignions l’OTAN ».
Et puis, il lâche ce qu’il ne semble avoir compris que récemment : « L’OTAN ne nous acceptera jamais en son sein », déclarant que ces derniers jouaient avec cette perspective d’adhésion sans réelle volonté de la mettre en œuvre.
Arestovich est sévère avec L’Ukraine, qu’il définit comme « un Etat failli, qui s’est lancé sur le chemin de l’autodestruction de son économie et de sa culture », dont le « système entier est corrompu”. Le candidat précise que son « message est similaire à celui du Président Trump : « nous avons besoin de vaincre l’Etat profond et les forces de la corruption ». Si l’appel du pied à l’équipe Trump semble évident, rien ne dit s’il a déjà des contacts avec eux.
Quand on lui demande ce qu’il pense de Victoria Nuland, qui fut la coordinatrice de la politique américaine concernant l’Ukraine sous les présidents Obama et Biden, il répond qu’elle fait partie des « Démocrates globalistes » ajoutant une phrase-clef :
« La tâche de ces gens était de créer en Ukraine un piège pour la Russie. Et nous nous sommes créés des problèmes en participant à ce piège ».
Le candidat déclare ne pas savoir si l’Occident le soutiendra, mais ajoute que la Russie a un intérêt objectif à ce qu’il devienne président de l’Ukraine. Il ajoute que ses ennemis le traitent déjà de « marionnette de Poutine ». Cela dit, après une rapide recherche, on découvre qu’en février 2024, un mandat d’arrêt a été émis par la Russie contre Arestovitch, lui reprochant visiblement des propos qu’il avait tenu à l’époque où il était propagandiste officiel de Kiev. Comme il semble proposer un projet politique totalement compatible avec la vision de Poutine, le candidat espère sans doute que ces obstacles juridiques pourront être levés.
L’homme de la réconciliation ?
Arestovitch, qu’on pourrait définir comme un idéologue pragmatique, a donc effectué depuis 2019 un virage à 180 degrés. La guerre qu’il avait appelé de ses vœux ne s’étant pas déroulée comme prévu, c’est-à-dire sans domination de l’OTAN ni perspective de victoire pour l’Ukraine, il fait machine arrière pour prôner la réconciliation avec la Russie.
Mais il sait aussi que la réélection de Trump est un changement fondamental dans la perspective de l’Occident sur cette guerre. Il semble faire le pari que des gens plus raisonnables à Washington pourront décider que la confrontation avec la Russie doit prendre fin, se plaçant ainsi par anticipation comme le candidat idoine d’une Ukraine qui redeviendrait neutre.
Certains pourraient ne pas faire confiance à un des hommes responsables du désastre pour gérer la paix. Mais les partisans de la paix peuvent-ils se permettre de faire la fine bouche après trois ans de guerre dévastatrice ?
Reste à voir comment Trump pourra dominer les puissantes forces qui poussent à la confrontation avec la Russie depuis des décennies, y compris au sein de son propre parti.
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