Ce qu’il en coûte de forcer un consentement

Auteur(s)
Guy de La Fortelle, pour FranceSoir
Publié le 30 novembre 2021 - 11:15
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Définition des limites et consentement
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Pixabay
Le juge suprême n’est plus le peuple français, c’est l’organisation supranationale.
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"Je n’ai pas cru que tes édits pussent l’emporter sur les lois non écrites et immuables des dieux, puisque tu n’es qu’un mortel."
Antigone

"Parce que je suis contrainte par la violence, je céderai à ceux qui possèdent la puissance, car il est insensé de tenter au-delà de ses forces."
Ismène

TRIBUNE — Ma chère lectrice, mon cher lecteur,

À partir de quel moment, une pratique sadomasochiste devient-elle répréhensible ?

Combien de coups de fouet avant qu’un juge s’en mêle ? Peut-on marquer au fer rouge une victime consentante ? La torturer ? L’électrocuter ? À combien de milliampères ? La perte de conscience entraîne-t-elle la perte du consentement ?

Question subsidiaire : qui donc est habilité à définir ces limites ?

Je prie mes lecteurs les plus pudiques d’excuser cette entrée en matière cruelle : c'est celle qu'a choisie le professeur de droit Estelle Brosset, dans un excellent papier « Le consentement en matière de santé et le droit européen » de 2013. [1]

[1] Madame Brosset est professeure de droit à l’université d’Aix-Marseille et si la lecture de littérature scientifique ne vous rebute pas, je vous recommande son papier qui est un petit bijou. Eh oui, je fais partie de ceux qui estiment que les scientifiques et experts sont une manne incontournable pour nous aider à penser et formuler un jugement par nous-même, mais certainement pas pour penser et juger à notre place. Je préfère l’humanisme de Montaigne au rationalisme bureaucratique de Weber.

Le consentement est un sujet qui dépasse largement la sphère strictement sanitaire et ne peut être traité en vase clos : il paraîtrait bizarre de refuser des soins ou leur remboursement, à quelqu’un qui a refusé le vaccin contre la maladie qui le touche, mais pas à un masochiste qui s'inflige des blessures volontaires.

Ne faudrait-il pas dès lors faire payer son SIDA au concupiscent qui omet de se protéger ?

Sans doute, ces gens ne font-ils de tort qu’à eux-mêmes, mais que dire alors du chauffard accidenté par sa propre inconscience ? Faut-il soigner celui-là malgré le risque mortel qu’il fait peser sur la société ? Il faudrait encore nous pencher sur le cas des criminels, des imprudents ou simplement des insouciants qui font peser des risques insensés à la collectivité.

Il vous est peut-être aussi pénible de lire ces lignes qu’il m’est de les écrire. Et pourtant…

Et pourtant, nos "droitsdelhommistes" bon chic bon teint, dans leur folie, sont en train d’ouvrir cette énième boîte de Pandore à l’hémicycle comme à la télé.

Ainsi :

  • Une personne non-vaccinée, faute de médecin complaisant, doit-elle payer la taxe de son passe tous les jours pour avoir le droit de se faire soigner ;
  • Le Parti Radical de Gauche demande le non-remboursement des soins de santé aux réfractaires ;
  • Singapour l’a déjà fait et ;
  • En Autriche, on vous jettera bientôt en prison.

Ces gens ne sont pas à une aberration près, mais puisqu’ils poussent l’obscénité jusque-là, il nous faut bien tenter de refermer cette boîte de Pandore avant que le diable n’en sorte. Oh, la question du consentement et plus largement du rapport entre l’individu et l’État est vieille comme Léviathan. À vrai dire, il n’y a rien de nouveau sous le soleil, si ce n’est notre amnésie historique et nos lacunes en philosophie politique.

Il nous faut donc remonter petit à petit à la source et prendre le temps de réfléchir un instant : À quel moment l’individu doit-il s’effacer devant le collectif ?

La question est d’importance, car il en va de nos politiques sanitaires, mais également des questions écologiques et certainement aussi des questions financières. Je ne crois pas être hors sujet en traitant aujourd’hui, une nouvelle fois, de la question du consentement.

Que dit la loi ?

La question du consentement des pratiques sadomasochistes est incontournable en droit européen, nous rappelle Madame Brosset, car elle a été étudiée dans un arrêt célèbre de la Cour européenne des Droits de l’Homme de 2005 (K.A. ET A.D. c. BELGIQUE).

La particularité de cet arrêt est de justifier la condamnation d’ébats extrêmes non pour leur insoutenable violence — le rappel des faits par la CEDH fait passer le premier chapitre de Surveiller et Punir pour une lecture de première communiante — mais par l'absence de consentement explicite de la victime.

« L’arrêt érige le consentement en dogme quasiment sacré : il devient le critère exclusif de l’opportunité de l’action de l’État. »

Voilà qui paraît bien lointain en 2021…

Il y a pourtant ce fameux article 5 de la Convention d'Oviedo sur les droits de l'homme et la biomédecine (dont la France est signataire) :

Article 5 – Règle générale
Une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu'après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé.

Et, si ce n’était pas suffisant, à l’article 2 des dispositions générales, la convention précise que :

Article 2 – Primauté de l’être humain
L’intérêt et le bien de l’être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de la science.

Eh bien quoi ? Comment en avons-nous pu en arriver de plein droit à cette discrimination brutale de personnes ne consentant pas à un traitement dont la dénomination même est polémique, vaccin pour les uns — après en avoir changé la définition, thérapie génique pour les autres — y compris la FDA, le gendarme sanitaire américain ?

C’est qu’en parallèle de cette jurisprudence, la même CEDH n’hésite pas à construire une jurisprudence parallèle en matière de vaccination :

« [La CEDH] a là encore estimé qu’une campagne de vaccination, telle qu'elle a été mise en place dans la plupart des pays, obligeant l’individu à s’incliner devant l’intérêt général et à ne pas mettre en péril la santé de ses semblables, ne dépassait pas la marge d’appréciation laissée à l’État. »

C’est ainsi que l’on se retrouve avec une justice qui défend tantôt l’intégrité radicale de la personne, tantôt celle du collectif, sans que la jurisprudence permette véritablement de dégager une ligne claire.

C’est important, il ne s’agit pas d’un équilibre subtil, mais bien d’un paradoxe irrésolu, et donc radicalement instable : la jurisprudence est radicalement en faveur de l’intégrité de la personne et en même temps radicalement en faveur de la contrainte publique.

Ainsi, pour la CEDH, l’administration d’un vaccin contre l’hépatite B (maladie sexuellement transmissible) à un enfant non formé peut être rendue obligatoire, mais pas l’administration d’un vomitif à un dealer de drogues ayant avalé sa marchandise pour échapper à la police (qui recevra 10 000 € pour préjudice moral).

« Dans le champ de la santé, il est dans le même temps nécessaire et difficile de dégager un consensus européen. »

Le champ de ruine européen et la politique de la terre brûlée

Voilà le champ de ruine juridique dans lequel nous évoluons au niveau européen, champ de ruine où nous avons abandonné notre souveraineté, dans l’espoir impossible d’une souveraineté élargie dont nous ne pouvons que constater l’échec complet.

Bien sûr, ce champ de ruine n’est pas perdu pour tout le monde…

En absence de cadre réglementaire clair, cohérent et contrôlé, le pouvoir des juges se trouve décuplé et le champ ouvert pour les politiques de copinages et le népotisme effréné des ambitieux sans scrupule.

Il y a deux ans, les révélations sur la mainmise des juges de la CEDH par George Soros et sa galaxie d’associations activistes type Open Society avait provoqué bien des remous en Europe (moins en France).

Elles avaient également provoqué le dédain complet de la Cour, bien à l’abri dans sa tour d’ivoire européenne, sans aucun organe de contrôle efficace pour faire le ménage, sans personne à qui rendre des comptes sur ce détournement d’une des plus hautes cours de justice européenne à des fins privées.

Ce sont ces juges inconnus et indéboulonnables, mon cher lecteur, qui auront le dernier mot sur le destin de nos politiques vaccinales ; eux qui seront les juges ultimes de nos griefs dans les décennies de contentieux que la gestion calamiteuse de ces deux dernières années nous promet.

Dans la Vᵉ République du général De Gaulle : « La seule Cour suprême, c’est le peuple français ».

En 2021, la République est devenue zombie, le peuple dévitalisé a abandonné ses prérogatives au pouvoir des juges européens, et les juges eux-mêmes se sont vendus à des intérêts privés.

Oh, la CEDH est l’un de ses bubons qui trahit la peste dont nos institutions meurent.

Qui dit mieux ?

Faute d’un cadre juridique sain, comment pourrions-nous espérer sortir de ce dilemme entre l’individu et la représentation nationale ?

La question n’est pas bien compliquée en vérité.

Il existe, grossièrement, deux justifications à l’ingérence de l’État dans la vie privée :

La justification utilitariste façon Bentham : on sacrifie une minorité pour obtenir « le plus grand bonheur du plus grand nombre ».
La justification contractualiste kantienne : « La liberté de chacun s’arrête où commence celle des autres ».

La différence entre les deux approches tient au rapport aux inégalités, assumées chez les utilitaristes, mais seulement tolérées chez les contractualistes.

Dans tous les cas, il faut que la privation de liberté se fasse au bénéfice du plus grand nombre.

Ainsi, l’obligation vaccinale des soignants ou le passe sanitaire ne se justifient-ils que par les dangers de transmission aux autres, mais certainement pas par les risques que l’individu choisit de faire peser sur lui-même.

Oh, je sais bien qu’il serait tentant de vouloir imposer la vaccination aux récalcitrants pour eux-mêmes, pour faire baisser la pression hospitalière et d’autres intentions chacune meilleure que la précédente, mais comme dirait ma très chère mère dans sa grande sagesse : on ne peut pas aider les autres contre leur gré. Il s’agit simplement de respect pour la personne.

Et si vous avez encore un doute, imaginez imposer une chimiothérapie ou une mastectomie préventive à un malade qui n’y consentirait pas.

Il y a là quelque chose de très perturbant : il n’y a de fondement politique, sanitaire et juridique à l’entrave sanitaire que sur la base de la transmissibilité.

Or, les vaccins contre le COVID-19 n’ont pas été développés, ni testés, ni approuvés dans le but de réduire la transmission, mais de réduire les formes graves.

Il y a une différence radicale entre les coronavirus (ou la grippe) et un virus comme la variole : un coronavirus mute trop et trop vite pour pouvoir être éradiqué, comme pour la grippe, il faut apprendre à vivre avec et c’est bien ce que recherchent les labos.

D’ailleurs, il n’existait presque pas de données sur la transmission du virus par les personnes vaccinées jusqu’à la fin de mois de juin dernier… Soit quelques jours à peine avant son instauration.

J’ai suffisamment couvert la prépublication de l’Institut Pasteur utilisée pour justifier l’instauration du passe, qui prétendait que le vaccin réduisait d’un facteur 12 la transmission au mois de juin dernier : résultat, cinq mois plus tard, l’étude n’est toujours pas publiée et c’est normal, c’était une mascarade.

L’OMS tente encore d’avancer que le vaccin réduirait la transmissibilité de peut-être 40 %, mais le fait qu’Israël, l’Islande et Singapour aient connu leurs plus gros pics épidémiques après leurs campagnes massives de vaccination bat en brèche tout argument en faveur du vaccin pour limiter la transmission.

À ce stade, la question devient épineuse : vous n’êtes pas obligé d’être d’accord avec moi. Peut-être trouvez-vous que mon refus du passe sanitaire est dangereux.

D’ailleurs, nous sommes dans une situation exemplaire où la moitié de la population est en faveur du vaccin et la moitié contre. En effet, 1/3 des personnes vaccinées déclarent l’avoir fait sous la contrainte, ajoutés aux non-vaccinés hors raisons médicales, nous arrivons à l’équilibre.

Que faire ?

L’argument scientifique est ici pris de vitesse, puisqu’il n’arrive pas à départager la population. L'on peut bien sûr penser que la moitié de la population est stupide, mais traitez-la comme telle et vous voyez nos principes démocratiques fondre comme neige au soleil. Et de manière pratique vous vous retrouvez rapidement dans une situation explosive, tendance guerre civile.

L’argument scientifique ne permet pas de se passer du consentement.

Mais, en partant du principe de Pascal que « chacun recherche d’être heureux » et qu’à quelques exceptions près nous préférons être en bonne santé et que ceux que nous aimions le soient encore davantage : le temps fera son affaire et nous finirons par avoir le fin mot de cette histoire.

Et il n’y a pas d’urgence qui tienne. Nous avons tous accepté les mesures d’urgence de mars 2020 sans rechigner. Ce qui est en jeu aujourd’hui c’est le chantage de la vaccination, non pour protéger notre santé, mais pour « retrouver la vie d’avant ».

Il semblerait que les libertés soient devenues des bonbons que l’on distribuerait aux enfants dociles… Manière à peine voilée de paraphraser la maxime orwellienne : « La liberté, c’est l’esclavage. »

Au fond, ce qui justifie l’intervention de l’État, historiquement et pratiquement, n’a rien à voir avec le bonheur ou la liberté, c’est l’équilibre des forces, la répartition des ressources, la survie du groupe et la place de chacun. Et, le cynique n’est peut-être pas qui vous pensez : déléguer la défense de son bonheur ou de l’exercice fondamental de sa liberté à un ministère est une folie, Orwell ne s’y était pas trompé.

La liberté n’est pas un droit qui se distribue, c’est une disposition personnelle qui s’exerce ou non, et qui se respecte pour éviter qu’elle s’exprime de manière radicale ou violente.

Ce qu’il en coûte de forcer nos consentements

Si l’on n’est plus libre de vivre, on l’est toujours de se révolter. Nelson Mandela, du fond de sa prison, était infiniment plus libre qu’Emmanuel Macron dans son salon.

Oh, il y a bien de la marge, nous ne sommes déjà pas une société de brûle-la-mort : plus de 80 % des 12-40 ans sont vaccinés, alors qu’en extrapolant les chiffres du Royaume-Uni (faute de publication en France), il y a dû y avoir peut-être une centaine de décès et un millier d’hospitalisations de moins de 40 ans sans comorbidité

Pour une population d’environ 20 millions de personnes, c'est peu, et quitte à sauver des vies, nous devrions nous éloigner des bouteilles d’alcool plus que du virus : une admission aux urgences sur trois en France est liée à l’alcool. Mais, seules 2 % des hospitalisations (tout âge confondu) sont dues au COVID-19.

En forçant le consentement, les campagnes de vaccination et dispositifs sanitaires ont flatté nos angoisses et attisé nos peurs bien plus que convaincu les récalcitrants.

Pire encore, ce gouvernement n’a pas imposé le vaccin, il a forcé le consentement ; c’est très différent, ils entendent vous priver de votre libre arbitre sans vous décharger de votre responsabilité… Ils jouent, vous payez.

Et si vous n’êtes pas content, c’est votre faute.

Et si, comme il semble devoir se produire, les propriétés magiques des vaccins disparaissent, il ne restera bientôt que cendre et amertume.

Croyez-vous que nos espoirs déçus se retourneront contre les responsables ? Tout ceci est bien trop irrationnel.

Le risque est qu’ils désignent les populations non-vaccinées comme victimes expiatoires de notre folie collective, boucs émissaires antiques des sociétés archaïques qui faute de savoir partager un destin déchargeaient leurs pulsions sur une victime arbitraire.

Est-ce qu’après la chasse au juif, nous aurons la chasse à l’anti-passe ? Ne haussez pas les épaules trop vite. Bien sûr, le pire n’est jamais sûr. Ce n’est pas une raison pour ne pas l’envisager et nous avons bien trop de preuves que ces choses arrivent, arrivent bien plus brutalement que l’on imagine, mais ne finissent jamais à l’avantage des instigateurs.

Un parent ne lève pas les membres de sa famille les uns contre les autres : cela ne doit pas.

Emmanuel Macron est en train d’achever la communauté de destin qu’est la France. Se rend-il compte qu’il s’entraîne lui-même dans notre perte collective ? Je ne sais.

Là encore, ce n’est pas perdu pour tout le monde… En faisant mourir les États et remonter le pouvoir au-delà de l’emprise des peuples, l’on confisque aussi bien la liberté que les richesses ou même la santé de ceux qui ont oublié que nos libertés ont besoin de la protection de la Nation pour s’exercer.

Les défenses de nos libertés, de nos richesses, de nos santés, de nos cultures, de nos environnements sont en train de converger géographiquement et leurs défenses individuelles aussi bien que collectives convergent également : opposer individualisme et intérêt général est une falsification.

C’est la divergence entre la Nation et ses représentants qui est conflictuelle. Désormais démocratie directe et démocratie représentative s’opposent.

Le juge suprême n’est plus le peuple français, c’est l’organisation supranationale. Pourquoi croyez-vous qu’il n’y a plus de référendums, ni de dissolution parlementaire en France depuis 2005 ? C’est une dépossession. Mais, faites demain un référendum sur la politique sanitaire en France et vous apaiserez toutes les passions, mieux que toutes les allocutions qui font désormais l’inverse.

Emmanuel Todd a rappelé récemment que nos nations s’étaient forgées dans l’acier et le sang de la guerre. Il n’y a pas de raison pour qu’elles ne meurent pas de la même manière.

Et si elles meurent, faute d’avoir été défendues, sans doute était-ce que nous n’en étions plus dignes… Ou serait-ce que nous prenons un plaisir masochiste à cette domination brutale et arbitraire.

Le choix est nôtre.

À votre bonne fortune,

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