France-Info et le relativisme historique au service de la cause et de la propagande ukrainienne

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Michel Rosenzweig, pour France-Soir
Publié le 06 mars 2023 - 17:00
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Capture d'écran par photographie, Google Map.
Plan de l'avenue Stepan Bandera, à Kiev.
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TRIBUNE - Le 2 mars 2023, France-Info publiait l’article “Guerre en Ukraine : quatre questions sur Stepan Bandera, figure historique présentée par la propagande russe comme le symbole de la ‘nazification’ du pays”. Ce texte, signé du journaliste Quang Pham, est en réalité surtout celui de Galina Ackerman.

En effet, cette essayiste et directrice de la rédaction de Desk Russie (un site d’actualités) reconnaît, dans un tweet, avoir “participé” à son écriture.  

Y voit-on pour autant plus clair ? Ou sommes-nous plutôt dans le registre de l’enfumage destiné à défendre à tout-prix la “cause ukrainienne” telle qu’elle est dessinée depuis le début du conflit avec la Russie par les médias occidentaux ? Ces derniers ne seraient-ils pas quelque peu gênés aux entournures par le passé nazi de l’Ukraine par la personne “controversée” de Stepan Bandera ? 

En lisant l’article signé Quang Pham, on retrouve très rapidement l’esprit pro-ukrainien, partisan, alimenté par la détestation viscérale du régime soviétique, de Galina Ackerman. Et cela est compréhensible : juive, russe émigrée (de son plein gré) en Israël en 1973, puis installée définitivement en France depuis 1984, elle a pu souffrir d’un changement de pays et de famille, à un moment de l’histoire particulièrement difficile en URSS. 

Quotidiennement présente sur les plateaux de télévision, notamment sur LCI (faudrait-il la renommer LCU ou La Chaîne Ukrainienne ?), Galina Ackerman agace désormais certains téléspectateurs de par sa pensée unique et partisane. LCI, qui ne manque jamais de défendre la cause ukrainienne, semble lui offrir une tribune permanente. Celle-ci lui permettrait-elle de prendre une sorte d’évidente revanche émotionnelle et affective sur le régime bolchévique de jadis ? 

La défense de la cause ukrainienne à tout-prix se retrouve dans l'article signé Quang Pham à propos du collaborateur ukronazi Stepan Bandera. Galina Ackerman préfère le décrire comme une “figure nationaliste controversée de l'histoire ukrainienne” dans son texte structuré en quatre points :  
 
1-Qui est Stepan Bandera ?  
2-Quelle a été sa responsabilité dans l'extermination du peuple juif en Ukraine ?  
3-Pourquoi certains Ukrainiens célèbrent-ils sa mémoire ? 
4-Le culte de Bandera est-il le signe d'une fascisation de l'Ukraine ?  

Les intentions de ce plan argumentatif sont profondément gênantes pour quiconque connaît bien l’histoire de l’Ukraine et en particulier la période 1941-1944. Mais il s’agit avant tout d’un texte particulièrement déplacé, honteux et blessant pour les familles juives ayant subi la Shoah, par balle, en Ukraine. 

Bien sûr, ce qui est écrit n'est pas faux, non. Juste un peu court, très court, trop court et surtout très sélectif. 

En fait, cet article ressemble à un devoir de bachelier politiquement très orienté, destiné à minimiser et à banaliser l'idéologie de Bandera et ses conséquences sur les massacres des Juifs ukrainiens et des Polonais durant cette période - un sujet qui n'est presque jamais abordé dans les médias officiels.  

Il sert aussi, surtout, à présenter la cause ukrainienne d'une façon plus acceptable auprès de ceux qui refusent d’accepter que l’Ukraine entre dans l’Union européenne sans avoir fait officiellement son examen de conscience sur ces questions. Diaboliser Poutine et les Russes, édulcorer Bandera jusqu’à le diluer, lui, ses adeptes et son idéologie dans un relativisme historique brumeux ("cette figure nationaliste controversée de l'histoire ukrainienne ") est la recette de Galina Ackerman afin de rallier les masses au combat des Ukrainiens.

"Bandera était bien antisémite", assure cependant Galina Ackerman. "Il a été influencé par la propagande allemande et le mythe du judéo-bolchévisme selon lequel les Juifs sont les suppôts du communisme". 

Très juste. Mais tellement court, là-encore. Elle aurait pu écrire ceci : ” L’Ukraine a été un des cœurs de la Shoah : environ 1,5 million de Juifs ukrainiens ont été exterminés par les nazis et leurs supplétifs locaux, la plupart étant des nationalistes de Galicie, antisémites violents, même s’ils considéraient que les ennemis principaux étaient les Russes et les Polonais. Selon leur organisation OUN, dirigée par Stepan Bandera, “ les Moscovites, les Polonais et les Juifs nous sont hostiles et doivent être exterminés dans cette lutte, en en particulier ceux qui résisteraient à notre régime “. Et l’éphémère chef OUN de l’État ukrainien de préciser : “Je soutiens donc la destruction des Juifs et la pertinence de l’apport des méthodes allemandes d’extermination des Juifs en Ukraine, plutôt que de tenter de les assimiler.” (Source: 
Ukraine: des vérités qui dérangent - Olivier Berruyer
)

Plus loin, au même deuxième point de l'argumentaire de Galina  : " En 1941, à la faveur de l'invasion de l'Ukraine par l'Allemagne, les membres de l'OUN organisent des pogroms. Dans la région de Lviv, 'la population a massacré des milliers de civils juifs, croyant que ces derniers étaient complices des exécutions de nationalistes ukrainiens commises par le NKVD [la police politique soviétique] avant le retrait des troupes russes. Ce sont les partisans de Bandera qui sont à l'œuvre dans ce massacre des Juifs', raconte Eric Aunoble."

Encore très juste. Mais plus exact encore sous cette forme :  

“Des milliers de nationalistes rejoignirent l’armée populaire UPA, qui se livra à d’effroyables massacres de dizaines de milliers de personnes, ou la Division SS Galicie." Dès le retour à l’indépendance en 1991, ces tentations nationalistes revirent le jour en Galicie. Cette même année, Oleg Tiagnybok créa dans la capitale de la Galicie, Lviv, le Parti national social d’Ukraine, avec l’emblème de la division SS Das Reich. 'L’intellectuel' du parti, spécialiste de la prise du pouvoir par les nazis et les fascistes, fonda un Centre de recherches politiques Joseph Goebbels. En 2004, pour plus de respectabilité, ils renommèrent le parti Svoboda – 'Liberté', tout un programme… Aujourd’hui encore ils vénèrent l’OUN-UPA et réalisent des clips à la gloire des Waffen SS  et vont même jusqu’à les ré-inhumer avec les honneurs militaires, habillés en SS, avec l’aide de l’Église et des autorités y compris le député local de Svoboda". (Source)

Ensuite on lit ceci, toujours et encore au deuxième point : 

"Mais à partir de son arrestation par les Allemands, mi-juillet 1941, on ne peut pas dire que Bandera soit personnellement responsable des massacres contre les Juifs durant la suite du conflit", précise-t-il. 

"Même s'ils n'ont pas agi en tant que nationalistes ukrainiens, les partisans de Bandera ont été massivement engagés dans les unités de la police auxiliaire, qui ont emmené les Juifs vers leurs lieux d'exécutions par les nazis", rappelle toutefois l’historien.  

Exact. Mais pourquoi diable est-il nécessaire de disculper Bandera au motif qu’il n’a pas assassiné lui-même un seul Juif ou un seul Polonais ? Est-ce un argument valable, recevable ? Quelle est cette étrange insistance à devoir écrire "on ne peut pas dire que Bandera soit personnellement responsable des massacres contre les Juifs durant la suite du conflit " lorsque tout l'accable et que des hommes et des femmes souffrent encore du funeste souvenir de ses actions ?  

On ne peut pas dire… C’est bien là que réside tout le malaise, l’impossibilité à désigner le mal. Pourquoi ?

Ce "on" impersonnel qui ne "peut" pas dire du mal d’un nationaliste nazi ukrainien ayant inspiré des milliers de ses compatriotes à tuer des centaines de milliers de juifs d’une balle dans la tête, je cite ce passage dans l’article : 

"Selon le Mémorial de la Shoah, de 1941 à 1944, près d'un million et demi de Juifs d'Ukraine ont été assassinés, "sous les balles des Einsatzgruppen [les unités mobiles d'extermination du Reich qui perpétraient des massacres dans les pays de l'Est], d'unités de la Waffen SS, de la police allemande", mais aussi "de collaborateurs locaux". 

L'UPA, branche armée de l'OUN de Bandera, se rend également coupable, à partir de 1942, de nombreux massacres. Cette fois-ci, c'est la minorité polonaise de la région de la Volhynie, au nord-ouest de l'Ukraine, qui est visée. "Environ 60 000 Polonais sont alors exécutés dans des conditions effroyables", relate Eric Aunoble . 

Alors pourquoi certains Ukrainiens célèbrent-ils encore sa mémoire se demandent les auteurs de l’article ? 

Réponse : 

"Il existe un phénomène de mémoire sélective à propos de Stepan Bandera. En Ukraine, le personnage est avant tout célébré comme un combattant pour la libération nationale", analyse Galina Ackerman. "Beaucoup d'Ukrainiens ne savent pas que ses troupes ont commis des crimes contre les Juifs et les Polonais, ni qu'il était fasciste", abonde Delphine Bechtel. "Comme le personnage est présenté avant tout comme anti-polonais et anti-russe, cela lui a donné l'aura d'un 'combattant pour la liberté'". 

Mémoire très sélective en effet et qui persiste jusqu’à aujourd’hui, mais aussi faillite de l’éducation privée et nationale. 

Plus loin encore :

"La commémoration de Stepan Bandera ne suffit pas à diagnostiquer une quelconque fascisation de la société ukrainienne, tranche l'historien Eric Aunoble. Aux élections, les scores de l'extrême droite sont faibles, de l'ordre de 2%", rappelle-t-il d'ailleurs. 

"L'antisémitisme est à un niveau très réduit en Ukraine, et cela été le cas durant ces 33 dernières années" et la chute du communisme, confirme le grand rabbin de Kiev, Yaakov Dov Bleich. "Le président Zelensky est d'obédience juive", rappelle également Galina Ackerman. "Chaque année, pour le Nouvel An, plusieurs milliers de Juifs se réunissent sans problème à Ouman", dans le centre de l'Ukraine, car le pays est "un lieu de pèlerinage du judaïsme hassidique". "Et bien entendu, il n'existe évidemment pas de lois raciales contre les Juifs en Ukraine". 

Si "beaucoup de Juifs sont effectivement mécontents" du culte autour de Bandera, concède Yaakov Dov Bleich, la mémoire de l'Holocauste est cependant préservée en Ukraine. "Avant la guerre, un programme visant à renommer les rues avec le nom des héros et de Justes ukrainiens qui ont sauvé des Juifs pendant l'Holocauste, avait été lancé par la communauté juive d'Ukraine. Ce fut un grand succès", assure le grand rabbin".

Mécontent ? Rien que ça ? Ils ne sont pas outrés ? Révoltés ? Horrifiés ?   

Étrange aussi cet argument en judéité pour excuser ou disculper Zelensky, d’ailleurs le même argument utilisé par le ministre russe des Affaires étrangères, Sergeï Lavrov pour affirmer que le gouvernement de Kiev est néonazi (ce que je ne pense pas), en évoquant un hypothétique sang juif d'Hitler. Le recyclage de cet argument pour justifier diverses causes politiques chez les uns et les autres est fascinant.  

Soyons historiquement et factuellement sérieux et rigoureux : invoquer la judéité du Président Zelensky et citer le grand rabbin de Kiev, Yaakov Dov Bleich n’est qu’un vulgaire tour de passe-passe destiné à minimiser et à banaliser une fois de plus ce dossier de Bandera et celui de l’antisémitisme ukrainien.

Et ce dernier ne remonte pas à 1941, comme le rappelait très justement Simone Weil lors d’un entretien avec le père Desbois à propos du documentaire consacré à son livre sur la Shoah par balle dont il subsiste au moins 700 fosses communes desquelles émergent encore aujourd’hui des os en plein air au milieu d’espaces publics, l’Ukraine étant un gigantesque cimetière juif où gisent les restes sous quelques centimètres de terre encore imbibés de ces meurtres de masse imprescriptibles.

Voir ici le débat, consultable dans les archives de l'INA.

Alors ?  

Bandera et compagnie, ce n’était pas trop grave, juste un nationaliste antisémite un peu nazi qui luttait contre les Russes pour l'indépendance de l'Ukraine. Avec quelques dégâts collatéraux commis par ses supplétifs, mais pas par lui-même... Ouf !

Et aujourd'hui ? Anecdotique voyons. Circulez, il n’y a rien à voir, d’ailleurs les mouvements et autres factions néonazies ne représentent que 2%, pensez-vous, totalement négligeable. 

Ah oui ? Vraiment ?

Sauf que ces 2% ont été utilisés et encouragés depuis 2014 pour renverser le Président démocratiquement élu, Ianoukovitch, au motif que ce dernier refusa de signer un accord de coopération avec l’Union européenne (UE).

Le mouvement EuroMaidan a démarré avec mille manifestants pacifiques à Kiev, le 21 novembre 2013, protestant contre le refus de Ianoukovitch de signer l’accord avec l’UE. Pourtant, un sondage montrait que 48% des Ukrainiens soutenaient la décision du Président de ne pas signer l’accord à ce stade, 35% la désapprouvant. (Source) 

Sans oublier que l'extrême-droite, bien qu'électoralement très minoritaire, encouragée et aidée par les États-Unis, s'est emparé des structures militaires et sécuritaires du nouvel État ukrainien, né de la (contre)-révolution de Maïdan. Maîtres de l'appareil d'État, les "bandéristes" ont préparé et conduit l'Ukraine à la guerre contre le Donbass et la Russie depuis 2014.

Au fond, selon la version de France-Info, Bandera ne serait qu'un détail de l'histoire. Comme le détail de Le Pen alors ? Ah non, pas pareil... Bref, il s'agirait d'une affaire de détails à géométries idéologique et politique variables. Deux poids, deux mesures ?

Et que faire alors, avec les nombreux espaces publics en Ukraine qui portent le nom de Bandera, encore aujourd’hui ? Pas de souci, un détail. Et pourquoi pas nommer alors une placette Albert Speer à Munich ? Il n’était qu’architecte, au fond. Et pourquoi pas une petite allée Rudolf Hess à Wuppertal ? Car il a bien essayé de faire la paix. Et puis d’ailleurs, selon Wikipédia: ‘’Hess est une personnalité majeure du Troisième Reich jusqu'en 1941, mais dont l'influence est restée limitée ‘’ Comme Bandera, il a changé en 1941. Enfin, paraît-il... Ou encore une avenue Darquier de Pellepoix ou une rue Paul Touvier ? Absurde. Révoltant. 

Galina Ackerman (qui est Docteur en Histoire) aurait dû avoir le courage de signer seule cet article. Il porte sa marque de fabrique, celle du relativisme historique au service de la cause ukrainienne et de sa revanche envers les soviets. Un relativisme qui flirte parfois avec le révisionnisme historique. En somme, un texte partisan et bâclé, pusillanime et édulcorant envers Bandera et son idéologie qui percole pourtant encore aujourd’hui en Ukraine. Que de contorsions sémantiques pour enterrer ce dossier.  

Ce sujet est bien trop grave pour ne lui avoir consacré qu’un résumé lacunaire et parfois lunaire qui ne tient qu’en 124 lignes et qui ne permet pas au lecteur de se faire une opinion étayée sur les faits passés et actuels parfaitement vérifiables. 

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