La mascarade du « sommet » pour la paix en Ukraine : un nouveau fiasco de Zelensky

Auteur(s)
Oleg Nesterenko pour France-Soir
Publié le 19 juin 2024 - 17:00
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suisse
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La présidente de la Confédération suisse, Viola Amherd
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TRIBUNE - Le « sommet pour la paix en Ukraine » qui s’est tenu, les 15 et 16 juin 2024, à Bürgenstock, en Suisse est terminé. Malgré les espoirs investis par Kiev dans l’événement, seul un écho déformé et inaudible des idées initialement formulées en dix points par le président ukrainien Volodymyr Zelensky, il y a des mois, a vu le jour. 

La représentativité de l’initiative 

Les invitations au « sommet pour la paix » ont été envoyées par son organisateur qui est la Suisse à plus de 160 pays, avec l’espoir de fédérer la « majorité mondiale » derrière les positions de Zelensky, afin de contrer la réussite grandissante de la Russie dans sa confrontation avec le bloc des pays de l’OTAN sur le territoire de l’Ukraine. 

Tout au long du processus de l’organisation de l’événement, des signes inquiétants l’ont accompagné en indiquant que la version finale qui aura lieu sera sensiblement éloignée de celle escomptée par Kiev. Les espoirs se sont heurtés à une réalité : près de la moitié des pays visés ont, tout simplement, ignoré l’invitation. Ils l’ont ignorée malgré l’insistance et la pression exercées par les pouvoirs occidentaux sur les invités.   

Finalement, seuls 92 pays, composés à 1/3 des membres du bloc de l’OTAN et à 1/3 des pays-satellites direct de l’OTAN, ont envoyé leurs représentants en Suisse. Cela étant, une partie non négligeable de pays n’était guère représentée par les chefs d’Etat ou de gouvernement, mais par ceux, dont les fonctions paraissent parfois presque anecdotiques, vu le cadre et le niveau espéré de la discussion. Notamment, au lieu de son premier ministre, l’Australie a envoyé au « sommet » de Bürgenstock son ministre du système d'assurance des personnes handicapées - une personne plus ou moins inconnue même en Australie. 

Il est à noter que selon les règles de la diplomatie, seules les réunions internationales de chefs d’Etat et/ou de gouvernement peuvent porter le dénominatif de sommet. Alors, en appliquant ce terme à l’événement qui a eu lieu en Suisse, prenons-le entre guillemets, afin de ne pas déformer la réalité.  

Le président colombien Gustavo Petro qui a initialement prévu d’être présent au « sommet » pour la paix sur l'Ukraine, et qui a, finalement, refusé de s’y rendre comme tant d’autres, a clairement formulé la position de tous les « absents » : la conférence, organisée pour discuter uniquement de l'initiative proposée par Kiev, ne permet aucune discussion libre qui pourrait mener à une conclusion qui ne serait pas celle prédéterminée avant même le début de l’évènement. « C'est le droit international qui doit être restauré et approfondi, et non la création de blocs pour faire la guerre », a conclu Petro en mettant bien en évidence les réels objectifs de la réunion en Suisse.  

L’absence de la Russie 

Dès l’annonce par Kiev de l’idée de l’organisation d’un sommet pour la paix - et ceci avec le refus catégorique de la présence de la Russie - il était déjà clair qu’il s’agirait principalement d’une réunion de plus du camp « atlantiste » accompagnée des pays-vassaux n'ayant aucun droit d’exprimer une position qui ne serait pas celle prescrite par les puissances étrangères qui les dominent.  

De même, de toute évidence et connu d’avance, toute réunion « pour la paix » sans la présence du protagoniste ne donnera strictement aucun résultat qui ferait approcher le jour de la cessation du conflit armé en Ukraine. 

Sans attendre la suite de la mise en scène, Moscou a qualifié cette initiative de Kiev de farce qui n’aura pas la moindre incidence sur les initiatives russes entreprises face au bloc de l’OTAN et de ses suppléants locaux sur le territoire ukrainien. 

La pratique connue dans l’histoire des conférences pour la paix dans le cadre des conflits armés est sans équivoque. Leurs tenues sans la présence d’un des participants-clé au conflit ne sont possibles qu’à une condition : que la partie absente est militairement anéantie, ou en train d’être anéantie, et se situe sous la bonne grâce des vainqueurs qui décident souverainement du destin du vaincu. 

La réalité du conflit en Ukraine se situe exactement à l’opposé des narratifs imaginaires propagés par les instigateurs du « sommet » suisse pour la paix : c’est bien la partie se situant en phase finale de la déroute et de l’anéantissement qui s’est permise d’occuper la place qui n’est pas la sienne - celle de la force dominante.  

Cela étant, les réels objectifs de Kiev dans l’organisation du « sommet pour la paix » n’ont jamais été autres que la condamnation par la majorité mondiale de la Fédération de Russie en tant que « pays-agresseur ». L’objectif lamentablement a échoué, une fois de plus.  

Constatant en temps réel le grand échec dans la démarche de Kiev et en faisant une tentative de l’atténuer, les hauts représentants du bloc « atlantiste » ont commencé à parler de la nécessité d’une nouvelle conférence pour la paix, cette fois-ci en présence des représentants de Moscou. Notamment, dans la soirée de la première journée de réunion, le 15 juin, la présidente suisse, Viola Amherd, a qualifié d'impensable l’intention de Kiev de négocier un accord de paix sans la participation de la Russie : « Nous comprenons bien qu'un processus de paix sans la Russie est impensable. Une solution à long terme doit inclure les deux parties ». 

La montagne a accouché d'une souris 

Pour le pouvoir ukrainien, le seul objectif qui valait réellement la peine d’organiser un « sommet sur la paix en Ukraine » était celui que Zelenski a exposé au début du processus de l’organisation de l’événement : faire réunir les chefs d’Etat et de gouvernement de la majeure partie des pays de la planète et leur faire signer à l’unanimité une déclaration qui serait une forte condamnation de l’initiative militaire russe et l’appel du monde à la Russie de quitter les territoires considérés comme ukrainiens depuis 1991.   

Sur les dix points que la partie ukrainienne a voulu traiter durant la réunion et inclure dans la résolution antirusse qui devait en résulter, seuls trois les plus neutres vis-à-vis de la Russie ont été acceptés et retenus en discussion par les participants. Kiev, épaulé par les pays de l’OTAN, a dû accepter cette grave régression dans ses espérances, faute de quoi un rejet de l’ensemble de l’initiative par de rares pays-participants réputés être indépendants de l’Occident a pu avoir lieu.   

Une fois le « sommet » terminé – le « Communiqué commun concernant le cadre de paix » a vu le jour. Malgré le grand sacrifice des 2/3 des principaux points du programme ukrainien, 12 pays sur les 92 pays présents en Suisse - l'Afrique du Sud, le Brésil, l'Inde, l'Indonésie, l'Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis, la Thaïlande, la Libye, le Mexique, l'Arménie, Bahreïn et le Vatican - ont refusé de le signer. 

En parlant des 80 pays-signataires, il est également nécessaire de relativiser la représentativité mondiale de ces Etats, dont le rôle principal de toute une partie sur le « sommet » était de « faire du nombre ». Sur l’ensemble des 80 pays en question, plus de ¼ ne sont que de très petits pays dont la totalité des populations est inférieure, par exemple, à 10% de la population d’un seul pays, tel que le Brésil. Les cinq plus petits pays-signataires du communiqué : Andorre, Liechtenstein, Monaco, Palau et Saint Marino totalisent globalement une population, dont le chiffre est inférieur à 1,5% de la population de la seule ville de Moscou.  

Ne voulant pas se ridiculiser, non seulement le président américain Joe Biden a refusé de participer au prétendu « sommet » pour la paix en Ukraine, mais même sa vice-présidente Kamala Harris, envoyée en Suisse pour y faire de la figuration, a pris ses dispositions pour le quitter seulement quelques heures après son début, en faisant comprendre que des affaires plus importantes l’attendaient à Washington.   

Le retour à la réalité 

Comment peut-on résumer les résultats de la réunion « sur la paix » qui s’est tenue à Bürgenstock ? Plusieurs formules me viennent à l’esprit. Mais, celle des opinions des habitants de la ville où elle s’est tenue, recueillies par la journaliste Aylin Erol du média suisse « Watson », parait le mieux résumer la réalité : « C’est des conneries ! » disent les uns ; « la Russie ne viendra pas. Qu'est-ce que tout cela apporte alors ? », disent les autres en rajoutant : « Rien, si ce n'est encore plus de touristes riches qui prendront d'assaut le Bürgenstock à l'avenir ».  

Le « sommet » qui a eu lieu n’a été qu’une tentative du bloc des pays en guerre contre la Russie de compenser leur déroute sur les champs de batailles militaires, politiques et économiques par une fédération supplémentaire des pays dominés qu’ils appellent « les pays du tiers monde ». Cette tentative a échoué.  

Il est tout à fait évident que tout sommet digne de ce nom en vue de l’organisation des pourparlers de paix en Ukraine ne peut se tenir qu’en la présence de la Fédération de Russie en tant qu’acteur majeur du processus. De même, seule la stricte réalité reflétée par la situation sur le terrain de la confrontation, et non pas les souhaits basés sur des fantaisies des uns ou des autres, représente une base solide de la négociation à entreprendre. Toute autre forme d’initiative qui exclue les deux éléments-clés énumérés sera déclarée « nulle et non avenue ». 

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