Michel Debré et la proportionnelle
S'il est un homme d'Etat qui a, plus que quiconque, combattu la représentation proportionnelle, ce mode de votation qui traduisait à ses yeux une "méconnaissance profonde des ressorts de la démocratie", c'est bien Michel Debré, l'un des pères fondateurs de la Constitution du 4 octobre 1958, à qui je suis heureux de rendre hommage avec ce texte.
Dans ses Mémoires, publiés en 1988, l'ancien Premier ministre du général de Gaulle le prophétisait : "Les états-majors des partis (...) seront un jour tentés par un retour à la proportionnelle, arme privilégiée du régime des partis". Nous y sommes aujourd'hui. Et nous y sommes déjà depuis plusieurs années. Dans une conférence de presse -il ne semble, du reste, pas trop goûter l'exercice ! - M. Macron avait formellement indiqué, le 25 avril 2019, son intention de régler sa dette de 2017 envers M. Bayrou en intégrant une dose de proportionnelle, "autour de 20 %", dans le mode d'élection des députés.
Avec la représentation proportionnelle, soulignait Michel Debré, "le gouvernement n'est plus l'expression d'une majorité dégagée par le corps électoral. Il devient le résultat d'une combinaison entre plusieurs minorités". Quelques jours seulement après la déclaration du président de la République, la véracité de la thèse de Michel Debré était démontrée sur le site Internet d'un grand quotidien du matin, publiant des simulations effectuées à partir des résultats du scrutin législatif de 2017.
Il en ressortait que dans une Assemblée nationale de 380 députés (pour mémoire : M. Macron avait également annoncé une réduction du nombre de parlementaires), avec 20 % seulement de système proportionnel, et par conséquent 80 % de système majoritaire, le parti du chef de l'Etat ne serait pas, à lui seul, majoritaire. Le concours du Modem étant indispensable à la constitution d'une majorité parlementaire, M. Bayrou disposerait ainsi d'un groupe charnière au Palais Bourbon. Après avoir été faiseur de roi, il deviendrait maître du jeu.
Le journal publiait une autre simulation avec la représentation proportionnelle intégrale appliquée à l'élection des députés. Ses résultats étaient plus éloquents encore : une majorité introuvable, et donc le retour assuré aux "jeux, poisons et délices" de la IVème République, de ses 13 présidents du Conseil (aujourd'hui Premiers ministres) et ...23 gouvernements en douze ans ! Etrangement, cette étude n'avait pas été reprise dans la version papier du journal. Il est vrai que sa ligne éditoriale n'est pas spécialement hostile, bien au contraire même, à l'idée du président de la République.
La preuve en a encore été apportée la semaine dernière, avec plusieurs pages de textes, de commentaires et une interview de M. Bayrou (1). Michel Debré avait raison : "La représentation proportionnelle est une mystique". Sur ce sujet capital pour l'avenir de la République, la tergiversation n'est pas permise. Il faut être clair. Un mode de scrutin n'a pas pour objet de donner une photographie de l'opinion à un moment donné ; c'est le rôle des sondages. Un mode de scrutin doit permettre de dégager une majorité parlementaire cohérente, ayant pour vocation de soutenir de ses votes le gouvernement nommé par le chef de l'Etat.
Evidemment, cela ne fait le bonheur, ni des politiciens en mal de combinaisons, ni des chroniqueurs patentés. Mais les gouvernants n'ont plus, comme autrefois, l'excuse de l'infirmité des institutions. A eux de gouverner, et de bien gouverner le pays.
(1) De l'auteur, et sur France Soir : "Bayrou : la République en marche arrière"
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