Grande grève de 1948 : quand l'armée française était appelée pour briser les mineurs (VIDEO)

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Maxime Macé
Publié le 28 septembre 2016 - 13:24
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Armée française occupation corons grève mineurs 1948
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©Pigiste/AFP
L'armée française déployée dans les bassins houillers pour remettre les mineurs au travail par la force.
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La grande grève des mineurs de l'année 1948, conflit perdu par la classe ouvrière, a brisé la vie de milliers d'entre eux. Face à la menace d'une "contagion communiste" brandie par le gouvernement de l'époque, l'armée française a été déployée dans les bassins houillers pour remettre les mineurs au travail par la force.

Cinq morts, l'armée française occupant les corons et les mines, une violence sourde des forces de l'ordre, des milliers de licenciements abusifs, des peines de prison ferme et un mouvement ouvrier brisé de toutes velléités de grèves jusqu'en 1963, voilà le triste bilan de la grande grève des mineurs de 1948. Ce mercredi 28, François Hollande reçoit à l'Elysée des mineurs et leurs familles pour rétablir quatre d'entre eux dans leurs grades militaires perdus pour leur implication dans ce mouvement social. Un dernier pas après la reconnaissance officielle de l'injustice faite aux grévistes de 1948, par la voix de Christiane Taubira à Grenay en novembre 2014 et les réparations financières versées en 2015.

Pendant 56 jours, du 4 octobre au 29 novembre, les mineurs des bassins houillers du nord de la France, mais aussi du Forez et de Lorraine, vont se mettre en grève pour dénoncer leurs conditions de travail difficiles, les accidents mortels à répétitions, la mise à pieds systématique des absentéistes, la baisse des salaires et la fermeture des puits. Le gouvernement, présidé par le radical Henri Queuille, va réagir avec beaucoup de fermeté, notamment par le biais de son ministre de l'Intérieur, Jules Moch (SFIO), allant jusqu'à envoyer l'armée pour briser le mouvement des "Gueules noires".

Le contexte historique du début de la Guerre froide joue beaucoup dans la violence de la répression. En effet, la CGT et la Fédération national du sous-sol (FNSS) sont à la pointe du mouvement de grève, et leurs accointances avec le Parti communiste français, déjà opposé au Plan Marshall en 1947, font crainte au gouvernement et à l'opinion de droite que l'URSS soit derrière cette interruption du travail. La crainte de la "contagion communiste" va particulièrement influencer l'ampleur de la réponse qui va s'abattre sur les mineurs grévistes.

Dès le 11 octobre 1948, le gouvernement rappelle 60.000 réservistes de l'armée française sous les drapeaux. Ces derniers, accompagnés des Compagnies républicaines de sécurité (crées en 1944) dont c'est le "baptême du feu", vont monter à l'assaut des piquets de grèves tenus par les mineurs pour leur faire reprendre le travail, de gré ou de force. Et c'est surtout cette dernière solution qui va être adoptée.

Vingt ans avant que les chars du Pacte de Varsovie ne répriment dans le sang le Printemps de Prague, les blindés et chenillettes français vont occuper les corons du Nord de la France et les quartiers populaires des mineurs de Lorraine, quadrillés par les soldats en armes. Ils sont plus de 25.000 dans le Nord-Pas-de-Calais à effectuer cette "opération de maintien de l'ordre".

L'image est saisissante à l'époque tant les mineurs ont une place spéciale dans l'opinion française. Ces derniers n'ayant pas hésité à se mettre en grève en 1941, après la défaite, pour tenter de briser l'effort de guerre allemand, avant de s'engager en masse dans les rangs de la Résistance (notamment dans les Francs-tireurs et partisans, les FTP).

Les mineurs ripostent en occupant les fosses et en montant des barricades devant les puits, qu'ils occupent jours et nuits avec femmes et enfants. Les affrontements sont quotidiens avec les forces de l'ordre, pierres et boulons ripostent aux grenades, lacrymogènes et tirs à balles réelles. Des dizaines de grévistes sont blessés, cinq perdent la vie. L'expression CRS=SS naît à cette époque tant la violence de la répression de 48 rappelle celle des SS et de la Gestapo lors de la grève de 41.

Malgré le soutien du mouvement ouvrier français et international et les quelques trois cent millions de francs récoltés pour les soutenir, les mineurs, poussés par la faim et accablés par la violence des représentants de l'Etat, reprennent le chemin des puits. Dès la mi-novembre, le nombre de grévistes diminue jour après jour et les longues files d'ouvriers, escortés par les gardes mobiles et l'armée, retournent dans les fosses. Le 29 novembre, acculé et la mort dans l'âme, le Comité nationale de la grève, dominé par la CGT, appelle à la reprise du travail.

Dans les semaines suivant la fin de la grève, près de 3.000 mineurs sont condamnés à des peines allant de l'amende à la prison ferme. Quelque 6.000 sont licenciés, dont des délégués syndicaux. De surcroît, les Comités d'entreprise sont supprimés dans les houillères et les mineurs perdent tous les avantages liés à leur emploi: de la protection sociale au droit au logement.

(Voir ci-dessous une vidéo d'archive d'une intervention de l'armée à Valenciennes en octobre 1948):

 

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