Lafarge en Syrie : l'ONG Sherpa demande l'audition de Laurent Fabius
L'ONG Sherpa a demandé l'audition par la justice de l'ex-ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius dans l'enquête sur le cimentier Lafarge, mis en cause pour avoir indirectement financé notamment l'organisation jihadiste Etat islamique (EI) en Syrie, a-t-on appris vendredi auprès d'une de ses responsables.
L'association anticorruption, qui avait déposé plainte avec onze anciens employés syriens de la cimenterie, a demandé mercredi que l'actuel président du Conseil constitutionnel Laurent Fabius, l'ancien ambassadeur de France en Syrie Eric Chevallier et l'actuel diplomate en charge du dossier syrien au Quai d'Orsay, Franck Gellet, soient entendus par les juges d'instruction, a indiqué à l'AFP Marie-Laure Guislain, responsable du contentieux au sein de l'ONG, confirmant une information de franceinfo.
Lafarge, qui a fusionné avec le Suisse Holcim en 2015, est au cœur d'une enquête sur les liens qu'il a pu entretenir avec des groupes armés en Syrie, notamment l'EI, pour continuer à faire fonctionner sa cimenterie de Jalabiya (nord de la Syrie) en 2013 et 2014, malgré le conflit. En septembre 2014, l'EI s'était finalement emparé du site.
Entendus par les douanes judiciaires chargés de l'enquête, menée depuis juin par trois juges d'instruction, d'anciens responsables du cimentier ont affirmé que cette volonté de rester coûte que coûte dans le pays en guerre avait reçu l'aval des autorités françaises.
"Le Quai d'Orsay dit qu'il faut tenir, que ça va se régler. (...) On allait voir, tous les six mois, l'ambassadeur de France pour la Syrie et personne ne nous a dit: +Maintenant il faut que vous partiez+", a ainsi relaté Christian Herrault, ex-directeur général adjoint opérationnel, d'après une source proche du dossier.
"L'enquête judiciaire en cours permettra de faire toute la lumière sur ces allégations", a réagi une porte-parole du Quai d'Orsay.
Le rapport des douanes est accablant pour les anciens responsables du cimentier en France: les enquêteurs estiment qu'ils ont "validé" des remises de fonds à des organisations jihadistes, "en produisant de fausses pièces comptables".
Selon un ancien responsable du groupe, la branche syrienne de Lafarge, Lafarge Cement Syria (LCS), aurait notamment versé "de l'ordre de 20.000 dollars" par mois à l'organisation d'Abou Bakr al-Baghdadi pour que cette dernière laisse circuler les camions du cimentier.
Le service national des douanes judiciaires soupçonne aussi LCS de s'être, sous couvert de faux contrats de consultants, approvisionné en pétrole auprès de l'EI qui contrôlait, à partir de juin 2013, la majorité des réserves stratégiques.
A ce jour, quatre anciens employés syriens ont été entendus par les magistrats instructeurs.
Jeudi, l'un d'entre eux a confirmé devant le juge "les pressions qu'il avait subies avec ses collègues pour les obliger à continuer à travailler", d'après la source proche du dossier.
"Nous avons déposé plainte avec onze salariés syriens. Mais il est pour l'instant difficile de faire venir les autres pour des questions financières et de visas", a déploré Marie-Laure Guislain.
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