Le Média : Chikirou patronne "néolibérale" accusée d'abus de biens sociaux

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Pierre Plottu
Publié le 22 août 2018 - 18:07
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Sophia Chikirou, proche de Jean-Luc Mélenchon (FI)
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© GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP/Archives
Sophia Chikirou se disait directrice bénévole du Média, mais a facturé 130.000 euros ses prestations de conseil au site via sa société Mediascop.
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Sophia Chikirou est sous le feu des critiques pour son management au Média, le site d'info proche de la France insoumise, mais aussi pour s'être grassement rétribuée -via sa société de conseil- pour son rôle dans le site alors qu'elle clamait être bénévole. Au point que celle qui prépare la campagne des élections européennes pour la France insoumise à la demande de Jean-Luc Mélenchon est désormais menacée d'une plainte pour abus de biens sociaux.

C'est le feuilleton politico-médiatique de l'été: la guerre intestine qui ravage Le Média, site d'actualité et webtélé proche des Insoumis de Jean-Luc Mélenchon. Dernier épisode en date Gérard Miller et Henri Poulain, cofondateurs du site, accusent Sophia Chikirou, leur coreligionnaire qui a quitté le navire cet été pour préparer la campagne pour les élections européennes de la France insoumise, d'abus de biens sociaux et menacent de porter l'affaire en justice.

D'où cette question légitime: gravement mise en cause par des figures de son propre camp, Sophia Chikirou, celle qui "murmure à l'oreille de Mélenchon", pourra-t-elle prendre une part aussi active à la campagne européenne qu'à celle de la présidentielle?

Lire- Le Média: Chikirou propose une "médiation", Miller maintient ses accusations dans une lettre ouverte

Retour sur les faits. La crise au Média a commencé dès la naissance du site. Lancé le 22 janvier dernier, celui-ci connaît ses premiers remous dès février avec le débarquement manu militari de sa rédactrice en chef Aude Rossigneux, suivie par plusieurs autres journalistes et contributeurs prestigieux comme Noël Mamère qui compare la direction du Média à un "comité de Soviets". En filigrane, déjà, le caractère de la présidente et directrice de la publication, Sophia Chikirou, est pointé du doigt par plusieurs des démissionnaires qui se succèdent jusqu'en mars.

Dans une lettre à l'équipe dirigeante ayant fuité, Aude Rossigneux dénonçait même des méthodes "pas exactement conforme(s) à l’idée que chacun se fait d’un «management» de gauche" et pourrait faire "un sujet pour Le Média si elle(s) étai(ent) le fait d’un Bolloré". Un autre ex-journaliste du site affirme sous couvert d'anonymat à L'Express que Sophia Chikirou leur répétait à l'envi qu'elle s'investissait bénévolement, puis d'ajouter: "c'est d'ailleurs sur cette affirmation que reposait en grande partie son management. Elle disait qu'elle donnait tout, gratuitement, et qu'il fallait qu'on en fasse autant".

En parallèle, les audiences déclinent et le JT peine à dépasser les quelque milliers d'auditeurs quotidiens après un départ plutôt bon avec 87.000 spectateurs pour la première édition. Un échec éditorial.

Est-ce pour cela ou les tensions liées à ses méthodes que Sophia Chikirou décide de prendre le large dès le début de l'été, à peine six mois avant le début de "l'aventure"? Officiellement, l'intéressée a dit avoir "accepté la proposition de Jean-Luc Mélenchon et de Manuel Bompard de prendre en charge une mission de contact permanent avec les équipes de communication de Podemos (extrême gauche espagnole, NDLR)  pour la  campagne européenne" de 2019. Précisant au passage "reprendre son activité de consultante" dès septembre et mettre fin à ses responsabilités au Média pour "garantir son indépendance".

Voir: Sophia Chikirou quitte Le Média pour rejoindre Jean-Luc Mélenchon

Sauf qu'entre-temps la tension a repris de plus belle au Média, et est même montée d'un cran. Après les échanges de noms d'oiseaux sur Twitter entre les différents protagonistes, la société de production Le Média (et non directement Poulain et Miller comme annoncé par erreur dans un premier temps) intime désormais à Sophia Chikirou de rembourser un paiement qu'elle a effectué juste avant son départ au profit de Mediascop... qui n'est autre que sa société personnelle.

La presse a ainsi révélé ces derniers jours que Mediascop a facturé au Média des prestations de "direction conseil et stratégie". Autrement dit, Sophia Chikirou l'entrepreneuse a facturé à Chikirou Sophia la directrice du site d'info "bénévole" 130.000 euros pour six mois de si précieux conseils que les audiences ont été divisées par près de 10. Le tout divisé en deux factures, l'une de 64.119,61 euros réglée par chèque et la seconde de 67.146 euros par virement (bloqué par la banque), dont les règlements ont été émis par Sophia Chikirou à la toute fin juillet, juste avant son départ...

Difficile à ce stade de démêler le vrai du faux, tant les deux camps s'accusent de tous les maux. Chikirou assure que ces paiements étaient connus de tous et dénonce une "manœuvre grossière" de la part de Miller et Poulain, qui en retour lui reprochent "une manière d’être au quotidien presque néolibérale, presque macroniste". Mais surtout, rien de politique dans cette crise jurent-ils: le problème est financier et lié à la personnalité de Chikirou, point.

Et si Poulain et Miller ont eux aussi facturé des services au Média, c'est pour des montants respectivement deux fois et vingt fois moins élevés (61.902 euros et 6.900 euros, selon Arrêt sur images). Enfin, dans un communiqué commun daté de ce mercredi 22, les deux hommes réaffirment qu'ils n'ont, premièrement, jamais validé les factures et, ensuite, qu'ils ignoraient que Chikirou avait confié une mission de conseil à Mediascop.

S'il relève de la justice de décider si la méthode est condamnable -à condition qu'une plainte soit bien déposée-, il n'empêche que la polémique fait tache sur le CV de Chikirou. Désormais affublée par ses détracteurs des oripeaux du néolibéralisme, dépeinte en manager sans scrupule et comme très attachée à ses émoluments (même en tant que bénévole...), le bras droit de Mélenchon pourra-t-elle porter efficacement le message des Insoumis pour la campagne des élections européennes? C'est à Jean-Luc Mélenchon d'en décider. Mais, après avoir fait entendre sa voix en début d'année pour défendre Sophia Chikirou (par exemple après les attaques de Noël Mamère), le leader de la France insoumise est désormais aux abonnés absents sur le sujet. Pourtant, si sa numéro 2 était poursuivie pour une affaire de ce type tel un François Fillon pendant la dernière présidentielle, les conséquences pourraient être désastreuses.

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