“Le RN nous donne le baiser de la mort” : le camp d’Emmanuel Macron en proie à l'inquiétude
À l'issue d'âpres débats, les députés ont adopté mardi par 327 voix contre 119 la poursuite de la "prime Macron", prime défiscalisée et désocialisée, au deuxième jour de l'examen du projet de loi sur le pouvoir d'achat. En votant le premier article de ce texte phare, l’attitude de Marine le Pen et de ses députés dans l’Hémicycle suscite à la fois surprise et méfiance de la part de la majorité présidentielle : « La vérité, c'est qu'en votant nos textes le RN nous donne le baiser de la mort », confie au Figaro un cadre de la majorité présidentielle.
Avec ce nouveau texte, les employeurs pourront verser jusqu'au 31 décembre 2023 une prime exceptionnelle d'un montant maximal de 3 000 euros (ou 6 000 euros en cas d'accord d'intéressement), exonérée d'impôt sur le revenu et de cotisations et contributions sociales, pour les salariés dont le revenu équivaut à moins de trois fois la valeur du Smic. Il s'agit du prolongement de la "prime Macron", instaurée en 2019 lors de la crise des gilets jaunes, mais avec un triplement du plafond de cette prime.
La Nupes juge que « les primes viennent se substituer aux salaires » et qu'elles dépendent « du bon vouloir du patron » - ce à quoi la majorité a répondu que cette vision de l'entreprise était « d'un autre temps ». Mais au-delà du gouvernement et de la majorité, les insoumis se sont attaqués aux députés RN qui cherchaient à amender ou élargir la prime, et non à s'y opposer. « Il y a une bataille à mener, pour l'augmentation des salaires » et le RN se comporte en « bon allié de la macronie », a asséné notamment Adrien Quatennens.
"Votre présidente Madame Le Pen, assise juste derrière vous - pour une fois qu'on la voit dans l'hémicycle -, a passé la campagne présidentielle (...) à expliquer qu'elle s'opposait à la hausse des salaires", répond @AQuatennens à @JphTanguy. #PJLPouvoirdachat #DirectAN pic.twitter.com/2m2tc5TS0K
— LCP (@LCP) July 18, 2022
La posture critique mais constructive du RN inquiète le camp Macron
Lors de son intervention, lundi, au démarrage de l’examen du projet de loi sur le pouvoir d’achat, Marine Le Pen a suscité la surprise en annonçant d’emblée que les députés du Rassemblement national « voteront l’essentiel des mesures » proposées par le gouvernement dans ce texte : « Nous avons entendu le message des Français, ils ne veulent pas d’obstruction mais du travail constructif », a-t-elle déclaré. Une attitude critique vis-à-vis de la majorité qui se veut ouverte et constructive.
📹 Les primes ne sont pas idéales, mais pour des millions de Français, c'est quand même une augmentation de leur pouvoir d'achat. Je dis aux députés LFI : pensez à l'intérêt des salariés et des Français, ne soyez pas sectaires comme ce gouvernement. #PJLPouvoirDAchat #DirectAN pic.twitter.com/DQTb3eVHgg
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) July 18, 2022
Pure stratégie ? « Il ne s’agit pas de stratégie », assure Laurent Jacobelli, député RN de Moselle : « Les Français en ont marre des bisbilles entre partis et des effets de manches. Dès qu’une bonne idée sera proposée, nous la voterons ». Aussi, dans la nuit de lundi à mardi, les élus RN n’ont pas hésité, par exemple, à voter un amendement défendu par le député France insoumise François Ruffin. « Cela nous semble un amendement de bon sens », explique le député RN Jean-Philippe Tanguy.
« Notre état d’esprit est simple : nous voulons servir l’intérêt général. Sommes-nous utiles aux Français en bloquant ? Nous ne serons pas dans le sectarisme bête et méchant », affirme Julien Odoul, parlementaire de l’Yonne et porte-parole du RN. Pour lui, si le projet de loi sur le pouvoir d’achat est « largement insuffisant », il n’est pas justifié de s’y opposer, puisqu’il « apporte une aide substantielle aux Français ».
Au sein de la majorité, qui s’attendait à une opposition bien plus systématique, on rationalise : « Il faut bien faire avec les oppositions que les Français nous ont données. Les élus du RN sont libres de leur vote », se défend la députée Renaissance Anne-Laurence Petel.
Des mots qui ont de quoi surprendre. La semaine dernière, lorsque le RN s’alliait à la Nupes dans le cadre d’un votre commun contre l’article 2 du projet de loi sanitaire, réhabilité au Sénat par son rapporteur Philippe Bas, les députés de la majorité dénonçaient alors la « collusion affichée des extrêmes » dans l’Hémicycle.
Collusion affichée des extrêmes, chacun applaudissant l’autre... #PJLCovid #DirectAN
— Maud BREGEON (@MaudBregeon) July 12, 2022
pic.twitter.com/g9gKBoFTKT
« La vérité, c’est qu’en votant nos textes, le RN nous donne le baiser de la mort », rapporte au Figaro un cadre de la majorité, qui fait part de sa défiance vis-à-vis de « l’intelligence stratégique » du parti à la flamme. « Beaucoup de LR, qui devraient pourtant être nos partenaires logiques, sont plus durs que les députés RN. Dans nos rangs, certains pensent même que le Rassemblement national est en train de devenir le nouveau RPR », confie le macroniste, qui ne cache pas son désarroi et appelle au sursaut : « La vérité, c’est que pendant qu’on empile les mesures, le RN raconte une histoire. On a perdu tous nos repères, il faut réagir ».
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