Après l’évacuation violente, lundi, des militants et migrants qui occupaient la place de la République (pour laquelle l’IGPN a été saisie et une enquête judiciaire ouverte), d’autres images choquent la France depuis jeudi après-midi.
Il s’agit bien sûr de celles de Michel, producteur de musique parisien, passé à tabac par trois policiers sous l'oeil d'une caméra de vidéosurveillance.
« L’affaire Michel » ainsi dénommée suscite un émoi légitime, jusqu’au plus haut sommet de l’Etat, Emmanuel Macron ayant été, selon son entourage, « plus que choqué », et jusqu’aux stars du foot français.
Mais au même titre que les événements de place de la République, elle donne également du grain à moudre aux opposants à la loi pour la sécurité globale, qui rejettent en particulier l’Article 24 – celui qui vise à interdire la diffusion d’images de policiers et de gendarmes dans des conditions encore floues.
Et ce à la veille de
Marches pour les libertés organisées dans toute la France par la coordination StopLoiSécuritéGlobale, qui rassemble une soixantaine d’organisations. Avec des dizaines de rassemblements prévus et au vu des milliers de manifestants présents jeudi soir à Toulouse, on imagine aisément que la mobilisation sera d’ampleur samedi.
Bras de fer à Paris
La manifestation parisienne entre République et Bastille fait l’objet d’un arrêté interdiction pris par le préfet de police Didier Lallement. Sous couvert de « préconisations de l’ARS, indiquant que les cortèges peuvent provoquer des brassages de population peu compatibles avec les règles de distanciation », la préfecture autorise simplement un rassemblement sur la place de la République.
La réponse de la coordination organisatrice a été immédiate hier, l’arrêté ne sera pas respecté :
« Vous avez décidé d’interdire la liberté. Nous avons décidé de la faire (ndlr : la Marche des libertés). Nous irons et nous marcherons pour défendre cette liberté (…) Nous savons les risques que nous prenons. Nous avons déjà vu comment les vies de tant de femmes et d’hommes qui tentaient d’exprimer cette liberté ont été mutilées et détruite »
Outre une mise en cause directe du préfet de police, la lettre publiée jeudi rompt le dialogue avec l’exécutif, déclinant l’invitation du premier ministre – après une rencontre avortée avec le ministre de l’Intérieur.
Gérald Darmanin au feu, les députés furieux
Gérald Darmanin, justement, voilà celui qui est au cœur de la tempête. Invité en urgence sur le plateau du 20 heures de France 2 jeudi, le ministre a tenté de se montrer ferme sur les violences policières, la présentatrice, elle, lui a demandé s’il avait pensé démissionner…
Au milieu du vacarme, Jean Castex tente de reprendre la main. Après avoir annoncé mardi à l’Assemblée qu’il saisirait le Conseil constitutionnel sur la proposition de loi, le premier ministre parle désormais d’une « commission indépendante » qui sera chargée de réécrire l’article 24 – et de rendre sa copie avant fin décembre.
L’initiative était sensée calmer les esprits, elle a déclenché la colère, mais cette fois des députés qui ont voté la proposition de loi dans son intégralité, et donc son article 24, mardi. Et d’abord de ceux… de la majorité. Les parlementaires LREM n'en reviennent pas, ce vendredi.
Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois :
« L’insulte faite au parlement et à la majorité est dévastatrice »
Aurore Bergé, députée des Yvelines :
« Nous ne sommes pas des paillassons sur lesquels on s’essuie »
Etc, etc. La rencontre prévue mardi entre les parlementaires LREM et le ministre de l’Intérieur s’annonce houleuse. Mais d’ici là, beaucoup de choses peuvent encore évoluer.