Présidentielle 2017, la dernière élection avant la fin de la Ve République ?
La campagne présidentielle est un moment de débat sur nos institutions. La Vème République fêtera son 59e anniversaire le 4 octobre prochain. Elle a donc bien atteint l’âge de la maturité, elle a su évoluer, se modifier, étendre des droits nouveaux, surmonter des crises politiques et sociales.
La IVème République n’a duré que 12 ans et s’est fracassée sur la crise algérienne en 1958. Longtemps on a cru que la Vème République gaullienne ne survivrait pas à l’alternance de 1981 avec l’élection présidentielle de François Mitterrand, qui était l’un des pourfendeurs constants des institutions de 1958, et s’en est parfaitement accommodé une fois élu.
La Constitution n’est pas un texte sacré et immuable. Elle a fait l'objet en 59 ans de plusieurs révisions concernant par exemple l'élection du président de la République au suffrage universel direct (1962), l'établissement de l'Union économique et monétaire, l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives, la reconnaissance de la juridiction de la Cour pénale internationale (1999), la réduction du mandat présidentiel (2000).
Son huitième président, qui sera élu en mai prochain, pourrait être le dernier de la Vème République. En effet, Jean-Luc Mélenchon est le plus offensif sur la thématique institutionnelle puisqu’il entend passer à la VIème République, qui deviendrait une République "monocamériste" c’est à dire avec une seule assemblée, le Sénat étant supprimé.
A cet effet, il propose de réunir une assemblée constituante, comme en 1946 avec la IVème République, pour écrire une nouvelle Constitution. Elle serait ensuite proposée lors d’un référendum, comme en 1958, avec une particularité: il sera interdit aux parlementaires des assemblées de la Vème République de siéger dans l’assemblée constituante, disposition qui fait écho aux assemblées de la période révolutionnaire. En 1791 les députés qui furent élus à l’assemblée législative ne pouvaient pas avoir siégé à l’assemblée constituante de 1789.
Si l’on se fie aux programmes des autres principaux candidats, élus président Marine Le Pen et Benoît Hamon engageraient une révision de la Constitution. Seul Benoît Hamon propose de revenir au septennat, qui serait non renouvelable, il faudra donc réviser l’article 6 qui fixe le mandat du président à 5 ans.
Il souhaite également reconnaître le droit de vote des étrangers qui nécessiterait de modifier l’article 3 sur la citoyenneté qui dispose que "sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques".
Pour sa part Marine Le Pen propose d’inscrire dans la Constitution un principe de "priorité nationale", au lieu du principe constitutionnel d’égalité, rappelé par le Conseil constitutionnel dans une décision du 22 janvier 1990. Il avait, au nom de ce principe, censuré une loi qui introduisait une différence de traitement entre des Français et certaines catégories d’étrangers résidant régulièrement en France.
L’attribution d’une valeur constitutionnelle à ce principe de priorité nationale permettrait d’introduire des discriminations entre Français et étrangers en situation régulière.
Pour leur part Emmanuel Macron et François Fillon comme Marine Le Pen proposent à l’unisson une réduction du nombre de parlementaires. Soit 400 députés et 200 sénateurs pour Fillon, une réduction d’un tiers pour Macron, 300 députés et 200 sénateurs pour Marine Le Pen.
La réduction du nombre de parlementaires, à la différence de leur augmentation, ne nécessitera pas de révision de la Constitution car son article 24 ne fixe pas le nombre de députés et sénateurs, mais seulement le maximum possible.
Le texte constitutionnel indique que "les députés à l'Assemblée nationale, dont le nombre ne peut excéder cinq cent soixante-dix-sept, sont élus au suffrage direct", et l’article 25 que c’est une loi organique qui fixe le nombre des membres des deux assemblées. Le processus pour réduire le nombre de parlementaires sera donc beaucoup plus souple qu’une révision de la Constitution. Sauf à vouloir tout de même organiser un référendum pour solenniser cette mesure.
Le nouveau président, auréolé de l'onction du suffrage universel, pourra être à l’initiative de la révision constitutionnelle conformément à l’article 89 de la Constitution. Le texte de la révision devra être voté en termes identiques par l’Assemblée nationale et par le Sénat ce qui peut être politiquement compliqué. Pour devenir définitive, la révision devra ensuite être approuvée soit par référendum soit par la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés des deux chambres du Parlement réunies en Congrès à Versailles.
Pour vaincre la réticence ou l’opposition des assemblées, le général de Gaulle s'était affranchi de ces dispositions et avait fait à deux reprises application des dispositions de l’article 11 de la Constitution qui permettent au président de la République de soumettre à référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics: en 1962, pour introduire dans la Constitution l’élection du chef de l’État au suffrage universel direct, et en 1969, cette fois sans succès, pour la réforme du Sénat et la régionalisation. Ce choix de l’article 11 et non de l’article 89 par le général de Gaulle donna lieu à de nombreuses controverses quant à sa conformité à la Constitution.
L'année 2017 serait-elle celle de tous les dangers pour la Vème République? Non, sauf si Jean-Luc Mélenchon accédait à l’Elysée, la Vème République devrait, une nouvelle fois, traverser cette 10e élection au suffrage universel sans trop subir de modifications substantielles au cours des cinq prochaines années. Texte propre au génie français, fruit de notre longue histoire politique et de notre culture, la Constitution de la Vème République dont l’élection du président est un quasi-sacre républicain, ne dément pas l’affirmation du philosophe Joseph De Maistre selon lequel "Une constitution qui est faite pour toutes les nations n'est faite pour aucune".
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