Afghanistan : la France évacue, Macron avertit les talibans
La France a lancé lundi l'opération d'évacuation de ses derniers ressortissants d'Afghanistan, alors qu'Emmanuel Macron a prévenu les talibans qu'ils feraient "le choix d'une misère sans fin" s'ils optaient pour "l'obscurantisme", notamment envers les Afghanes.
Depuis le fort de Brégançon, à Bormes-les-Mimosas (Var), où il est en vacances, le chef de l'Etat a affirmé lors d'une allocution télévisée que la priorité de Paris était d'évacuer les Français encore présents en Afghanistan, notamment des diplomates, des humanitaires et des journalistes, dont le nombre est évalué à quelques dizaines.
Mais "notre devoir et notre dignité" est aussi "de protéger" les Afghans qui ont aidé la France et sont, de ce fait, menacés par les talibans, qu'ils soient "interprètes, chauffeurs ou cuisiniers", a ajouté Emmanuel Macron.
Pour les prendre en charge, deux avions de transport militaires - un C130 et un A400M - et des forces spéciales étaient attendus "dans les prochaines heures" à l'aéroport de Kaboul, a-t-il confirmé.
Mais l'incertitude demeurait sur la possibilité qu'ils puissent rapidement s'y poser alors que les Américains, qui contrôlent le site, avaient décidé lundi de suspendre tous les vols, civils et militaires, après l'envahissement du tarmac par des Afghans souhaitant fuir le pays.
Les deux appareils français se poseront ensuite sur la base aérienne française d'Al Dhafra, à Abou Dhabi, avant de rejoindre la France.
- "Réponse unie" -
Au lendemain du retour au pouvoir des talibans, près de 20 ans après le début de l'intervention américaine, Emmanuel Macron a consacré une bonne partie de la journée de lundi à ce "tournant historique" qui va avoir "des conséquences majeures pour l'ensemble de la communauté internationale, pour l’Europe, et pour la France".
Il a ainsi présidé un Conseil de défense et s'est entretenu avec la chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre britannique Boris Johnson afin de déterminer une position commune avec les principaux partenaires de Paris.
Comme pour eux, la priorité de la France est, selon lui, que l'Afghanistan ne puisse pas "redevenir le sanctuaire du terrorisme qu'il a été" lorsqu'il accueillait Oussama Ben Laden, l'organisateur des attentats du 11 septembre 2001.
"Des groupes terroristes sont présents en Afghanistan et chercheront à tirer profit de la déstabilisation", a-t-il mis en garde, en appelant à "une réponse (internationale) responsable et unie". "Nous ferons tout pour que la Russie, les Etats-Unis et l'Europe puissent efficacement coopérer, car nos intérêts sont les mêmes", a-t-il ajouté.
Emmanuel Macron a également appelé à "anticiper" et "protéger contre des flux migratoires irréguliers importants" qui "nourrissent les trafics de toute nature", alors que de nombreux Afghans tentent l'aventure de l'émigration clandestine et que la prise du pouvoir par les talibans risque d'accentuer le mouvement.
"Nous porterons donc, en lien avec l'Allemagne et d'autres européens, une initiative pour construire sans attendre une réponse robuste, coordonnée et unie", a-t-il poursuivi, en appelant à "la solidarité dans l'effort, l'harmonisation des critères de protection et la mise en place de coopérations avec les pays de transit" alors que l'Union européenne est déjà soumise à une intense pression migratoire.
- "L'honneur de la France" -
"L'Europe ne peut pas, à elle seule, assumer les conséquences de la situation actuelle", selon lui.
Cette question est sensible alors que les Afghans ont constitué en 2020 10,6% des demandeurs d'asile dans l'UE (un peu plus de 44.000 sur quelque 416.600 demandes), le deuxième contingent derrière les Syriens (15,2%), selon l'agence statistique de l'UE Eurostat.
A l'instar d'autres capitales, Paris a suspendu depuis juillet les expulsions de migrants afghans déboutés de leur demande d'asile.
Tout comme une résurgence du terrorisme, une nouvelle vague migratoire est crainte par de nombreux responsables politiques, comme le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau, qui a appelé la France et l'Europe à "faire preuve d'une fermeté qui leur a souvent manqué pour éviter une vague migratoire déstabilisatrice".
Mais l'écologiste Yannick Jadot a appelé l'UE et la France à "se préparer à accueillir en dignité les victimes des talibans".
Emmanuel Macron a en outre défendu l'intervention passée de la France en Afghanistan, qu'il a qualifiée de "juste", tenant à s'adresser "d'abord à ceux qui ont combattu, aux familles de ceux qui sont morts ou ont été grièvement blessés".
"C'est l'honneur de la France à s'y être engagée", a-t-il appuyé, en précisant toutefois que ce type d'interventions militaires n'avait "pas vocation à se substituer à la souveraineté des peuples ni à imposer la démocratie de l'extérieur".
Intervenant aux côtés des Américains, la France a été présente militairement en Afghanistan de 2001 à 2014 et a compté jusqu'à près de 4.000 soldats dans ce pays au plus fort de l'engagement de l'Otan, au prix de 89 morts et 700 blessés.
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