Bachar el-Assad en visite en Chine pour confirmer son retour sur la scène internationale, Pékin annonce un "partenariat stratégique" pour accroître son influence au Moyen-Orient
GÉOPOLITIQUE - Isolée diplomatiquement depuis une décennie, Damas poursuit son retour sur la scène internationale. Quelques mois après sa participation au Sommet de la Ligue arabe, à laquelle la Syrie a été réintégrée, Bachar el-Assad a effectué à partir de jeudi 21 septembre 2023 une visite de cinq jours en Chine, où il a rencontré son homologue chinois Xi Jinping. Une visite à multiples enjeux pour les deux parties, durant laquelle les deux dirigeants ont annoncé l’établissement d’un "partenariat stratégique".
Le retour diplomatique de la Syrie a débuté en 2018 sur la scène régionale. Les Émirats arabes unis, premier pays arabe à normaliser ses relations avec Damas, ont rouvert cette année-là leur ambassade dans la capitale syrienne. Après une visite en février 2023 au sultanat d’Oman, le seul du Golfe à avoir maintenu des relations diplomatiques officielles avec la Syrie depuis le début de la guerre en 2011, Bachar el-Assad, qui quitte rarement son pays, s’est rendu en mars 2023 à Abou Dhabi.
Succès diplomatique pour Assad
La normalisation des relations syriennes avec ses voisins régionaux a été consacrée en mai 2023 par le retour de Damas à la Ligue arabe, lors du sommet qui s’est déroulé en Arabie saoudite. Simultanément à ce rapprochement avec les pays arabes, Bachar el-Assad s’était déjà tourné vers ses autres alliés, à commencer par l’Iran et la Russie, ses principaux soutiens pendant la guerre.
Il avait rencontré son homologue russe Vladimir Poutine en mars, puis le guide suprême iranien Ali Khamenei à Téhéran en mai. Mais il s'agit de la première visite du dirigeant syrien en Chine depuis près de 20 ans : la dernière remonte à 2004, avec une première rencontre depuis l'établissement des relations diplomatiques avec Pékin en 1956.
C’est à Hangzhou, à l’est de la Chine, où se déroulent les Jeux asiatiques, que le président chinois Xi Jinping a rencontré vendredi 22 septembre Bachar el-Assad, accompagné d’une délégation de neufs personnes. Pékin fait aussi partie des alliés du président Assad et lui a particulièrement apporté son soutien au Conseil de sécurité de l'ONU, s'abstenant régulièrement de voter les résolutions visant le pouvoir syrien.
"Aujourd'hui, nous allons annoncer conjointement l'établissement d'un partenariat stratégique Chine-Syrie qui sera une étape importante dans l'histoire des relations bilatérales", a déclaré Xi Jinping. "Face à une situation internationale pleine d’instabilité et d’incertitude, la Chine est prête à continuer à travailler avec la Syrie, pour se soutenir mutuellement, promouvoir une coopération amicale et défendre conjointement l’équité et la justice au niveau international", a-t-il ajouté.
Xi Jinping a exprimé la disponibilité de son pays à accompagner Damas dans la relance de son économie et la reconstruction de ses infrastructures, détruites par le conflit. "La partie chinoise continuera à fournir toute l’aide possible à la Syrie et soutenir les efforts syriens de reconstruction et de relance", indique le communiqué conjoint.
La Chine renforce son influence au Moyen-Orient
De son côté, Bachar el-Assad "remercie le gouvernement chinois pour tout ce que [Pékin] a fait afin de se tenir aux côtés du peuple syrien dans sa cause et ses épreuves". Il donne surtout un indice sur les enjeux de Pékin en soulignant le "timing" de cette visite "extrêmement importante" : celle-ci intervient à un moment où "un monde multipolaire se constitue aujourd’hui qui va restaurer l’équilibre et la stabilité internationale".
Si la Syrie mise sur le déplacement de son dirigeant pour consolider son retour sur la scène internationale et drainer les investissements chinois pour relancer son économie, la Chine entend atteindre un double objectif à travers son "partenariat stratégique" avec Damas. Il s’agit d’accroître son influence au Moyen-Orient, une région historiquement et hautement stratégique pour les États-Unis, et promouvoir son projet de la "One Belt, one Road Initiative" (les nouvelles routes de la soie, ndlr) que Damas a rejoint en janvier 2022 pour tenter de profiter de ses retombées économiques.
La Chine a déjà réussi un coup d’éclat retentissant pour la première fois en tant que médiateur dans la région. L’Arabie saoudite et l’Iran ont rétabli sous l’égide de Pékin leurs relations diplomatiques déjà tendues en raison d’une confrontation indirecte en Syrie et rompues en 2016 après l’exécution par Riyad d’un dignitaire chiite et l’attaque, par des Iraniens, de l’ambassade saoudienne à Téhéran.
La voie est aussi libre pour Pékin puisque son influence au Moyen-Orient peut désormais s’exercer à travers les BRICS, bloc constitué du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud, qui a donné en août 2023 son feu vert pour l’entrée de six nouveaux membres. Il s’agit de l’Argentine, de l’Arabie saoudite, de l’Iran, de l’Égypte, de l’Éthiopie et des Émirats arabes unis, soit quatre pays du Moyen-Orient traversés par les nouvelles routes de la soie.
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