Jugé "trop vieux", suspecté d'être sous tutelle par ses opposants : Joe Biden peut-il maintenir sa candidature aux présidentielles US ?

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Gilles Gianni, France-Soir
Publié le 23 septembre 2023 - 12:21
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Biden
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Jim WATSON / AFP
Le président américain Joe Biden assiste à une réunion à Washington, DC, le 13 septembre 2023.
Jim WATSON / AFP

ÉLECTIONS/USA - À 80 ans, le plus âgé des présidents de l'histoire des États-Unis brigue un second mandat. En cas de réélection, Joe Biden pourrait fêter ses 86 printemps au sortir de la Maison Blanche. Si celui-ci souhaite "finir le boulot" comme le promet son slogan de campagne, son état de santé inquiète. L'homme multiplie les couacs, cherche son chemin, bafouille, prononce des phrases incompréhensibles, tombe... Une fragilité qui n'échappe pas à l'opinion publique américaine, y compris au sein des rangs démocrates. Et une polémique enfle : affaibli à ce point, le leader de la première puissance mondiale est-il sous tutelle ?

Visiblement éprouvé lors de ses dernières sorties publiques, Joe Biden est bien trop âgé pour se représenter à l'élection présidentielle américaine. Ce discours disrespectueux pourrait être tenu seulement par ses opposants politiques, à l'approche d'une échéance électorale très clivante. Il n'en est rien.

Biden "dépassé"

En effet, selon un sondage Associated Press - Norc, daté du 14 août 2023, ce sont les trois quarts des Américains (77%) qui pensent que Joe Biden est désormais "trop vieux" pour rempiler à la tête du pays. Parmi eux, 26% le considèrent comme "dépassé". Et 15% le voient comme "lent", "confus" et "maladroit". En somme, 41% expriment une forte réserve autour de la question de son âge. 

À titre de comparaison, son probable futur rival à la présidentielle, âgé de 77 ans, est loin d'être un jeunot. Mais seulement 2% des personnes interrogées considèrent Donald Trump comme périclitant. Celui qui dansait sur la chanson YMCA des Village People lors de la campagne présidentielle étasunienne de 2020, conserve l’image d’un homme plus dynamique. Un avantage important, même si par ailleurs le Républicain est considéré par 23% des sondés de tous bords politiques comme "corrompu" ou "malhonnête"

77% des démocrates annoncent être prêts malgré tout à reconduire leur vote en faveur de l'actuel président. Toutefois, un autre sondage AP-Nord, de février 2023 est préoccupant : 37% des démocrates, à peine, désirent voir Biden se représenter. Un chiffre qui plus est à la baisse. Ayant annoncé sa volonté de briguer un second mandat en avril dernier, Biden n’a pas tenu sa promesse exprimée en mars 2020 d’être "un pont, pas autre chose", vers "toute une génération de leaders" pour "l’avenir de ce pays".

Sous surveillance 

Tous les mouvements de Biden sont désormais épiés, tous ses faux pas décortiqués, souvent accompagné par la Première dame. Moqués par ses contempteurs sans autre forme de procès, son comportement parfois erratique inquiète son électorat, qui pourrait se démobiliser.

Le 10 septembre dernier, dans le cadre d'une tournée en Asie, Biden se rend au Vietnam. Sa prestation lors d'une conférence de presse à Hanoï tourne court. L'homme ne sait pas si on est le matin ou "le soir"... Perdu, sans filtre, il interroge les journalistes devant lui. Alors qu'on lui pose une question sur le thème du réchauffement climatique, il tente de répondre, évoquant un film (imaginaire ?) de John Wayne et "un éclaireur indien".

Le président américain cherche ses mots, bafouille et finit par lancer une phrase déjà devenue culte : "C'est un soldat poney menteur à tête de chien". Des observateurs facétieux ont essayé de trouver l’origine de la citation de Biden dans le registre cinématographique du Western. Sans succès.

Finalement, Biden déclare vouloir... aller "se coucher". On lui coupe le micro. La porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre, annonce brutalement à l’assistance que la conférence de presse est terminée. Un surréaliste air de jazz smooth accompagne alors la laborieuse sortie de Joe Biden.

Chutes

Ce n'est pas la première fois que le président montre des signes de grande fatigue ou de maladresse. En juin 2022, il fait une chute à vélo devant les caméras, lors d'une balade dans son fief du Delaware. La vidéo devient virale. Un an plus tard, il trébuche sur des fils électriques sur le sol d'un podium de remise de diplômes à l'Air Force Academy. De tout son poids, Biden s'écroule au sol. Les exemples sont nombreux. La chaîne Fox News, férocement opposée au camp démocrate, s'est même permise de réaliser une irrévérencieuse compilation des chutes du président. 

Une chute peut arriver à tout le monde. Mais comme à Hanoï, Joe Biden montre régulièrement des signes de perte de mémoire, voire des troubles cognitifs. Il perd son chemin, ne sait pas quoi dire. Voilà qui peut apparaître préoccupant pour celui qui détient le pouvoir du feu nucléaire. Et sur les réseaux sociaux, ses détracteurs politiques ne manquent jamais une occasion de le rappeler, en citant les paroles hasardeuses de l'intéressé.

Sa production en tant que chef d'État est régulièrement mise en cause. L’étude de son agenda révèle des week-ends prolongés, qui se répètent. Au moment de la catastrophe de l’île de Maui à Hawai, ce dernier n’interrompt pas tout de suite ses vacances dans le Nevada, il tarde à se déplacer pour rencontrer les victimes.

Précédents

Pour faire face à toutes ces critiques, lors d'une conférence de presse en compagnie de son homologue coréen Yoon Suk Yeol, Biden déclare se "sentir bien". Il veut apparaître déterminé contre le "danger" que représente à ses yeux Trump.

Après tout, il a récemment multiplié les déplacements : sommet du G20 en Inde, escale au Vietnam, cela après avoir participé aux commémorations du 11-Septembre... Qui ne serait pas éprouvé par un tel programme ? Cependant, n'est-ce pas ce qui est demandé au président d'une Nation de 330 millions d'habitants, première puissance mondiale ?

Ce n’est pas la première fois dans l’histoire qu’un chef d’État de cette importance connaît des soucis de santé. Brejnev, au temps de l’URSS, souffrait d'athérosclérose et a été considéré comme sénile avant sa mort. Malgré les efforts du Kremlin pour maintenir le secret de son état de santé, les observateurs étrangers ont constaté son impossibilité à diriger le pays.

Dans un contexte très différent aux États-Unis, Roosevelt s'est maintenu durant quatre mandats dans une périlleuse situation. Amaigri, épuisé, il meurt en fonction et inspire à sa suite une réforme afin de limiter le nombre de mandats.

"Deep State"

Un homme proche du point de rupture - mais qui ne se retire pas afin de laisser les institutions reprendre la main et rebattre les cartes démocratiquement - en interroge certains à propos de qui détient vraiment les rênes du pouvoir.

Le 21 septembre dernier, Vivek Ramaswamy, l'un des candidats républicains à la primaire de l'élection présidentielle 2024, n'a pas hésité à pointer du doigt d'une troublante manière "l’État Profond". Soit une hiérarchie parallèle, un groupe caché qui détiendrait de façon secrète le pouvoir. 

"Je veux dire quelque chose sur Biden et pourquoi je ne parle pas beaucoup de lui pendant la campagne électorale : je ne pense pas que ce soit lui qui dirige le pays", déclare Ramaswamy. "Je pense qu'il est une marionnette pour la classe dirigeante de l'État administratif", ajoute-t-il, sans ambages.

Sortir Biden du jeu ? 

Le 14 septembre dernier, la journaliste (très proche des milieux républicains) Miranda Devine du New York Post, va plus loin encore sur le réseau social X. Elle élabore la théorie que cet État profond veut "se débarrasser" du vieillissant Biden.

Son argument ? La prise de position de l’un de ses confrères, David Ignatius (très proche des milieux démocrates), un chroniqueur au Washington Post. Dans une tribune publiée le 12 septembre, il déclare que "le président ne devrait pas se présenter en 2024", après avoir toutefois fait un éloge flatteur de son bilan. 

Ce que Miranda Devine analyse comme "un plan" de l’État profond, prêtant à David Ignatius des liens avec la CIA, ne pourrait être que la prise de conscience d'un démocrate que l'âge de Biden est un sévère obstacle à sa réélection.

Quant à savoir "qui dirige ?", l'évolution de la politique contemporaine n'a pas attendu le concept de l'État profond pour voir apparaître les spin doctors, les lobbyistes de toutes sortes, les agences du renseignement, le pouvoir militaire et son industrie, l'impact de Big Pharma, etc. Autant d'entités administratives plus ou moins opaques ou d'intérêts privés de plus en plus influents dans les prises de décisions publiques.

En 2020, la constitution de l'administration rapprochée du tandem Biden-Harris laissait par exemple entrevoir ses velléités va-t-en guerre : ce qui s'est vérifié avec la guerre en Ukraine. Joe Biden est entouré et ainsi conseillé au point de se demander si, aujourd'hui, sa fonction présidentielle ne glisse pas vers une représentation honorifique et symbolique.

Une offre politique se revendique être une alternative face à ce constat. Elle est incarnée par un candidat plus jeune, Robert F. Kennedy Jr., âgé de 69 ans. Pour le moment, celui-ci ne fait pas l'unanimité au sein du parti démocrate. La situation peut-elle évoluer ? De plus en plus, les Américains se rendent compte de l'âge problématique du capitaine. Peut-être, demain, ils se poseront la question de savoir où va le bateau.

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