Dublin sous tension : après les émeutes, la liberté d'expression en prend un coup...
MONDE - Le gouvernement irlandais utilise les troubles qui ont eu lieu dans la nuit de jeudi à vendredi 24 novembre pour promouvoir des lois draconiennes.
Le gouvernement irlandais a choisi de capitaliser sur les récentes émeutes ethniques de Dublin pour faire avancer au Sénat un projet de loi irlandais, particulièrement sévère, sur les crimes de haine.
Ces épisodes d'émeutes ont été déclenchées par l'acte odieux d'un citoyen naturalisé irlandais d'origine algérienne, qui a poignardé des femmes et des enfants devant une école du centre-nord de Dublin le 23 novembre dernier. L'intervention héroïque de passants a permis de maîtriser l'assaillant. Cependant, la réaction qui a suivi fut celle d'une foule de manifestants scandant des slogans tels que : "Sortez-les de là" et "Nous voulons retrouver notre pays".
Au fil de la journée, O'Connell Street et ses alentours se sont transformés en zone de conflit alors que des centaines de personnes se livraient à des actes de révolte, entraînant au total 34 arrestations.
Des commerces ont été saccagés. Une voiture de la Garda (police irlandaise) a été incendiée, et des wagons de la Luas (tramways) ont été la proie des flammes, le tout dans un déchaînement qui a duré des heures. À cela s'ajoute le constat désolant que la Garda semblait totalement dépourvue de préparation face à ce désordre. Ces dernières années, les autorités ont pratiquement abandonné le centre-ville nord. Il est rare d'y voir des policiers dans les rues. Cette situation a entraîné une explosion de la criminalité qui frise l'anarchie.
Vers des lois strictes sur les crimes de haine
La réponse du gouvernement irlandais aux scènes de révolte de jeudi ne s'est pas traduite par la promesse d'augmenter le nombre de policiers sur le terrain ni par l'engagement d'améliorer les équipements sociaux dans les quartiers touchés par la criminalité. Au contraire, le chef du gouvernement, le conservateur démocrate-chrétien Leo Varadkar a rapidement orienté son attention vers les nouvelles lois irlandaises extrêmement strictes sur les crimes de haine.
Ces lois, officiellement désignées sous le nom de "projet de loi sur la justice pénale" (incitation à la violence ou à la haine et délits de haine), sont actuellement en attente d'approbation au Sénat irlandais. Si elles sont approuvées, elles puniront le simple fait d'émettre des discours jugés haineux ou offensants envers une personne appartenant à une catégorie protégée (race, sexe, religion, sexualité, etc.), que ce soit en personne ou sur Internet.
Dans le sillage des émeutes et du déchaînement de la foule contre les immigrés, Leo Varadkar a manifestement saisi l'occasion de promouvoir ce texte législatif répressif. Au cours du week-end, il a de nouveau évoqué la nécessité de "moderniser nos lois contre l'incitation à la haine et la haine en général". Il a également promis de renforcer les pouvoirs de surveillance de la Garda et a insisté sur le fait que la loi de 1989 sur l'interdiction de l'incitation à la haine, qui sera bientôt remplacée, est insuffisante à l'ère des médias sociaux.
Criminalisation de la possession de textes controversés ou jugés offensants
Les émeutes ont donc poussé le gouvernement à passer à la vitesse supérieure pour faire passer ses propositions de lois sur les discours de haine. L'Irlande dispose déjà de lois pour mettre fin au harcèlement criminel et à l'incitation aux émeutes. Mais les lois proposées sur les discours de haine vont beaucoup plus loin, au point de criminaliser des discours qu'une personne n'a ni prononcés ni publiés. Une personne pourrait être arrêtée en vertu de ces nouvelles lois pour avoir simplement possédé un discours, peut-être sur son téléphone, qu'un juge considère comme offensant.
Certaines sources rapportent déjà que la superstar du MMA, Conor McGregor, qui a vivement critiqué la politique du gouvernement en matière d'asile et de réfugiés pendant les émeutes, fait l'objet d'une enquête de la part des autorités.
Ian O'Doherty, chroniqueur au journal l'Irish Independant souligne que ces dispositions législatives suscitent de vives préoccupations en raison de leur impact potentiellement dévastateur sur la liberté de discours. Ces nouvelles lois présentent une dimension particulièrement sévère. Elles criminaliseront non seulement l'"incitation à la haine", mais également la simple "préparation ou possession" de contenus susceptible de le faire. Ainsi, la simple détention de matériel choquant sur un ordinateur ou la possession de textes controversés pourrait constituer une infraction.
Selon le chroniqueur, des jours sombres attendent l'Irlande car "à la suite des émeutes de jeudi, le gouvernement est suffisamment avisé et cynique pour exploiter le dégoût du public face à ce qui s'est passé. Il sait qu'il peut faire passer ces nouvelles lois tout en affirmant que quiconque s'y oppose doit être un raciste et un fanatique".
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