La Chine et la Pologne lancent une ligne ferroviaire régulière entre Pékin-Varsovie, la “route de la soie” aux portes de l’Europe
Le projet “La Ceinture et la Route”, lancé cela fait une dizaine d’années par le président chinois Xi Jinping pour relancer la fameuse “route de la soie”, met un pied dans l’Europe. Pékin et Varsovie ont lancé une liaison ferroviaire régulière reliant la Chine à la Pologne. Pour le pays européen, l’objectif est de renforcer les échanges avec son deuxième partenaire commercial et, pourquoi pas, augmenter ses exportations vers le marché asiatique. Pour la superpuissance, aux yeux de qui le marché polonais est insignifiant, le but est d’accroître son commerce avec l’UE en tirant profit du conflit ukrainien et des attaques de Houthis en Mer rouge, qui ralentissent le transport maritime mondial. La ligne ferroviaire pourrait tout aussi bien profiter à la Russie, visées par des paquets de sanctions occidentales.
La ligne ferroviaire reliant la Chine à la Pologne a été l’un des principaux sujets de discussions lors de la réception par le président chinois, Xi Jinping, du président polonais, Andrzej Duda, en juin à Pékin. Varsovie saluait alors l’initiative “la Ceinture et la Route”, qui “représente d’énormes opportunités de développement” et qui a “fortement stimulé la construction d’infrastructures et le développement économique de la Pologne”.
L’espoir de Varsovie (et de l’UE) de rééquilibrer la balance
Le président polonais s’est alors dit “disposé à faire avancer la coopération et à approfondir les échanges dans l’économie et le commerce, l’agriculture, les infrastructures et la connectivité”. Tel était le souhait de son homologue et hôte, qui a appelé à faire un “bon usage” des relations bilatérales pour “faire avancer les projets majeurs” comme “les trains de fret Chine-Europe”.
A peine quinze jours plus tard, Pékin et Varsovie ont annoncé le lancement d’une liaison ferroviaire régulière. Ce projet, insiste-t-on, renforcera les échanges entre les deux pays, surtout entre la Chine et l'Union européenne (UE). La Pologne pourrait alors devenir un hub à partir duquel les produits provenant de l’Asie et arrivant sur son territoire seraient déchargés et distribués vers les autres marchés européens.
Actuellement, ce sont "des cargaisons d'appareils ménagers et de petits équipements” qui sont transportées. Néanmoins, Varsovie souhaite que les échanges commerciaux avec la Chine, son deuxième fournisseur en 2023 avec plus de 47 milliards d’euros, soient plus équilibrés à travers une stimulation des exportations polonaises. Celles-ci ont, certes, enregistré une hausse constante ces dernières décennies mais restent insignifiantes en comparaison de ses importations depuis Pékin.
La Pologne a alors tout intérêt à maintenir une relation positive avec son deuxième partenaire économique, dans un contexte de tensions commerciales entre les 27 et la Chine. Fin juin, la Commission européenne a annoncé l’imposition des droits de douanes sur les voitures électriques fabriquées en Chine et importées en Europe, pour “lutter” contre les subventions publiques “excessives” ou “déloyales” de Pékin.
L’Europe entend bien tirer profit de cette opportunité pour rééquilibrer la balance, mais pour le moment, c’est la Chine qui a tout à y gagner. En janvier déjà, le volume de marchandises transportées par les rails entre ce pays et le continent européen, via l’Allemagne, a enregistré un bond de 30% par rapport au même mois en 2023. A cette période, la majorité des trains assurant cette liaison étaient restés à quai. Les risques sécuritaires qui pèsent sur la mer Rouge en raison des attaques des houthis depuis le Yémen ont changé la donne : de nombreux affréteurs occidentaux optent pour le fret ferroviaire.
Une aubaine (fragile) pour la Russie
La durée des trajets, c’est-à-dire une dizaine de jours, leur est favorable en comparaison des tracés maritimes passant par le cap de Bonne-Espérance (Afrique du Sud), qui peuvent prendre jusqu’à 50 jours. Cette alternative est préférée au transport aérien, plus coûteux, et ne fait pas le poids face au transport maritime.
La ligne Pékin-Varsovie vient surtout ouvrir la porte de l’Europe à la “route de la soie” et à l’initiative de Xi Jinping. Si le fret avec le Vieux continent avait reculé en 2023, il s’est bel et bien envolé avec la Russie et les autres pays asiatiques.
Moscou est d’ailleurs l’autre gagnant avec cette ligne ferroviaire. Les sanctions interdisent bien le transport de marchandises par voie terrestre vers la Russie et la Biélorussie. Le transit, en revanche, est toujours autorisé. De ce fait, la société nationale russe des chemins de fer, RZD, empoche la majeure partie des péages prélevés sur ces routes.
Une question pourrait néanmoins “tout gâcher”, les tensions frontalières entre la Pologne et la Biélorussie, par laquelle passe les trains de cette ligne. Varsovie, qui assumera la présidence tournante de l’UE début 2025 et qui promet de “jouer un rôle constructif dans la promotion des relations entre l’Europe et la Chine, n’exclut pas une fermeture complète des frontières avec son voisin, en raison d’une crise migratoire qui prend de l’ampleur.
C’est à côté de ces mêmes frontières que Minsk mène, avec l’armée ... chinoise, des exercices militaires baptisés “Assaut de Faucon”, qui devront durer jusqu’au 19 juillet, soit 11 jours au total. Les manœuvres sont interprétées comme un signal vers l’OTAN, dont le sommet à Washington vient de se tenir et dont Varsovie est membre.
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