La Hongrie prend la présidence tournante de l’UE, Orban annonce la création des “Patriotes pour l’Europe” afin de peser au Parlement européen
La Hongrie a pris lundi la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne pour une durée de 6 mois. Sous le slogan “Make Europe Great Again”, tiré de la devise de l’ancien président américain Donald Trump, Budapest promet une expérience “active” et entend agir comme un “médiateur impartial, en toute loyauté avec l'ensemble des États membres”. Cette présidence intervient sur fond de dégradation continue des relations entre la Hongrie de Viktor Orban et Bruxelles, en raison de leurs désaccords sur l’immigration ou surtout, l’Ukraine, le soutien des 26 à son égard ou encore son adhésion à l’Union européenne (UE).
A ne pas confondre avec le Conseil européen, qui réunit les chefs d’État et de gouvernement, le Conseil de l’UE réunit les ministres de ses 27 États membres. Conjointement avec le Parlement européen, cette institution partage le pouvoir législatif avec le Parlement. Les deux adoptent les actes législatifs proposés par la Commission dirigée actuellement par Ursula von der Leyen.
Orban annonce la création des “Patriotes pour l’Europe”
Mais cette présidence tournante permet surtout d’exercer une influence sur l’agenda des décisions prises, c’est-à-dire le programme ou le calendrier des sujets et des décisions qui seront discutés, débattues et potentiellement adoptées. Cette “prise de fonction” tombe à point nommé pour Budapest, qui espère enfin faire entendre sa voix.
Janos Boka, ministre hongrois des Affaires européennes, avait exprimé à la mi-juin son intention d’assumer “les obligations et les responsabilités” de sa mission. "Nous agirons en tant que médiateur impartial, en toute loyauté avec l'ensemble des États membres", a-t-il déclaré. Toutefois, il a fait part du projet de la Hongrie de “profiter de la lumière pour promouvoir sa vision de l’Europe”.
Si Viktor Orban a échoué à tenir sa promesse “d’occuper Bruxelles” après les élections européennes ou à remporter des postes-clés de l’UE comme la présidence de la Commission, qui devrait encore revenir à Ursula von der Leyen, il a annoncé son projet de former un groupe des "Patriotes pour l'Europe". Il a le soutien de Herbert Kickl, chef du parti nationaliste autrichien, FPÖ, d’Andrej Babis, ancien Premier ministre tchèque et fondateur d’un mouvement centriste ou encore de Chega, parti d'extrême droite portugaise.
"Cette nouvelle force politique (...) sera bientôt la plus grande formation de droite au Parlement européen" a-t-il affirmé, insistant sur son projet de “combattre l’élite bruxelloise” qui n’a pas "compris les souhaits des électeurs. (...) Cette alliance entend lutter contre la guerre, la migration, l’inflation et le pacte vert européen", explique-t-il.
Budapest avait déjà dévoilé ses priorités, parmi lesquelles ces sujets de désaccords et de fortes tensions avec Bruxelles et ses 26 membres. La Hongrie a systématiquement usé de son droit de véto pour bloquer les aides, financières ou militaires, en faveur de Kiev. Fin 2023, Viktor Orban s’était ainsi opposé à un financement de 50 milliards d’euros pour l’Ukraine ainsi qu’à l’ouverture des négociations pour son adhésion à l’UE.
Parmi ses conditions pour lever son refus figurait le déblocage de la totalité des fonds européens pour son pays. Il est question de 30 milliards d’euros que Bruxelles gèle depuis 2022 en raison de ses doutes quant au non-respect de l'Etat de droit en Hongrie. “J’ai toujours dit que si on procédait à un amendement du budget de l’UE, la Hongrie saisirait l’occasion pour revendiquer clairement ce qu’elle mérite. Pas la moitié, pas un quart, mais la totalité”, avait-il martelé.
L’heure de la revanche ou un autre pari de perdu ?
Budapest a néanmoins cédé en acceptant à la même période le dégel de 10 milliards d’euros en contrepartie de l’ouverture des discussions sur l’adhésion de l’Ukraine à l’UE. Deux mois plus tard, alors que Kiev subit revers sur revers face aux troupes russes, la question des aides européennes devait être tranchée et cette fois-ci, les dirigeants des 27 ont brandi la menace de retenir les 20 milliards restants du budget européen destiné à la Hongrie.
“Si cet accord n’avait pas été conclu et si la Hongrie avait continué à utiliser son veto, les 26 États membres de l’UE auraient quand même acheminé de l’argent vers l’Ukraine, ce que je n’ai pas pu arrêter, et ils auraient pris les fonds destinés à la Hongrie pour les envoyer également en Ukraine”, a-t-il regretté.
L’immigration est l’autre sujet de tensions entre Budapest et Bruxelles et malgré le rejet et le “non” de la Hongrie, l’Union européenne (UE) a adopté en mai le “Nouveau pacte sur la migration et l’asile”. “Nous rejetons ce pacte migratoire avec force. Nous ne laisserons entrer personne contre notre volonté”, avait réagi un des ministres de Viktor Orban.
A ces paris perdus s’ajoutent la saisine de la Cour de justice de l’UE visant à faire annuler la décision de la Commission européenne de dégeler les 10 milliards d’euros ainsi que l’ouverture, la semaine dernière, des négociations officielles pour l’adhésion à l’UE de Kiev, que Viktor Orban ne juge pas “prêt”. Dans la foulée, un 14e paquet de sanctions contre la Russie a été approuvé.
Budapest, qui annonce une “présidence active” pour “Rendre sa grandeur à l’Europe”, slogan inspiré de celui de Donald Trump, prévoit de “mieux lutter contre l’immigration illégale” ou surtout, entraver les nombreux dossiers adoptés malgré sa farouche opposition. Quelle est sa marge de Manoeuvre ? Très maigre, selon des observateurs qui rappellent que les institutions européennes ont déjà bouclé, avant et après les européennes, les décisions importantes ainsi que les postes clés.
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