Peu après la révélation d’un “vaste réseau de propagande russe”, 20 canaux Telegram francophones censurés

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France-Soir
Publié le 19 février 2024 - 12:54
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Canaux Telegram
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Dima Solomin / Unsplash
Une vingtaine de canaux Telegram véhiculant du contenu pro-russe ont été supprimés jeudi 15 février.
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MONDE - Quelques jours après la révélation par l’organisme français de lutte contre les ingérences étrangères d’un “réseau de propagande russe” à destination des États-Unis et de l’Europe, au moins une vingtaine de canaux Telegram ont été supprimés jeudi 15 février. Dans un rapport dévoilé lundi 12 février 2024, l’autorité en question, Viginum, affirmait que ces chaînes constituaient les sources d’une partie des 193 “portails d’informations” qui publiaient des contenus qualifiés de “pro-russes” et qui faisaient partie d’un réseau surnommé “Portal Kombat”.

Lundi dernier, Viginum révélait l’existence d’un réseau “structuré” et “coordonné” d’au moins 193 portails d’informations. Cet organisme, chargé de lutter contre les ingérences numériques étrangères, détaille dans un rapport les résultats de ses quatre mois d’enquête. Les sites d’informations, “aux caractéristiques similaires, diffusent des contenus pro-russes à destination d’audience internationale”, sur le continent européen et outre-Atlantique.

20 canaux Telegram accusés d’être les sources de Pravda

Le rapport évoque trois écosystèmes, comprenant chacun un ensemble de ces portails d’informations. L’écosystème dit “historique” est le plus conséquent et comportaient 147 sites en activité depuis 2013 et ciblant exclusivement les “audiences russes et ukrainiennes”. Chacun de ces sites étaient enregistrés dans des noms de domaines comportant le nom des localités russes et ukrainiennes. "Plusieurs de ces sites, notamment ceux qui ciblaient l'Ukraine, sont aujourd'hui inactifs ou hors-ligne", précise Viginum.

Deux autres écosystèmes ont pris le relais à partir de 2022, année de l’invasion russe. Il s’agit des portails affiliés au nom de domaine “news.ru”, qui sont au nombre de 41, créés entre avril et décembre 2022. Ce deuxième écosystème ciblait précisément les audiences russophones d’Ukraine. "Certains sites ciblent des localités très précises et stratégiques à l'image de Kherson ou Marioupol", détaille encore le rapport.

Le troisième écosystème est le plus récent. Fondés en juin 2023, ces sites appartiennent au nom de domaine “Pravda”, qui signifie “vérité” en russe et qui fait référence à l’ancien quotidien du Parti communiste soviétique. Ces portails visent cette fois-ci des pays occidentaux “qui ont publiquement affiché leur soutien à l'Ukraine".

Selon l’audience, les noms de domaine des portails mentionnent la langue. Parmi les pays ciblés figurent la France avec pravda-fr.com, l'Allemagne, l'Autriche et la Suisse avec pravda-de.com, la Pologne avec pravda-pl.com, l'Espagne avec pravda-es.com, le Royaume-Uni et les États-Unis avec pravda-en.com.

Viginum conclut "avec un haut degré de confiance" que ces trois écosystèmes "appartiennent à la même infrastructure numérique" et le réseau est surnommé "Portal Kombat", “en référence à sa stratégie informationnelle offensive" et à la célèbre série de jeux vidéo, Mortal Kombat.

Le rapport s’intéresse également aux sources de ce troisième écosystème, “Pravda” (P11). Viginum dévoile alors une liste de 20 chaînes Telegram francophones, des groupes réunissant plusieurs utilisateurs dans une conversation de l’application de messagerie et dans lequel des contenus sont diffusés en fil.

Les canaux sont classés selon le nombre d'articles repris par Pravda et BrainlessChanel, "Vbachir", “urssiejournal” ou “russosphère” semblent être les principales sources durant la période d’analyse. Nous y retrouvons également tass_fr, versions françaises de l'une des principales agences de presse en Russie, ainsi que RTenfrançais.

Pravda reste accessible, les canaux Telegram “censurés”

“Les articles diffusés servent principalement à la couverture du conflit en Ukraine”, mais les chaînes Telegram ne sont plus disponibles depuis jeudi. Il n’est plus possible de les rechercher et ceux qui en étaient membres retrouvent le message suivant : “Ce canal ne peut être affiché, car il a enfreint la législation locale”, sans aucun détail supplémentaire à propos des articles violés ou de ce qui est reproché aux contenus. La mesure est d’autant plus surprenante que des portails de Pravda, y compris la version française, sont toujours accessibles depuis le territoire français.

La fermeture des canaux est rapidement qualifiée de “censure” de la part des habitués, qui dénoncent la suppression de ces fils qui permettaient aux Français d’obtenir des points de vue divergents et variés sur le conflit en Ukraine. Certains ne manquent pas d’exprimer leur inquiétude où l’on assiste à un désintérêt des médias à l’interview accordée par Vladimir Poutine à Tucker Carlson, ou encore à communiquer du Conseil d’État, qui ordonne à l’ARCOM de contrôler le contenu des programmes de CNews.

Avec cette fermeture des canaux Telegram, le gouvernement gagne du terrain. En octobre, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui intervenait quelques jours après l’attentat d’Arras qui a coûté la vie à Dominique Bernand, professeur de français, exprimait son optimisme à “pouvoir négocier une porte dérobée” avec les applications de messagerie chiffrée.

Il a notamment évoqué Whatsapp, Signal et Telegram, qui seraient utilisés par les terroristes et les délinquants pour communiquer. "Si nous étions capables de dire à WhatsApp, à Signal, à Telegram : ‘Donnez-nous la conversation de cette personne parce qu'elle présente une menace', nous gagnerions énormément de temps", justifie-t-il. Seul souci : le protocole de chiffrement de bout en bout qui permet aux deux interlocuteurs d’être les seules personnes à accéder au contenu de la discussion. Gérald Darmanin a ainsi regretté que la loi n’impose pas à ces sociétés la création d’une “porte dérobée”, c’est-à-dire une brèche dans le chiffrement sur demande d’un juge ou d’un préfet.

Une opération “impossible” selon les spécialistes, car un affaiblissement du chiffrement ouvrirait une “porte dérobée” aux autorités comme aux personnes ou organisations malveillantes. En attendant de pouvoir forcer les applications de messagerie à mener une telle manœuvre, il semble possible de faire du forcing sur elles pour supprimer des contenus.

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