Syrie : Hayat Tahrir al-Cham disperse ses forces pour lutter contre l'Etat islamique (4/4)
Partie 1 > Exclusif - Syrie: la guerre des ombres entre les groupes djihadistes à Idlib (1/4)
Partie 2 > Syrie - A Idlib, la traque des djihadistes de l'Etat islamique par ceux d'Hayat Tahrir al-Cham (2/4)
Partie 3 > Syrie - A Idlib, les assassinats ciblés de l'Etat islamique contre les djihadistes rivaux (3/4)
Entre les 10 et 14 juillet, les cellules pro-Etat islamique multiplient les attaques contre Hayat Tahrir al-Cham (HTC) et d'autres objectifs adverses dans la province d'Idlib, images à l'appui, avant de retomber dans le silence au sein de la propagande de Daech. La faute sans doute à certains coups portés par l'Amniyat (service de sécurité/renseignements) d'HTC, qui s'est montré particulièrement efficace au mois de juillet.
Le 11 juillet, l'Etat islamique fait sauter un IED (engin explosif improvisé) contre deux véhicules d'Hayat Tahrir al-Cham sur la route Nayrab-Sarmin, en revendiquant un détruit et un endommagé. Le 12 juillet, il revendique l'assassinat d'Ahmad al-Zaafir, un responsable de la sécurité adverse, lors d'une attaque sur la route entre Al-Qaraqat et al-Madiq. Le même jour, le groupe terroriste revendique avoir abattu deux autres personnes sur la route Sarmada-Maarat Misrin. Il annonce aussi avoir blessé Anas Ayrout, un qadi (juge), après avoir fait exploser un IED dans le quartier al-Tawhra de la ville d'Idlib.
L'Etat islamique dit aussi avoir blessé trois hommes après avoir fait exploser un IED à l'entrée sud-ouest de Khan Sheykhoun. Un reportage photo montre l'attaque sur la route Sarmada-Maarat Misrin la veille: deux hommes sur une moto sont pris pour cible par un assaillant à bord d'un véhicule qui dépasse l'engin. Trois photos montrent aussi l'attaque à l'explosif contre le qadi à Idlib. Un dernier reportage photo montre enfin l'attaque à Khan Sheykhoun. Le 13 juillet, l'EI attaque un membre d'Hayat Tahrir al-Cham dans la ville de Sarmin. Il annonce également avoir tué deux membres d'HTC près de Maarat al-Numan. L'organisation djihadiste attaque un checkpoint près de Sarmin et revendique un blessé. Elle annonce par ailleurs avoir tué un responsable militaire d'Hayat Tahrir al-Cham et blessé un autre cadre sur la route Afas-Saraqib. Une photo de deux corps décapités montre les hommes visés près de Maarat al-Numan.
Le 14 juillet, l'EI fait exploser un IED dans le QG d'Hayat Tahrir al-Cham à Sarmada. Il revendique l'assassinat d'un chef rebelle à ad-Dana, Abou Ahmed al-Sanasawi. Le groupe baptise ses opérations "Abou al-Baraa al-Sahili", du nom d'un de ses cadres arrêté et exécuté par l'Amniyat d'HTC au milieu de ces attaques (voir ci-dessous). Une attaque à l'explosif a lieu contre un véhicule près de Sarmin. Un dernier reportage photo montre l'assassinat du chef rebelle à ad-Dana.
L'Amniyat d'Hayat Tahrir al-Cham ne reste pas inactif et poursuit ses opérations de lutte contre les cellules de l'Etat islamique. Le 10 juillet, il appréhende deux membres de ces dernières qui plaçaient un IED sur la route Ariha-Jisr al-Shoughour: l'un est tué dans l'échange de tirs, l'autre se fait sauter. L'un d'entre eux, Bashar Hachum, aurait été le chef d'une cellule. Le 12 juillet, des photos montrent des mines, des explosifs improvisés, des ceintures explosives et des détonateurs saisis par l'Amniyat dans une cave à Jisr al-Shoughour.
Le 13 juillet, une photo montre Abou al-Baraa al-Sahili, décrit comme membre de l'Amniyat de l'EI et qui dirige des cellules pour l'organisation. Il est capturé dans une embuscade par Hayat Tahrir al-Cham, qui l'avait déjà manqué de très peu une première fois. Abou al-Baraa as-Sahili est impliqué, selon HTC, dans l'enlèvement et l'exécution mise en scène de membres du groupe djihadiste le 10 juin (à Ariha et Sarmin), en représailles de quoi il est exécuté sur le lieu même de son forfait supposé.
Hayat Tahrir al-Cham s'inquiète, à travers un communiqué, de l'évasion de 15 membres de l'Etat islamique d'une prison du groupe rebelle Faylaq al-Sham à Janderes, dans le canton d'Afrin. Ce n'est pas la première fois que des membres de l'EI emprisonnés par des rebelles ou même HTC arrivent à s'évader. Le 14 juillet, l'Amniyat lance un raid sur Shal al-Ruwj, à l'ouest d'Idlib. Trois fusils d'assaut AK et deux pistolets sont capturés. L'adjoint d'Abou al-Baara al-Sahili, "Saad " se serait jeté du quatrième étage de l'immeuble où il était retranché à Salqin après avoir été cerné par les hommes d'HTC. Le même jour, il démantèle un IED près de Salwa au nord d'Idlib.
Le 15 juillet, l'Amniyat lance, de nouveau, une opération de grande ampleur à Sarmin, où les cellules de l'Etat islamique sont encore actives. Le 16 juillet, il établit des barrages autour de la ville. Il exécute huit membres de l'EI capturés dans une ferme de Sarmin, celle-là même où plusieurs membres d' Hayat Tahrir al-Cham avaient été égorgés et décapités le 10 juin. Un communiqué explique que plusieurs cadres importants des cellules de Daech figurent parmi les condamnés à mort: Abou Ayham al-Homsi, Abou Muhammad al-Halabi, Abou Yunis.
Le 22 juillet, Hayat Tahrir al-Cham parvient à tuer Isma'il 'Abd al-Qadir, alias Abou Hassan Nairbi et son adjoint Ibrahim al-Dani, responsables des cellules de l'Etat islamique dans la région d'ad-Dana, après une embuscade près du village de Qah au nord d'Idlib. Le 24 juillet, il lance un raid sur le QG des cellules pro-EI près de Jisr al-Shoughour: Abou Sayyid al-Checheni et Abou Aisha Al-Sahili, deux cadres importants, sont tués. L'Amniyat capture deux fusils d'assaut AK, trois mitrailleuses PKM, 1 RPG-7, des boîtes de munitions de 12,7 mm. Abou Sayyid al-Shishani avait sur lui des pièces de monnaie fabriquées par l'Etat islamique et de l'argent russe.
Derrière cette kounya Abou Sayyid al-Shishani se cache probablement Tarmaz Batirashvili, autrement dit le frère de Tarkhan Batirashvili, alias Abou Omar al-Shishani, un des chefs les plus charismatiques de l'EI, tué en juillet 2016 par une frappe aérienne dans le district de Shirqat en Irak. Une vidéo de l'agence Ebaa News montre l'assaut sur la maison (qui aurait impliqué d'ailleurs des combattants étrangers d'HTC), particulièrement violent, et le corps d'Abou Sayyid al-Shishani.
Abou Sayyid al-Shishani avait sur lui de l'argent russe et des pièces de monnaie frappées par l'EI.
Le 25 juillet, l'Amniyat arrête un autre cadre des cellules de l'EI, Abou Hassan al-Masri (Egyptien). Un AK-74M, des ceintures d'explosifs et des grenades sont saisis. Le groupe de sécurité désamorce un IED placé sur la route Idlib-Maarat al-Misrin.
L'absence de revendication d'attaques par les cellules de l'EI à Idlib ou Alep depuis le 14 juillet montre que les opérations de l'Amniyat d'Hayat Tahrir al-Cham ont probablement abouti, cette fois, à des résultats. Il est inquiétant de constater toutefois qu'un nombre important de combattants étrangers de l'organisation terroriste, et pas des moindres si l'on pense au frère d'Omar al-Shishani, ont pu s'installer à Idlib; en outre l'Etat islamique avait réussi à installer de nombreuses cellules à travers le secteur.
En noir, les opérations revendiquées par l'EI; en bleu les opérations de l'Amniyat d'HTC.
Le 28 juillet, les hommes d'HTC démantèlent un IED disposé sur un rond-point à l'intérieur de la ville d'Idlib.
Le 1er août, Hayat Tahrir al-Cham arrête un membre de l'Amniyat de l'Etat islamique à Kinsafra, dans le Jabal al-Zawiya, et saisit une ceinture explosive et d'autres engins explosifs. Le 3 août, un communiqué d'HTC annonce une nouvelle opération contre les cellules de l'EI. Cette opération a lieu notamment à Khan Sheykhoun. Hayat Tahrir al-Cham s'empare d'Ahmad al-Hajji, un responsable de Daech dans la province d'Alep, qui aurait collecté des fonds pour l'organisation dans la région d'al-Dana
La "guerre de l'ombre" entre Hayat Tahrir al-Cham et les cellules de l'Etat islamique n'est pas encore terminée. Le 4 août, des hommes à moto jettent une bombe sur un checkpoint d'HTC dans la ville de Tall al-Karamah, au nord de la province d'Idlib. Une voiture piégée explose à l'intérieur de la ville d'Idlib. A Saraqib, c'est un magasin de ventes d'armes qui est visé par un IED. Le 5 août, un autre engin explose aux environs de Jisr al-Shoughour.
Non seulement les attaques des cellules de l'Etat islamique détournent des moyens conséquents du groupe djihadiste de la ligne de front, mais elles fournissent un prétexte aux forces du régime syrien pour intervenir contre l'enclave, au prétexte que le groupe djihadiste y est encore présent. Cette lutte montre aussi que la réconciliation entre les différents groupes djihadistes reste une vue de l'esprit, contrairement à ce qu'ont pu prétendre certains experts.
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