Des restaurants bravent l'interdiction d'ouvrir, au risque de perdre le soutien de l'Etat
Quelques restaurants ont ouvert lundi à l'appel d'un restaurateur du Doubs en dépit des interdictions sanitaires. Des "cas isolés", estime le gouvernement, rappelant que les établissements se verront retirer le soutien de l'Etat.
Stéphane Turillon, chef et propriétaire du restaurant "La Source Bleue" à Cusance près de Besançon, avait annoncé début janvier rouvrir le 1er février pour défendre son "droit à travailler", engageant ses collègues à l'imiter.
"On veut engager un dialogue avec l'Etat, c'est pas en fermant tout qu'on va combattre cette pandémie", a-t-il déclaré lundi à l'AFP en accueillant, hors de son restaurant, une centaine de clients masqués sous des tentes.
La réouverture des restaurants, fermés depuis trois mois sauf pour la vente à emporter et le "click and collect", n'est pas envisagée par le gouvernement avant la mi-février au plus tôt. Les organisations patronales se sont dissociées de cette initiative, mais certains professionnels lui ont emboîté le pas.
Dans l'Ariège, à Daumazan-sur-Arize, la patronne de La Tomate du jardin Ilona Rutgers, 42 ans, a ouvert pour une dizaine de convives. "Les aides nous tiennent la tête hors de l'eau, mais il y a le moral aussi, on n'en peut plus." "Le plus dur", dit-elle, "c'est de voir la détresse de mes salariés, l'un d'eux est sans domicile fixe, et des collègues qui ont fait faillite". "J'ai 10 tables et 4 porte-fenêtres pour ventiler. C'est plus dangereux qu'un métro ou un supermarché ?"
A Ligescourt, petit village de la Somme, Kathia Boucher a servi un plat unique, tartiflette-salade, de 11h à 17h, à une vingtaine de clients dans son bar-brasserie La Bohême. Les gendarmes ne l'ont pas "forcée à fermer" mais "ont pris les pièces d'identité" des convives "en leur disant qu'ils allaient écoper d'une amende à 135 euros" et en lui promettant "une fermeture administrative et une amende", dit-elle à l'AFP. "De toute façon (...) on n'est pas près de rouvrir! Je ne regrette nullement."
- "Mort assurée" -
Nathalie Vicens, propriétaire-gérante de L'Ailleurs Café, un petit restaurant de cuisine du monde du centre d'Ajaccio, a fait une "ouverture symbolique" pour restaurer gratuitement une demi-douzaine d'amis. "J'appelle ça de la désobéissance civile: il y a des moments où il en faut et il n'y en a pas assez", estime une convive souhaitant rester anonyme.
"Ouvrez, faites de la vente à emporter, mais ne vous mettez pas en infraction: oui nos clients nous manquent, mais il ne faut pas appeler à l'insurrection parce que c'est la mort assurée", indique pour sa part à l'AFP Stéphane Manigold, porte-parole du collectif Restons ouverts, qui veut "dissuader d'ouvrir" des professionnels qui risquent des amendes, la perte des aides de l'Etat et une fermeture administrative.
"Ceux qui ne respectent pas les règles n'auront plus le soutien de l'Etat", a d'ailleurs averti lundi le ministre de l'Economie Bruno Le Maire sur RTL. Ils verront leur accès au fonds de solidarité "suspendu pendant un mois", et définitivement en cas de récidive.
Jugeant ces menaces "ridicules", Yannick Moulin, 41 ans, patron du restaurant lyonnais Le François Villon, a ouvert -très discrètement, en sous-sol- par "solidarité" envers "des amis, des habitués". "J'ai des crédits à payer, un loyer de 5.000 euros par mois: les 10.000 euros du fonds de solidarité, ça ne suffit pas."
Avant de régler la note, son client Bernard Ouziel, 57 ans, pousse un "ça fait du bien !" et revendique un "acte de désobéissance total".
Mais d'autres reculent: "Puisque les sanctions sont lourdes nous appliquerons le plan B", a annoncé le restaurant O'Marignano à Marignane (Bouches-du-Rhône) sur Facebook, invitant ses clients à "amener une chaise" pour manger "sur la place de la mairie".
"Malheureusement, je ne vais pas ouvrir à l'intérieur car j'ai des responsabilités par rapport à ma famille, à ma banque", s'est aussi justifié Philippe Vieira, gérant de l'Espace Zola 229 à Villeurbanne. Ni "rebelle" ni "provocateur", il "demande des perspectives d'avenir".
A Paris, José Preto, 55 ans, patron du bistrot le Tir-Bouchon, a dressé symboliquement deux couverts sur une table en terrasse: "pas question d'être hors la loi", mais "si la situation traîne, rien -sauf hécatombe de morts- ne pourra nous empêcher d'ouvrir".
Enfin à Wirwignes (Pas-de-Calais), Claude Quétu, propriétaire du Red Bus, a renoncé lui aussi et regrette un manque "d'union" entre professionnels.
Gérante d'un restaurant du XVIIeme arrondissement de Paris, Sylvie estime que "si on la joue perso, on ne va jamais réussir à rouvrir".
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