Avec les plongeurs-démineurs, à la recherche des mines de la Seconde Guerre mondiale
La moitié des mines de la Seconde Guerre mondiale sont encore en mer: au total, ce sont donc quelque 300.000 engins que les plongeurs-démineurs comme ceux dirigés par Jérôme Pernot, commandant d'un chasseur de mines, recherchent pour les neutraliser.
Son navire, l'Orion, un des 11 bâtiments de la Marine nationale spécialisés dans ce domaine, en a trouvé et désactivé six depuis septembre 2015, explique le capitaine de corvette, indiquant le tableau de chasse placardé dans l'étroite coursive du bateau, stationné dans le grand port de Toulon: "il est tout à fait ordinaire de neutraliser encore aujourd'hui des mines de l'Allemagne nazie, par exemple".
Sur les écrans de la salle de contrôle, un petit objet noir se détache sur un fond gris-bleu. A l'avant du bateau, sur le pont, deux membres de l'équipage reliés par une "sangle de vie" s'apprêtent à plonger pour l'identifier. S'il s'agit d'une mine, ils se chargent de la désamorcer ou de la faire exploser dans un périmètre sécurisé. Fausse alerte: l'écho qui avait été repéré n'est finalement pas une relique de la Seconde Guerre mondiale.
Sur le dos, ces plongeurs portent un "Crabe", pour (Complete range autonomous breathing equipment) l'appareil leur permettant de respirer sous l'eau. "Les plongeurs-démineurs peuvent plonger jusqu'à 80 mètres, pour une dizaine de minutes. A moindre profondeur on peut rester plusieurs heures. C'est de la profondeur que dépend le mélange de gaz" dans leur bouteille de plongée, explique Nathaniel, 28 ans, responsable de l'atelier dans lequel sont élaborés ces mélanges gazeux.
En plus du travail sur les mines, les plongeurs-démineurs effectuent également des travaux sous-marins ou participent aux opérations de sauvetage en mer.
Lorsqu'on plonge, "c'est l'obscurité, la solitude, le calme", décrit le capitaine de frégate Bertrand de Lorgeril, chef de la Cellule de plongée humaine et intervention sous la mer (CEPHISMER) de Toulon, un centre de recherche sur la plongée à la renommée internationale, fondé par le commandant Cousteau et ses camarades en 1945.
"Il faut avoir une maîtrise de soi, de ses limites. Ce n'est pas fait pour tout le monde, il y a une grande inégalité par rapport à la plongée, et malgré la sélection rigoureuse, on ne peut totalement exclure les accidents", précise-t-il.
Sur 250.000 plongées militaires par an, effectuées par les plongeurs-démineurs ainsi que par tous les autres plongeurs des armées, on ne compte cependant qu'une petite dizaine d'accidents. "Ca reste une activité à risque, l'homme n'est pas fait pour aller sous l'eau", reconnaît Nathaniel, "Mais l'exploration de domaines inconnus fait fantasmer, on rêve d'épaves, de trésors, d'aller où peu de gens vont".
Un enthousiasme partagé par Johann, 22 ans, le cadet des plongeurs de l'équipage. "Je n'avais jamais plongé mais ça me fascinait. J'ai appris que ce métier existait sur internet", raconte-t-il, les manches de sa combinaison en néoprène retroussées et laissant apparaître un grand tatouage maori.
Les plongeurs plus âgés évoquent l'effet "magique" des documentaires du commandant Cousteau. "Son film +Le monde du silence+ (sorti en 1956, plame d'or à Cannes et Oscar du meilleur documentaire, ndlr) a suscité des vocations, à l'époque il n'y avait que 'trois' chaînes à la télé!", souligne le commandant Pernot.
A bord, les souvenirs les plus marquants de l'équipage sont éclectiques: tomber nez à nez avec des dauphins, repêcher des corps humains, chercher les boîtes noires du vol Egypt Air qui s'est abîmé en mer au mois de mai, déminer le détroit de Bab-el-Mandeb, entre le Yémen et Djibouti, pendant la Guerre du Golfe.
Les plongeurs partagent aussi la fierté d'être basés à Toulon: "c'est la capitale mondiale de la plongée!", affirme Nathaniel, "c'est le temple dans lequel est née la discipline, où des hommes ont fait des expériences au péril de leur vie, où se sont fait les avancées qui ont ensuite irradié dans le civil", renchérit-il.
Le Cephismer abrite notamment un caisson Hyperbare CH500, unique dans l'hexagone, qui peut accueillir quatre personnes et permet de simuler des immersions de plusieurs centaines de mètres de profondeur, qui peuvent durer jusqu'à 24 jours.
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.