Les polluants éternels, mesurés, réglementés et cachés

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France-Soir
Publié le 25 septembre 2024 - 16:20
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Dans le Rhône, la rivière Salindres totalement asséchée, le 17 juin 2022
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AFP/Archives - OLIVIER CHASSIGNOLE
AFP/Archives - OLIVIER CHASSIGNOLE

Publiée le jeudi 19 septembre, une nouvelle enquête menée par la cellule investigation de Radio France remet sur le tapis la question épineuse des polluants éternels et leur présence dans l'eau du robinet sur le territoire métropolitain. Les prélèvements réalisés font état d’une présence dans 43% des cas de ces polluants.

Ces polluants, dont les risques sur la santé sont identifiés depuis le début des années 2000, se caractérisent par leur incapacité à se dégrader dans l’environnement et se retrouvent aussi bien dans l’eau que dans l’air ou les sols. Ils sont notamment présents dans nos poêles en téflon, dernièrement mises au pilori, ou encore dans les cosmétiques et les composants d’emballages alimentaires.

L’enquête réalisée par les journalistes Anne-Laure Barral et Noémie Lair laisse apparaître en 89 « coups de sonde », réalisés sur l’ensemble de la métropole, les statistiques à un instant T de notre eau du robinet. Alors que les collectivités seront tenues, à partir de 2026, de contrôler les niveaux de ces PFAS dans l’eau potable, les données actuelles laissent apparaître une présence à des niveaux toujours inquiétants.

La méthode d’observation choisie par le média a consisté en un prélèvement fait entre le 8 avril et le 5 juin derniers par chaque radio locale de France Bleu. Cela a permis de pratiquer ces dizaines de contrôles avec comme critères de choix la proximité avec certaines usines polluantes, telles les papeteries ou les centres de tri, ainsi qu’en croisant avec les connaissances préalables de points contaminés grâce aux études de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Par la suite, le laboratoire Ianesco, localisé à Poitiers, a effectué en bout de chaîne les analyses des échantillons. Une analyse qui a permis de mettre en lumière la présence inquiétante de PFAS pourtant interdits ou classés comme cancérogènes. À ce propos, sur les vingt-cinq polluants recherchés par le laboratoire, vingt d’entre eux vont à l’horizon 2026 être particulièrement surveillés, avec une somme totale qui ne devra pas dépasser les 100 nanogrammes. Des mesures qui sont aujourd’hui dépassées dans certains territoires. France Bleu met notamment en avant la ville de Cognac (Charente), qui présente le double de la future limite réglementaire.

Le seuil à venir est cependant déjà remis en cause et pourrait accepter certaines exceptions afin d’assouplir la norme pour les villes ayant le plus à rattraper sur la qualité de leur eau. En effet, la Direction générale de la santé (DGS) affirme en ce sens qu’elle va procéder « au cas par cas » tout en gardant l’objectif fixé de « réduire les contaminations ». De plus, « les préfets ont la possibilité d’adopter des mesures plus contraignantes selon les cas », espérant démontrer par ces propos l’utilité de la mesure malgré la flexibilité apportée pour d’autres. Libre à chacun de se montrer plus zélé. Pour autant, la charge incombe aux collectivités de sensibiliser ses habitants au sujet des dépassements possibles dans la commune. Une charge qui déplaît à certains et qui attise les points de friction entre l’État et les collectivités. À cet effet, l’élue en charge du cycle de l’eau dans l’agglomération du Grand Lyon, Anne Grosperrin, s’indigne de cette responsabilité pesante. En effet, alors que le site au sud de Lyon, Saint-Symphorien-d’Ozon, présente la troisième zone la plus polluée selon les résultats du média, la ville est surtout handicapée par la présence d’usines qui fabriquent justement ces PFAS. Bien que la mise en place d’un « plan d’action » pour purifier ses eaux soit envisagé, prévoyant de traiter par l’usage de « charbons actifs », les délais sont resserrés et les relations, tendues. L’élue affirme qu’il est « hors de question que nous assumions la responsabilité pour une pollution dont nous n’étions pas responsable puisque c’est l’État qui autorise les industriels à rejeter ces substances dans l’environnement ». Alors, les collectivités se retrouvent punies pour des défaillances accordées par ceux-là même qui punissent. Une situation ubuesque qui paraît pourtant si commune.

L’élue explique pour autant qu’une porte de sortie existe, laissée en suspens suite à « une réunion avec l’ARS ». En effet, la collectivité aurait eu la proposition en juillet 2023 de pouvoir « déposer un dossier de demande de dérogation pour distribuer une eau non conforme ». Encore une fois, cela laisse présager des mesures prises pour satisfaire l’opinion publique sur le papier, avant que différents astérisques dont nous n’avons que peu connaissance apparaissent afin de permettre à tout un chacun de se dispenser des mesures soudaines et radicales. De quoi laisser penser à un, devenu célèbre, "en même temps".

Les collectivités doivent alors s’organiser et mettre les moyens, ne serait-ce que pour démontrer leur absence de responsabilité. À cet effet, des procédures judiciaires se mettent en place. Parmi elles, le tribunal judiciaire de Lyon rendait le 30 juillet dernier la possibilité de créer un collège d’experts dans l’objectif de démontrer la responsabilité des industriels Arkema et Daikin dans le sud du département. Collectivités et citoyens s’unissent pour porter plainte sur la mise en danger de la vie d’autrui et l’écocide que représentent les diverses industries du secteur. Ces dernières seraient même accusées de cacher « des informations aux services de l’État » pour permettre leur implantation sur le territoire français. Un scandale qui ne ferait qu’en cacher un autre. 

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