Abattoirs : faute d'effectifs, les inspections laisseraient de côté le bien-être animal
Manque d'effectifs, pressions et relations parfois conflictuelles dans les abattoirs qu'ils sont chargés d'inspecter par l'Etat, des techniciens et des vétérinaires ont témoigné ce jeudi 19 devant les parlementaires des difficultés de leur métier qui peuvent limiter leurs capacité à contrôler le bien-être animal. "Il est possible que la réduction des effectifs, de moins 20%, ait eu comme conséquence un allégement du nombre et de la fréquence des contrôles en protection animale", a estimé Laurent Lasne, président du Syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire (SNISPV), devant la commission d'enquête parlementaire sur les abattoirs.
Les services vétérinaires ont en effet perdu 250 postes entre 2007 et 2011, passant de 1.650 agents à 1.400. Toutefois, après le scandale des lasagnes à la viande de cheval en 2013, le ministère de l'Agriculture a gelé les réductions d'effectifs et entrepris de créer 60 postes par an jusqu'en 2017. Les effectifs restent cependant tendus pour effectuer toutes les taches demandées aux inspecteurs dont la plus importante est le contrôle sanitaire pour s'assurer que les animaux qui arrivent à l'abattoir ne soient pas porteurs de maladies et que la viande qui en sort soit propre à la consommation humaine.
"Les actions des services en abattoirs sont très codifiées. Il y a une inspection ante mortem, chaque animal doit être vu vivant, et une inspection post mortem, qui est une sorte de mini-autopsie de l'animal mort où chaque carcasse est inspectée", a-t-il expliqué. Or "ces deux étapes sont très consommatrices d'effectif", a-t-il souligné. La diminution du nombre de techniciens et vétérinaires chargés des inspections "n'a pas touché les inspections ante et post mortem" mais "a impacté les autres activités des services vétérinaires dans l'abattoir, moins codifiées", comme "les inspections au poste d'étourdissement et de saignée", a poursuivi M. Lasne.
"Nous sommes présents en permanence sur la chaîne d'abattage aux endroits des postes d'inspection. Après, nos missions peuvent s'exercer n'importe où dans l'abattoir", a pour sa part raconté Stéphane Touzet, secrétaire général adjoint du Syndicat national des techniciens supérieurs du ministère de l'agriculture (SNTMA-FO). Mais "si on est seuls, c'est après (l'abattage)" que ces missions sont menées, "car l'inspection systématique doit être faite coûte que coûte", a-t-il ajouté.
Les inspecteurs ont un arsenal de mesures à leur disposition pour sévir face à des manquements: notifications, mises en demeures, procès verbal (PV) ou déclassement dans les cas les plus graves. Mais "on peut très vite passer du statut d'inspecteur au statut d'empêcheur de tourner en rond et là l'appui et l'investissement de la chaine hiérarchique est essentiel", raconte M. Touzet.
Donnant l'exemple d'un technicien qui met un PV à l'abattoir où il est basé, "si le PV n'aboutit pas, il sera la risée de la structure dans laquelle il travaille", assure-t-il, et une fois "décrédibilisé" c'est "très compliqué de travailler au quotidien". M. Touzet dénonce également "les fortes pressions économiques et politiques dont on peut faire l'objet. Il y a des enjeux financiers, sociaux, d'emplois, des enjeux agricoles aussi", autour des abattoirs.
La situation est la même pour les vétérinaires, estime M. Lasne qui demande également "une solidarité de leur encadrement, de leur direction et jusqu'au préfet si nécessaire". Pour sortir de la "relation bilatérale en vase clos avec l'abatteur, de contrôleur/contrôlé", et éviter que "la boite ne se referme une fois que l'actualité sera passée", il propose de créer "un comité d'éthique autour des abattoirs" comme pour l'expérimentation animale.
"On pourrait imaginer des comités d'éthiques attachés aux abattoirs où la société civile serait représentée par des bouchers, des éleveurs, des consommateurs et des associations de protection animale", a-t-il proposé.
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