Abdelghani, un Merah engagé dans la déradicalisation

Auteur(s)
La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 19 avril 2016 - 15:13
Image
Deux ans après les faits, les policiers auraient acquis la conviction que Mohamed Merah aurait commis un braquage entre ses attaques terroristes.
Crédits
©Sipa
"Ma mère disait toujours que les Arabes sont nés pour détester les Juifs", raconte Abdelghani Merah qui accuse ses parents d'avoir poussé la famille à la radicalisation et à l'antisémitisme.
©Sipa
Son frère est le tueur au scooter qui a massacré des juifs et des militaires parce qu'ils étaient juifs ou représentaient l'Etat français et qui est pour cela idolâtré par sa famille. Pour ne pas cautionner ces actes, ni détester l'autre, Abdelghani Merah a dû rompre avec sa famille.

Abdelghani Merah est le mouton noir de la famille Merah, celui qui a trahi en dénonçant les tueries de son frère en 2012. Après une descente aux enfers, il reprend pied aujourd'hui et va prêcher la bonne parole auprès des jeunes radicalisés.

Il a presque 40 ans, le crâne rasé, les yeux clairs, un reste d'accent du sud-ouest. "De profil" il ressemble beaucoup à "Mohammed". Un bras handicapé par un accident de moto, sa frêle silhouette rase les murs car il se sait menacé. Il parle comme il marche, se faisant petit, le sourire fuyant. Il souhaite d'ailleurs rester discret sur son lieu de résidence.

Il n'oubliera jamais ce matin de mars il y a quatre ans, où, allumant la télé, il reconnaît la rue de son frère. Le "tueur au scooter", c'était donc lui. "Je suis arrivé en trombe, paniqué. Les policiers ont cru que je voulais les attaquer. Mais je voulais les aider à négocier avec Mohammed", raconte-il lors d'un entretien avec l'AFP.

Il savait que ça arriverait. Déjà en 2003 "j'avais signalé mon autre frère Kader qui se faisait appeler Ben Laden" dans le quartier. Abdelkader Merah qui est aujourd'hui renvoyé devant une cour d'assises spéciale pour complicité dans l'affaire Merah, renvoi dont il a fait appel.

Pour Abdelghani, ce sont leurs parents qui ont dispersé "le terreau fertile" à la radicalisation et à l'antisémitisme sans borne de ses frères et de sa sœur Souad. "Ma mère disait toujours que les Arabes sont nés pour détester les Juifs. Et mon père estimait que les Palestiniens ont raison de se faire exploser et les Israéliens ont ce qu'ils méritent".

Lui "ne sait pas" pourquoi il n'est pas devenu comme eux. "J'étais plutôt un bon gardien, courtisé par des clubs de foot réputés, c'est peut-être de là que vient mon ouverture".

Sa vie, cabossée, n'est qu'une série de ruptures avec sa famille. La première lorsqu'il tombe amoureux d'une femme d'origine juive. Insupportable pour Abdelkader qui le poignardera très gravement.

La deuxième lorsqu'il filme sa sœur à son insu pour lui faire dire qu'elle est "fière" des attentats perpétrés par son frère. Des attaques qui ont coûté la vie à sept personnes dont trois enfants juifs. Il écrira dans la foulée un livre Mon frère, ce terroriste. La trahison de trop. "Pour eux, j'avais fait la pire des choses, la balance, le harki comme ils disent. J'ai perdu tous mes amis du jour au lendemain".

Fin 2012, il quitte Toulouse. Avec sa compagne et leur fils et trouve refuge chez son beau-frère à Aix-en-Provence. "J'ai cru être soulagé après le livre mais en fait j'étais déprimé. Ma famille en voulait plus à moi qu'à Mohammed. J'avais beaucoup de peine pour eux, ils ne se rendaient pas compte de ce qu'ils faisaient de l'idolâtrer comme ça". Pour eux, "il n'avait pas tué des enfants mais des juifs".

Il glisse doucement. Se sépare de sa compagne. Dans les mois qui suivent les attaques, difficile de trouver un logement ou un boulot quand on s'appelle Merah. La société aussi le rejette. Il part pour Perpignan, fait la fête la nuit pour ne pas dormir dehors. Il trouve une chambre de bonne et continue son "semblant de vie" avec sa pension d'handicapé.

Jusqu'au jour, récent, où Mohamed Sifaoui, le journaliste qui l'a aidé à écrire son livre, l'invite à un colloque à Paris sur la déradicalisation. Là, il rencontre les gens de l'association Entr'autres. Germe alors l'idée de s'engager avec eux.

"Je peux apporter quelque chose, casser le mythe de Mohammed. Dire aux jeunes que mon frère était faible" et "qu'il s'est fait voler son cerveau". Les mères, "j'essaie de les réconforter, de leur dire que ce qu'elles font est essentiel. Si Mohammed avait eu de leur amour, il ne serait jamais devenu Mohammed Merah". Il est doux, mesuré dans sa parole.

"Je les préviens aussi: s'il y a un salafiste dans la famille, il faut le couper des autres" car les attentats de Bruxelles et Paris montrent bien la place qu'occupe la fratrie dans le djihad.

"Abdelghani apporte la vérité sur le personnage de son frère; il casse l'héroïsation. Il montre que l'extrêmisation politico-religieuse se fait à partir du milieu familial comme dans les familles nazies", explique Patrick Amoyel, professeur de psychopathologie et membre fondateur d'Entr'autres qui l'a recruté à ses côtés.

 

À LIRE AUSSI

Image
Latifa Ibn Ziaten
Latifa Ibn Ziaten, mère d'une victime de Merah : "ne pas céder à la peur"
Latifa Ibn Ziaten, la mère d'un militaire français assassiné en 2012 par le djihadiste Mohamed Merah, a reçu de la diplomatie américaine un prix rendant hommage à son ...
30 mars 2016 - 15:41
Société
Image
Mohamed Merah victimes
Toulouse : 4 ans après, hommage aux victimes des tueries de Merah
Quatre ans après les tueries de Mohamed Merah, Toulouse a rendu hommage aux sept victimes du terroriste islamiste, ce vendredi.Toulouse a rendu hommage ce vendredi 18 ...
18 mars 2016 - 19:20
Société
Image
Une allégorie de la Justice.
Tueries de Merah : son frère et un autre homme renvoyés aux assises
Abdelkader Merah, le frère du "tueur au scooter" a été renvoyé devant les assises par les juges antiterroriste. Il est accusé de complicité d'assassinats.Les juges ant...
16 mars 2016 - 15:40
Société

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
ARA
Décès de ARA, Alain Renaudin, dessinateur de France-Soir
Il était avant toute chose notre ami… avant même d’être ce joyeux gribouilleur comme je l’appelais, qui avec ce talent magnifique croquait à la demande l’actualité, ou...
07 novembre 2024 - 22:25
Portraits
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.