Attentat de Sain-Etienne-du-Rouvray : les djihadistes l'ont forcé à "filmer l'assassinat de son ami le père Jacques", raconte un survivant
Ils ont vécu l'horreur. L'horreur ressentie dans leur chair, l'horreur de voir un proche, un "ami", se faire égorger sous leurs yeux. Pour la première fois, le couple de quinquagénaire Guy et Jeannine Coponet, ainsi que la sœur Danielle, tous trois survivants de l'attaque terroriste menée contre l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray fin juillet, témoignent. Leur récit, recueilli par Luc Adrian de l'hebdomadaire Famille chrétienne et publiés mercredi 29, est celui de la folie des deux djihadistes tout à la fois saisis d'une violence inouïe et capables de se montrer polis, voire serviables, avec leurs victimes. Et celui d'un cauchemar qu'ont vécu ces gens simples qui ont vu l'inimaginable.
Il était aux alentours de 9h30, ce mardi 26 juillet, lorsqu'Adel Kermiche et Abdel Malik Petitjean ont surgi en plein office. Immédiatement ils saisissent le père Jacques Hamel et prennent en otage les cinq fidèles et religieuses présents. "Les deux jeunes tueurs m’ont attrapé par le +colbac+, m’ont mis une caméra dans les mains et m’ont dit: +Papy, tu filmes+", raconte Guy Coponet. "J’ai dû filmer l’assassinat de mon ami le Père Jacques! Je ne m’en remets pas". Kermiche et Petitjean souhaitaient visiblement diffuser ces images de leur action, pour prouver leur martyr pour Allah.
Le prêtre est tué sur le coup, les deux djihadistes tournent alors leur violence contre leurs autres otages. De nouveau, c'est Guy Coponet qui est visé: "je lui ai demandé s’il avait des enfants. J’ai ajouté: +Pense à tes parents, tu es sur une fausse route, tu vas les tuer de chagrin+. Il m’a poignardé", raconte le survivant. Guy, qui est alors grièvement touché à la gorge, décrit: "(il) m’a traîné en bas des marches de l’autel. C’était tout rouge, mais je ne me rendais pas compte que c’était mon sang qui coulait. Je n’ai pas souffert sur le moment. Je me suis serré la gorge parce que ça jaillissait".
Après avoir agonisé pendant près de quarante-cinq minutes, l'octogénaire, ouvrier en retraite, a finalement pu être secouru après que les djihadistes ont été abattus sur le parvis de l'église et que la police a fait son entré dans le lieu de culte transformé en scène de crime. "L'urgentiste qui m'a soigné m'a dit: +Il y avait une main divine sur vous car aucun des coups n'a touché un organe vital. Or, ce n'était vraiment pas loin… C'est comme un miracle!+", ajoute encore le vieil homme.
Scène encore plus surréaliste, si cela était possible, alors que le père Hamel gît sans vie et que Guy Coponet agonise, tous deux baignant dans leur sang, s'engage une "conversation pseudo théologique" entre les terroristes et l'une des religieuses, raconte sœur Danielle. "Avez-vous peur de mourir?", a ainsi lancé Kermiche à la sœur Hélène. Alors que celle-ci lui répond que non, le djihadiste s’étonne: "parce que je crois en Dieu et je sais que je serai heureuse", lui répond-elle. "Moi aussi je crois en Dieu et je n’ai pas peur de la mort", tranche alors Kermiche.
Un peu plus tard, épuisée et alors que son époux est toujours agonisant, Jeannine demande à s'assoir. Kermiche lui répond alors "sans hésitation, avec politesse: +Oui, asseyez-vous Madame+", raconte-t-elle précisant que, pour sœur Hélène qui lui demandait sa canne, le terroriste s'est déplacé pour la lui donner.
Les trois survivants semblent ainsi ne pas avoir de haine contre les deux jeunes djihadistes. "Pour l’instant, on prie surtout pour leurs familles. J’ai une pensée spéciale pour leurs mamans qui doivent se lamenter: +Mon fils est devenu fou!+. Elles ne vont pas se relever de sitôt. On se dit, avec Guy, qu’on aimerait les rencontrer pour essayer de comprendre et les apaiser", compatit Jeannine. Sœur Danielle, qui connait la famille Kermiche, parle des parents "totalement perdus".
De là à pardonner? "Je ne pourrai le faire pleinement que face à Dieu, avec sa grâce", confesse Guy. Puis le couple d'octogénaires de confier qu'ils s'adressent à Dieu pour leurs bourreaux: "Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font".
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