France Télécom : la colère de la fille d'un salarié qui s'est immolé par le feu

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Par Caroline TAIX - Paris (AFP)
Publié le 27 juin 2019 - 21:33
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Une balance de la justice
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© LOIC VENANCE / AFP
Le procès doit se terminer le 11 juillet.
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"Mon père, vous l'avez tué. Tout ça pourquoi?": Noémie Louvradoux, dont le père s'est immolé par le feu en 2011 sur un parking de France Télécom, a raconté jeudi au tribunal la douleur de sa famille après ce suicide, en accablant les ex-dirigeants de l'entreprise.

La veuve de Rémy Louvradoux a pris place avec ses quatre enfants, au premier rang de la salle d'audience. Sa fille Noémie s'avance à la barre: "Quand je dirai +je+, c'est +nous+ qu'il faudra comprendre: ma mère, mes frères, ma sœur". "Ils ont assassiné mon père, ma vie de famille, ils ont volé notre vie", dit-elle avant de citer un à un les noms des prévenus, assis à un ou deux mètres d'elle.

Les ex-dirigeants sont jugés depuis le 6 mai, accusés d'avoir mis en place une politique de "harcèlement moral".

Rémy Louvradoux s'est donné la mort en s'immolant par le feu à Mérignac (Gironde) sur le parking de l'entreprise, le 26 avril 2011. Ce fonctionnaire avait 56 ans. Sa fille se souvient d'un homme "profondément gentil, ouvert, instruit", puis raconte son "changement progressif". "Il a perdu toute estime de soi au travail puis il a perdu toute estime de soi en famille".

Il ne parlait plus de son travail, sauf à son épouse. "Mais ma mère n'a pas compris l'ampleur du désastre", explique Noémie Louvradoux.

En début d'audience, la présidente avait posé le cadre. "La situation de M. Louvradoux semble concentrer toutes les problématiques: la réorganisation de l'entreprise, les mobilités, les problèmes de santé au travail, les diminutions de salaire" etc.

Il est entré à France Télécom en 1979. L'entreprise a d'abord joué le rôle d’ascenseur social. Mais dans les années 2000, il est "redéployé" à plusieurs reprises après des suppressions de postes.

Son ancien responsable a expliqué aux enquêteurs sa "consigne" alors que France Télécom cherchait à supprimer des milliers d'emplois: "Il faut vite sortir Rémy des effectifs".

Il candidate à plusieurs reprises: il échoue mais sans jamais obtenir d'explication. Il cherche à partir dans la fonction publique territoriale mais découvre que France Télécom ne transmet pas son dossier. Il a des missions loin de son domicile. "Je suis en trop", écrira-t-il en septembre 2009 dans une lettre aux responsables de France Télécom.

- "Totalement dramatique" -

Noémie Louvradoux crie sa colère au tribunal. "L'immolation par le feu a permis de comprendre la mesure de la violence qu'il avait subie et qu'il a retournée contre lui-même". "France Télécom a détruit sa vie et ne lui a laissé aucune issue".

Et encore: "La mort de mon père, c'est la réussite de leur objectif". Pour elle, tout était "délibéré".

Elle voulait que les prévenus soient jugés pour "homicide involontaire", pour "mise en danger de la vie d'autrui". Le "harcèlement moral" est puni d'un an de prison et 15.000 euros d'amende. "Ils savent qu'ils seront impunis", critique-t-elle. Elle les accuse de "déni", de "lâcheté", juge leur "compassion factice, laide, obscène".

Et de poursuivre: "Je garde un profond sentiment d'injustice. Ça n'aura pas impacté leur carrière, leur vie de famille, alors que ça a impacté toute notre vie".

L'avocate de la famille, Cécile Boulé, interroge les prévenus: pourquoi son dossier pour une mobilité vers la fonction publique n'a pas abouti?

- France Télécom ne peut pas obliger une collectivité territoriale à choisir un candidat, répond Olivier Barberot, l'ex-DRH.

- Le dossier n'était pas transmis!, rétorque l'avocate.

- L'espace de développement (de France Télécom) a fait son travail, défend l'ex-DRH.

- Quel est votre sentiment dans ce dossier?, relance Me Boulé.

- C'est totalement dramatique, reconnait M. Barberot.

Noémie Louvradoux décrit les crises d'angoisse dans la fratrie, les insomnies, l'hypertension de la mère, l'état de fatigue permanent du petit frère, les troubles musculo-squelettiques de la petite sœur. "Je ne supporte toujours pas les gens qui allument un briquet à côté de moi", explique la jeune femme.

Le procès doit se terminer le 11 juillet.

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