Merah : "la double souffrance" de Latifa Ibn Ziaten, mère de la première victime

Auteur(s)
La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 22 mars 2016 - 12:32
Image
Latifa Ibn Ziaten
Crédits
©Capture d'écran/Vidéo YouTube
Latifa Ibn Ziaten, la mère d'une victime de Mohamed Merah, a vécu "une double souffrance" et s'est sentie "oubliée" et "humiliée".
©Capture d'écran/Vidéo YouTube
Quatre mois après les tueries de Mohamed Merah, Latifa Ibn Ziaten -mère de la première victime- a vécu "une double souffrance". Les policiers croyaient au départ que la mort de son fils, Imad Ibn Ziaten, était due à un banal règlement de comptes entre délinquants.

Quand Imad Ibn Ziaten tombe le premier sous les balles de Mohamed Merah, les policiers croient à un banal règlement de comptes entre délinquants. Des soupçons alors vécus comme "une double souffrance" par sa mère Latifa. "On était les premiers: pendant quatre jours, on est resté seuls". La voix toujours entrecoupée de sanglots, Latifa Ibn Ziaten évoque ce 11 mars 2012, quand son fils de 30 ans fut abattu dans un parking désert de Toulouse.

Rien ne laisse alors penser à la piste islamiste. Dans les médias, l'assassinat est présenté comme un fait-divers local, on parle d'un règlement de comptes entre trafiquants ou même d'un différend familial. Pourtant, le militaire Imad Ibn-Ziaten fut la première des sept victimes tuées au nom d'Allah par le jihadiste Mohamed Merah, tué il y a tout juste quatre ans, le 22 mars, au terme d'une randonnée meurtrière de onze jours.

Or, jusqu'à ce que deux autres parachutistes tombent à leur tour à Montauban sous le feu du même Colt 45, le 15 mars 2012, personne n'envisage l'hypothèse terroriste. Et la famille d'Imad Ibn-Ziaten est "seule au monde". "Pendant quatre jours, on n'avait aucune aide", se souvient cette mère d'origine marocaine décorée récemment de la Légion d'honneur, "on était complètement oubliés. Plus qu'oubliés: on était humiliés, et ça nous a marqués à vie".

Pendant que le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve rendait hommage aux sept victimes lundi soir à Toulouse, Latifa Ibn Ziaten se recueillait sur la tombe de son fils au Maroc. Elle a vécu "le même drame" que les autres familles qui ont perdu un fils, un frère, un époux, un petit-fils ou une fillette, le 15 puis le 19 mars lors d'une fusillade dans une école juive. Mais en plus, elle a vécu "les soupçons", "les interrogatoires", "la solitude", ce qu'elle appelle "une double souffrance".

Au commissariat, lorsque la famille d'Imad arrive de Rouen, après avoir appris la mort du sergent-chef basé à Toulouse, "on a été soupçonnés tout de suite: mes enfants dans un bureau, moi dans un autre", raconte-t-elle à l'AFP. "Pour eux, c'était un règlement de comptes, c'était un trafiquant, (...) c'était un Arabe, c'était comme un délinquant", se souvient-elle, et on soupçonne même "un autre fils d'avoir tué son propre frère".

"On est sortis du commissariat comme des chiffons, comme des mouches", sans même avoir pu reconnaître la dépouille d'Imad, car après plusieurs heures d'audition, "la morgue était fermée". Quand on lui présente le corps, "ils avaient fait l'autopsie sans nous prévenir. Voir votre fils allongé comme çà, ouvert partout, vous savez, c'est pas facile...".

Pour les autres familles de victimes, "tout le monde était là, le monde a bougé". Mais pour Latifa Ibn Ziaten, "le ciel est haut, le sol est bas, il y a personne qui vous entend, il y a personne qui vous voit, vous n'existez pas". "La mémoire de mon fils a été salie". "Quand je reviens à Toulouse, ça me vient tout de suite, cette souffrance énorme", souligne encore cette mère de famille.

"Après il y a eu l'hommage à Montauban, mais le mal était fait, le mal horrible à l'intérieur, c'est pour ça que je parle de double souffrance". "Jamais, jamais jusqu'à aujourd'hui, le commissariat ne nous a appelés pour nous dire +on a trouvé que la même arme qui a tué votre fils a tué d'autres soldats+ ; rien, rien, jamais, jamais, les policiers n'ont fait d'excuses".

Depuis la mort de son fils, alors que se profile la perspective d'un procès aux assises pour le frère du tueur, Latifa Inbn Ziaten s'est engagée dans la lutte contre la radicalisation.

 

À LIRE AUSSI

Image
Mohamed Merah victimes
Toulouse : 4 ans après, hommage aux victimes des tueries de Merah
Quatre ans après les tueries de Mohamed Merah, Toulouse a rendu hommage aux sept victimes du terroriste islamiste, ce vendredi.Toulouse a rendu hommage ce vendredi 18 ...
18 mars 2016 - 19:20
Société
Image
Deux ans après les faits, les policiers auraient acquis la conviction que Mohamed Merah aurait commis un braquage entre ses attaques terroristes.
Procès Merah : pour les parties civiles, d'autres complices pourraient comparaître
Dans l'affaire Mohamed Merah, le parquet a demandé la comparution de plusieurs suspects dont le frère du tueur au scooter, Abdelkader Merah. Il a également demandé le...
19 février 2016 - 21:37
Société
Image
Le vice-président du FN, Florian Philippot.
Florian Philippot dénonce des "propos choquants" d'Eric Woerth à propos de Mohamed Merah
Deux jours après leur échange sur le plateau d'i>Télé, Florian Philippot est revenu sur les propos d'Eric Woerth, qui n'avait pas associés les actes de Mohamed Mera...
30 janvier 2016 - 17:19
Politique

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Les dessins d'ARA

26/12 à 14:34
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.